POINT DE FUITE
pAr eLIZAbetH brUNDAGe, trAD. De L’ANGLAIS (ÉtAtS-UNIS) pAr CÉCILe ArNAUD. LA tAbLe rONDe, 384 p., 24,50 €. ✷✷✷✷✷
Tout a commencé dans l’atelier de photographie du maître Brodsky, à Philadelphie, en septembre 1998. C’est là que Julian Ladd a croisé pour la première fois la route de Rye Adler. Ils étaient étudiants, colocataires et amoureux de la même femme, Madga, leur condisciple. Adler est alors un personnage magnétique, aussi habile pour capturer des clichés éblouissants que le coeur de la belle Magda. Le récit débute une vingtaine d’années plus tard, lorsque Ladd apprend en lisant le journal la disparition de son rival – un suicide présumé, le corps n’a pas été retrouvé. Lui avait tourné le dos à toute prétention artistique pour prospérer dans la publicité, quand Adler était devenu un éminent photographe, couvrant les crises humanitaires avant de se faire le portraitiste des grands de ce monde. Quelqu’un qui semblait avoir réussi sa vie, en somme.
A rebours de la façon dont une photo fige un instant pour le transformer en une réalité définitive, Point de fuite débusque la vérité des êtres derrière les apparences. Sa réussite doit beaucoup à sa construction, qui alterne les points de vue de Ladd, Adler et Magda, mais aussi de Simone, la femme d’Adler, et de Theo, le fils de Magda. Elizabeth Brundage impressionne par sa finesse psychologique, aussi crédible pour entrer dans la tête d’un photographe désabusé (Adler) que dans celle d’un ado junkie (Theo) ou d’un aigri dangereux (Ladd). Tissant son intrigue avec minutie, elle signe un authentique thriller, qui multiplie les perspectives pour mieux les renverser.