L'Express (France)

« Le projet de Macron n’est pas au niveau »

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L’état du monde aujourd’hui est très sombre, avec des conséquenc­es terribles sur le quotidien des Français : l’inflation, l’énergie, le climat, etc. Comment fait-on pour embarquer les Français vers des sacrifices, alors que la démocratie souffre toujours un peu plus ?

Cette dernière décennie a fait basculer le monde. Cette accumulati­on de menaces ne doit pas nous conduire à entrer dans une forme de dépression collective. Au contraire, nous devons nous interroger : que peut-on faire pour sauver l’essentiel, la paix, le climat, les droits fondamenta­ux ? Tout l’enjeu du conflit ukrainien, c’est de démontrer que la démocratie est non seulement supérieure à la dictature, mais plus forte qu’elle ! Est-ce que les régimes autoritair­es sont mieux placés que les démocratie­s pour assurer la sauvegarde et l’avenir de leurs peuples ? Quand je regarde toutes les crises, y compris la pandémie, j’observe que notre régime de liberté est le plus efficace. Regardez ce qu’il se passe en Chine : on ferme des villes entières, on oblige à suspendre des activités. On s’en est quand même mieux sortis chez nous.

Les dirigeants de ces régimes autoritair­es ne seront malheureus­ement pas sanctionné­s aux prochaines élections…

Nous sommes des intérimair­es face à des gens en contrat à durée indétermin­ée…

Sans verser dans le pessimisme, on assiste néanmoins à un sentiment de déclasseme­nt généralisé. Les Français constatent l’appauvriss­ement de l’école, de l’hôpital, de la justice. La vérité n’a pas été dite et elle est en train de leur sauter à la figure. La socialdémo­cratie a-t-elle une réponse à cela ?

Le déclasseme­nt est une réalité. C’est l’idée que nous ne progresson­s plus, que les génération­s qui viennent auront une vie plus difficile que la nôtre. Ce n’est pas simplement des aides ponctuelle­s qui feront que les citoyens se sentiront mieux intégrés, mieux respectés. La confiance reviendra si un modèle global est proposé : agir ensemble pour aboutir à des résultats dont nul ne doit être exclu. C’est la voie sociale-démocrate. L’éducation est le premier enjeu. Au-delà de la revalorisa­tion du métier d’enseignant, ce qui est attendu c’est une réorganisa­tion de l’école autour de ses missions fondamenta­les, une élévation de ses performanc­es et une lutte contre l’échec.

Quant à la crise sanitaire, elle a révélé les besoins impérieux d’une santé de proximité et de services publics efficaces. Là aussi, il ne s’agit pas seulement de mettre davantage de ressources sur la table. A chaque sujet, depuis des mois, le gouverneme­nt multiplie les aides de toutes sortes sans logique autre que celle d’éviter l’expression d’une colère et sans pour autant atténuer le sentiment de frustratio­n. Au contraire, chacun craint de recevoir moins que le voisin ou de contribuer davantage que lui. La politique du carnet de chèques ne s’inscrit pas dans une logique de redistribu­tion transparen­te et juste. Elle coûte cher sans assurer la solidarité.

Les enseignant­s ou les infirmière­s disent qu’ils ne se sentent plus investis d’une mission de service public parce qu’ils ne sont pas rémunérés à hauteur de cette mission. Prônez-vous l’augmentati­on des salaires ?

Si nous ne changeons pas l’organisati­on même du système hospitalie­r, la promotion des personnels, les conditions et le temps de travail, nous n’arriverons pas à garder ou à attirer des personnes, même avec des salaires plus élevés. C’est aussi vrai dans l’Education nationale. Peut-on être enseignant toute sa vie ? Comment changer le déroulemen­t de carrière et les affectatio­ns géographiq­ues ? Nous devons donner une plus grande mobilité, une plus grande diversité des fonctions et des métiers. La génération qui était la mienne aspirait au même emploi toute sa vie. Celle qui vient veut exercer des métiers différents tout au long de l’existence profession­nelle. Ce qui est un progrès, mais à condition que la société accompagne, forme et rémunère en fonction des qualificat­ions et des besoins.

Vous parlez de projet collectif. Un outil politique va justement être créé par le président : le Conseil national de la refondatio­n, coordonné par François Bayrou. Vous y souscrivez ?

La planificat­ion sous la Ve République a été un moyen d’associer les forces vives à l’élaboratio­n d’un projet collectif. La planificat­ion, ce n’est pas simplement une formule incantatoi­re pour campagne électorale. Ce doit être une vision partagée, à travers le dialogue social et le débat parlementa­ire. Je ne suis pas sûr qu’il faille recréer à cette fin une institutio­n. Il y a déjà le Conseil économique, social et environnem­ental. Pas besoin d’un nouveau « machin », mais je jugerai à l’expérience.

Six ans plus tard, savez-vous enfin définir le macronisme ? Dans votre livre, vous avez une formule assez lapidaire : « un centrisme opportunis­te qui

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