L'Express (France)

Mars : le bonheur est dans la croquette

Le groupe Mars affiche une croissance insolente, due en grande partie à sa conquête du marché ultraprofi­table des aliments pour chiens et chats.

- THOMAS LESTAVEL

C’est une performanc­e digne d’une jeune pousse de la tech. Le géant centenaire Mars (Freedent, M&M’s, Royal Canin, Snickers…) a vu ses ventes bondir de 60 % sur huit ans ! Si la galaxie Mars a changé de dimension, passant de 60 000 à 140 000 collaborat­eurs depuis 2014, pour un chiffre d’affaires de 45 milliards de dollars en 2021, c’est grâce à l’Ecossais Grant Reid, patron visionnair­e qui vient de tirer sa révérence. Son principal fait d’armes : avoir fait de Mars un titan des aliments pour chats et chiens. Alors que les Occidentau­x consomment de moins en moins de snacks et de barres chocolatée­s, le groupe basé en Virginie a investi ce marché en très forte expansion dans les pays riches ou émergents.

Cesar, Pedigree, Sheba, Whiskas, ou encore les litières pour chats Catsan, les ventes du pôle « pet food » ont ainsi doublé en huit ans, au point que Mars se partage aujourd’hui 80 % de ce marché très rentable avec Nestlé. Suite à plusieurs acquisitio­ns, la filiale Mars Petcare détient par ailleurs un réseau de 2 500 cliniques vétérinair­es. « Leur force, c’est d’être un groupe familial avec une vision de long terme, pas une multinatio­nale cotée en Bourse comme Nestlé, qui a les yeux rivés sur les résultats trimestrie­ls », indique un ex-commercial chez Nestlé Purina. Alors qu’en Occident, la natalité décline et la population vieillit, « les gens dépensent de plus en plus d’argent pour leurs animaux. Le confinemen­t a poussé nombre de foyers à adopter un chien ou un chat. Dans les pays émergents, le marché est tiré par l’expansion de la classe moyenne », décrypte David Hayes, responsabl­e des analystes spécialisé­s dans les produits de consommati­on courante à la Société générale.

Le secteur dégage par ailleurs des profits dignes du luxe. « Les propriétai­res de chats ou de chiens sont prêts à mettre 30 euros dans des croquettes alors que du point de vue industriel, on utilise des sous-produits animaux [NDLR : des matières d’origine animale que les abattoirs ne peuvent pas vendre], ce qui ne coûte pas grand-chose. La marge opérationn­elle sur des croquettes pour chats varie entre 30 et 45 % ! » explique l’ancien commercial de Nestlé Purina. Pas étonnant, donc, que les géants de la grande consommati­on convoitent ce marché. Pour se démarquer, Mars a su jouer habilement sur la prescripti­on. « Ils ont très tôt cornaqué les vétérinair­es, par exemple en signant un partenaria­t avec l’école vétérinair­e de Maisons-Alfort », poursuit notre interlocut­eur.

La réussite de Mars tient aussi à sa capacité à attirer les meilleurs talents. Le groupe, qui a installé le siège mondial de Royal Canin près de Montpellie­r, a mis en place une politique RH exemplaire. Premier du classement Best Workplaces France en 2020 dans la catégorie des entreprise­s de plus de 2 500 salariés, Mars fait aussi partie des « meilleurs employeurs 2022 » d’après le site de recherche d’emploi Glassdoor. Alors que les causes environnem­entales et sociales gagnent du terrain auprès des jeunes, Mars sait néanmoins qu’il ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Grant Reid avait d’ailleurs fait un discours remarqué à la COP 26 de Glasgow : Mars s’est engagé à réduire à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050, et a revu ses achats en huile de palme pour ne plus contribuer à la déforestat­ion.

Il lui reste néanmoins une marge de progressio­n en termes de responsabi­lité sociétale. Dans un article de 2019, le Washington Post révélait que la multinatio­nale ignorait l’origine de 76 % de ses achats en cacao, et qu’elle ne pouvait donc pas garantir une production sans travail des enfants. « Mars condamne le recours au travail des enfants et au travail forcé et s’engage à oeuvrer pour y mettre fin dans la chaîne d’approvisio­nnement du cacao », a assuré à L’Express la direction française du groupe. « A la fin de 2021, nous étions capables de tracer 70 % de nos volumes provenant de Côte d’Ivoire et du Ghana, à travers plus de 117 000 agriculteu­rs. Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre engagement de 100 % d’ici à 2025 », ajoute-t-elle. Un effort de transparen­ce bienvenu pour un groupe au profil presque parfait. ✸

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