L’adieu en majesté
G «od Save the King », ont entonné à l’unisson les lords et les députés britanniques réunis sous la vénérable voûte en chêne du grand hall du palais de Westminster. A l’endroit même où avait été célébré le jubilé de diamant de sa mère, dix ans plus tôt, Charles III est venu recevoir les condoléances des présidents du Parlement. La reine « a donné l’exemple d’une dévotion désintéressée que je suis, avec l’aide de Dieu et de vos conseils, résolu à suivre fidèlement », a déclaré le nouveau roi, avant de s’envoler pour Edimbourg, en Ecosse, pour les premières cérémonies entourant le cercueil d’Elizabeth II.
Si l’ancien prince de Galles, scruté par tout un pays, a plutôt endossé avec succès ses habits royaux, il ne sera pas aisé, alors qu’il aura moins de temps pour imprimer sa marque, de combler le vide laissé par une reine si populaire, à qui le monde entier a rendu hommage.
Elizabeth II a-t-elle voulu adresser un ultime message aux Ecossais en achevant sa longue vie dans son château de Balmoral ? Toujours est-il que Charles III va devoir s’employer à préserver l’union du royaume, menacée par les velléités indépendantistes de l’Ecosse et de réunification de l’Irlande. Il lui faudra aussi, grâce à une famille royale plus resserrée et plus frugale, convaincre que la monarchie peut encore accompagner son époque et servir la population, alors qu’une partie de la jeunesse britannique se détache de la couronne, et que certains pays, au sein du Commonwealth, songent à couper le cordon avec elle.
Mais le plus délicat pour Charles, sensible à la « dimension spirituelle » de la vie et aux « sagesses ancestrales » – et longtemps mal aimé –, sera de créer une authentique relation avec son peuple. Celle que sa mère avait réussi à établir relevait quasiment du mystique, même si – et c’est l’une des raisons de l’affection que lui portent ses compatriotes –, elle s’est en définitive peu exprimée en sept décennies sur le trône.
A l’heure où les pouvoirs qui durent riment souvent avec dictature, le règne d’Elizabeth II – le deuxième le plus long de l’histoire de la monarchie après celui de Louis XIV – a servi de point de repère au Royaume-Uni. Le nouveau roi se retrouve face à un peuple déboussolé, qui découvre aussi sa nouvelle Première ministre, la quatrième à occuper le poste depuis le vote du Brexit, en juin 2016. La tâche sera rude pour le souverain. Au moins a-t-il eu le temps de s’y préparer. ✸