Laurent Wauquiez et LR : un pied dedans, un pied dehors
Le président de région, s’il garde un oeil attentif sur le parti, compte tracer un chemin différent en vue de la prochaine présidentielle.
aurent Wauquiez a la réputation d’être prudent. Ce trait de caractère nourrit l’image d’un élu à l’intelligence incontestée, toujours avec un coup d’avance. Voilà pour la version positive. Laurent Wauquiez est un « trouillard » allergique au risque : voici la version crue d’un pilier LR qui le connaît bien. Qu’importe le diagnostic. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, aux ambitions présidentielles intactes, aborde avec méthode sa quête élyséenne.
Son chemin vers 2027 sera souterrain. Laurent Wauquiez mise sur le temps long pour bâtir sa candidature. Il a renoncé à briguer cet automne la présidence des Républicains, au grand dam d’une majorité de ses soutiens. La victoire lui était promise. « Tu règles la question du leadership », « On risque de parler d’un nouveau renoncement après ton absence à la primaire de 2021 ». Ces arguments n’ont pas fait flancher l’ex-ministre. Le 17 juillet, il expliquait sur Facebook vouloir prendre de la « distance avec le combat politicien » pour travailler à la « refondation » de la France. Un renoncement pour 2022, un premier pas vers 2027. Cette mise à distance de LR est stratégique. La présidence d’un parti implique une omniprésence médiatique ? Laurent Wauquiez ne veut pas s’user. Prendre LR tuerait le leadership ? La base militante lui est déjà acquise. Et puis,
Lil y a ces maudites élections européennes de 2024, à l’issue bien incertaine. Le crash de François-Xavier Bellamy l’avait contraint à démissionner de la présidence de LR en 2019. « Il ne veut pas reprendre le chemin qui l’a conduit à l’impasse », résume l’eurodéputé Brice Hortefeux.
Le choix de la raison et pas encore du coeur : ce hiatus laisse ouverte la porte à ses concurrents
Les partis, démonétisés, restent indispensables dans la conquête du pouvoir. Laurent Wauquiez, actif lors des réunions stratégiques de LR, y pose son empreinte. A l’Assemblée, 19 des 62 députés LR sont issus de sa région. Beaucoup voient sa patte dans l’élection d’Olivier Marleix à la tête du groupe à l’Assemblée. « Il a passé des coups de fil », assure un député proche du candidat malheureux Julien Dive. Il observe avec bienveillance la candidature d’Eric Ciotti à la présidence de LR. Le député des AlpesMaritimes esquisse déjà un tandem : à moi le parti, à toi l’Elysée. La maison serait alors bien tenue. Nécessaire, pas mais suffisant. Laurent Wauquiez ne croit pas que la droite puisse se reconstruire depuis LR, appareil fatigué par les défaites. Il veut bâtir sa candidature en périphérie du parti et se « nourrir du pays ». « Il compte rencontrer les invisibles, ces Français que les politiques nationaux ne voient plus. Et comprendre ce que la droite n’a pas saisi ces dernières années », assure un proche. Cette « immersion » sur le terrain se double d’une diète médiatique. Laurent Wauquiez observe une stratégie du silence depuis l’échec des européennes. Il reprendra prochainement la parole, mais au compte-goutte. « Il n’y a pas d’échéances électorales proches, souligne son entourage. Ajouter son commentaire à un flot de commentaires ne sert à rien. C’est même contre-productif. »
Parler, mais pour dire quoi ? A la tête de LR, il a développé une ligne de droite assumée. « Identitaire à la sauce Buisson », raillaient ses contempteurs. Il insistait plus sur la crise culturelle et sociétale que sur les réformes libérales à mener. Avec un fil rouge : le sentiment de déclassement qui gagnerait nombre de Français. « Il veut remporter une primaire qui ne dit pas son nom contre Le Pen », pointe un hiérarque LR.
Quatre ans plus tard, Laurent Wauquiez ne dévie pas de ligne. Dans son texte de renoncement, il insiste sur « l’immigration hors de contrôle et la lutte contre l’assistanat ». Aucun aggiornamento idéologique n’est en cours, même si l’homme veut compléter son offre. « Certains discours qui paraissaient encore scandaleux il y a quatre ans sont devenus la norme », défend un maire LR. En 2018, un tract du parti « Pour que la France reste la France », avait précipité la rupture avec sa n° 2 Virginie Calmels. Ce même slogan ornait les affiches de campagne d’Eric Ciotti lors de la primaire LR pour la présidentielle. « Il considère que cette ligne peut être souhaitée par la France, confiait un proche en mars. Il faut arriver à la convaincre. Mais le problème est qu’on ne croit plus la droite. »
Il faudrait surtout croire Laurent Wauquiez. Son image a été ébranlée par son passage à la tête des Républicains. Des faux pas lui ont coûté cher : enregistré à son insu par des étudiants en école de commerce, il évoquait début 2018 le « bullshit » délivré sur les « plateaux médiatiques ». Quelques mois plus tard, il niait contre l’évidence avoir porté un gilet jaune. Son entourage a beau expliquer que sa popularité est dans la moyenne des responsables politiques, il y a un sujet Wauquiez. « Il a un déficit
d’image à combler, admet un soutien. Cela prendra du temps, mais il peut le faire. » Un conseiller LR, plus affirmatif : « Quand on vous colle un procès en insincérité, c’est terminé, que ce soit juste ou injuste. » Le maire d’Antibes Jean Leonetti tente de percer le mystère Wauquiez. En 2019, les deux hommes déjeunent ensemble après la débâcle des européennes. Le premier vient de remplacer le second à la tête de LR. La discussion est plaisante, on parle de philosophie. Le maire d’Antibes lui demande pourquoi il n’est pas aussi naturel dans les médias. La peur de commettre une erreur, répond Wauquiez. « Comme Nicolas Sarkozy, il travaillait tellement ses éléments de langage et son positionnement qu’il en paraissait froid et désincarné. Alors que ce n’est pas le cas. C’est un type complexe », jure Jean Leonetti.
On ne prend pas l’Elysée seul. Nicolas Sarkozy était entouré en 2007 d’une armée de grognards prêts à mourir pour lui. Laurent Wauquiez a un réseau régional, mais ne s’est pas constitué une garnison d’affidés. Il s’était retrouvé bien seul après la défaite des européennes. « Il est incapable de créer des fidélités ou de tenir un deal plus de quinze minutes », tance un pilier LR. A droite, le même refrain résonne : Il est le « meilleur » et le plus « capé » pour 2027. Mais l’affirmation est souvent lâchée sans enthousiasme. Wauquiez, le choix de la raison et pas
Le 19 juin, le Rassemblement national a fait élire 89 députés, une première dans l’histoire du parti d’extrême droite. Ce tournant pose aussi les bases d’une potentielle crise de croissance pour une formation en manque de cadres de valeur. Chaque député a besoin de deux à quatre assistants pour l’appuyer dans son travail à l’Assemblée nationale et en circonscription. Une tâche d’autant plus cruciale que la plupart de ces nouveaux élus n’ont pas ou peu d’expérience.
« Nous recevons des centaines de candidatures de très grande qualité », affirmait en juillet à L’Express Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe RN, qui chapeaute les recrutements. Selon cet ancien de Saint-Cyr et d’HEC, les diplômés de grandes écoles frapperaient en nombre aux portes du RN. L’Express a passé en revue les profils de ces nouveaux collaborateurs, consultables sur le site de l’Assemblée nationale. Si 20 parlementaires n’ont pour l’instant pas renseigné le nom du moindre
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