Misha Katsourin
Révéler la vérité aux familles en Russie
Une ligne de front coupe désormais 11 millions d’Ukrainiens de leurs familles vivant sur le sol russe. Une séparation physique, mais aussi un gouffre mental, dont Misha Katsourin, restaurateur, a pris conscience en appelant son père en Russie après avoir fui Kiev, en février. Dans la bouche de son géniteur, il a retrouvé les mensonges de Moscou : les « nazis ukrainiens », la langue russe interdite en Ukraine… « Pas une seule fois je n’ai été opprimé parce que je parlais russe », lui rétorque Misha. De ces infructueuses tentatives de dialogue est né un projet : « Papa, crois-moi », un site conçu avec des psychologues pour faire changer d’avis des proches « zombifiés », qui attire des dizaines de milliers de visiteurs. Son credo ? La patience.
« Ce n’est pas en une journée que l’on efface trente ans de propagande », assure Misha. Pour lui, seule l’évocation de détails personnels peut briser le rideau de fer mental. Son cuisinier obligé de se terrer chez lui à Hostomel pendant la bataille de Kiev, sa grand-mère terrifiée dans sa salle de bains pendant l’occupation à Berdiansk. Dans cette ville proche de Marioupol, les tanks de Poutine sont accueillis par les insultes des habitants russophones. Alors qu’en Ukraine, la plupart des familles ont coupé les liens, « chaque Russe qui reconnaît la vérité, c’est une petite victoire », estime Misha. En mai, son père a soudainement arrêté de lui parler. « Quelqu’un a dû venir l’intimider », avance-t-il. Preuve que l’initiative dérange… ✸