Réduire ses impôts pour protéger son pouvoir d’achat
Les rendements des principaux placements auront du mal à se hisser au niveau de l’inflation en 2022. Pour limiter la casse, jouez sur votre fiscalité.
Avec une inflation galopante, qui culmine à + 5,8 % sur un an à la fin août, selon l’Insee, la baisse du pouvoir d’achat des Français est l’un des principaux sujets d’inquiétude de cette rentrée. Comment limiter les effets de la hausse des prix ? Il est un levier à leur disposition, qu’ils doivent penser à actionner : celui de la fiscalité. Payer moins d’impôt participe aussi au maintien du pouvoir d’achat. Cette année plus que toute autre, défiscaliser intelligemment devient une nécessité. Trois stratégies sont particulièrement efficaces, qui, selon les besoins, peuvent être mises en place cumulativement.
1/Opter pour les placements exonérés ou peu taxés
La fiscalité ne doit pas être le seul critère de choix de vos placements, mais une fois que vous avez choisi tel ou tel produit d’épargne, veillez à opter pour le meilleur cadre fiscal. Si vous investissez dans des actions ou des fonds d’investissement (Sicav ou FCP) en actions européennes, veillez à les loger dans un plan d’épargne en actions (PEA), toutes vos plusvalues seront exonérées d’impôt sur le revenu cinq ans après son ouverture et vous n’aurez que les prélèvements sociaux de 17,2 % à acquitter quand vous ferez des retraits. Seule contrainte du PEA, son plafond de versement, limité à 150 000 euros (jusqu’à 225 000 euros si vous y ajoutez un PEAPME, investi exclusivement dans des PME). Le plan d’épargne entreprise (PEE), mis en place par votre employeur, vous accorde le même avantage.
« Attention, ici, l’exonération est acquise cinq ans après chaque versement », précise Sophie Nouy, directrice du pôle d’expertise patrimoniale chez Cyrus Conseil. Pour ce que vous ne pouvez pas mettre dans votre PEA ou dans votre PEE, pensez à l’assurancevie, laquelle permet aussi d’exonérer les plusvalues, mais huit ans après l’ouverture du contrat seulement (d’où l’importance d’en ouvrir un le plus tôt possible, même si vous y versez très peu au départ) et dans une certaine limite de 4 600 euros pour un célibataire et de 9 200 euros pour un couple. Ce plafond est annuel, ce qui permet de « sortir » 4 600 euros (ou le double pour un couple) de plusvalues ou de gains tous les ans. Audelà de ces seuils ou avant huit ans d’assurance, la fiscalité des retraits reste également très douce.
2/Diminuer son revenu imposable
Si l’on peut choisir la fiscalité de ses placements, il n’en va pas de même avec d’autres catégories de revenus. « Pour les salaires, les primes ou bonus ou les revenus fonciers, c’est forcément le barème de l’impôt sur le revenu qui s’applique, ce qui peut être très lourd pour les personnes qui sont dans les tranches hautes de 41 % ou 45 % », poursuit Sophie Nouy. Les revenus fonciers, quant à eux, sont les revenus les plus taxés du spectre et supportent, en plus du barème, les prélèvements sociaux de 17,2 % et, le cas échéant, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3 % ou 4 %, soit un total qui peut atteindre plus de 66 %. « L’une des stratégies consiste à réduire le montant des revenus imposables », explique Christine Valence, ingénieure patrimonial chez BNP Paribas Banque Privée. L’économie d’impôt peut être conséquente, puisque le gain est proportionnel à la tranche d’imposition : 1 000 euros de revenu imposable en moins pour une personne taxable à 45 % procurent en effet une économie d’impôt de 450 euros. Mais, pour y parvenir, il n’y a hélas pas cinquante solutions ! « Citons principalement le dispositif immobilier dit monuments historiques, le plan d’épargne retraite (PER ou autres produits similaires), les rachats de trimestres de retraite et les pensions alimentaires versées sous certaines conditions aux enfants ou aux parents », énumère Christine Valence.
Les versements réalisés sur un PER (dans une certaine limite, très généreuse, voir page VIII), ceux visant à racheter des trimestres de retraite (sans plafond, mais dans la limite de 12 trimestres), l’ensemble des travaux réalisés sur des biens classés monuments historiques ou bénéficiant du label fondation du patrimoine, ou les pensions alimentaires (avec plus faible plafond), sont déductibles du revenu imposable, ce qui, quand c’est bien fait, peut faire chuter significativement la taxation ! Alternativement, et si vous avez surtout de gros revenus fonciers, vous pouvez décider de les gommer en réalisant des travaux déductibles sur vos biens mis en location ou en achetant des parts de SCPI fiscale spécifique dite de déficit foncier.
« Autre solution très avantageuse : donner temporairement la nuepropriété des biens qui dégagent des revenus fonciers importants à vos enfants ou aux oeuvres de bienfaisance », propose Arlette Darmon, notaire à Paris et présidente du groupe Monassier. Imaginons que vous donniez l’usufruit d’un logement qui vaut 400 000 euros à l’un de vos enfants qui a besoin de revenus, pour cinq ans par
exemple, soit la durée de ses études. Selon le barème fiscal, un usufruit temporaire de moins de dix ans vaut 23 % de la valeur du bien, soit 92 000 euros dans notre exemple et les droits de donation s’appliqueront sur cette somme-là, inférieure à l’abattement de 100 000 euros entre parent et enfant, soit en l’espèce une… exonération de droits de donation. Il faudra juste payer les honoraires du notaire (1,017 % de la valeur de l’usufruit et les frais liés à la publicité foncière). Cette solution a de nombreux avantages : vous ne payez plus d’impôt sur les revenus fonciers cédés, pas plus que vous ne payez d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sur le bien dont vous avez cédé l’usufruit (c’est à votre enfant de s’en acquitter et si c’est son seul bien immobilier, il n’atteindra pas le seuil d’éligibilité de l’IFI). « Surtout, cela vous permet de donner davantage à un enfant qui en a besoin que la pension alimentaire normalement déductible, plafonnée à 6 042 euros. Mais attention, cela n’est véritablement efficace que si l’opération est exonérée de droits de donation, et donc à condition que votre abattement (de 100 000 euros) – ou ce qu’il en reste si vous en avez déjà consommé une partie – soit suffisant pour gommer les droits dus », précise Arlette Darmon.
3/Compléter avec des réductions d’impôts
Si les deux premières stratégies ne suffisent pas pour réduire sensiblement l’impôt dû, reste alors à utiliser les réductions d’impôts – qui s’appliquent non pas aux revenus imposables comme les déductions évoquées ci-dessus, mais qui viennent diminuer directement le montant de l’impôt dû. Elles sont d’un même montant pour tous les contribuables : pour 100 euros versés dans un fonds investi dans des PME innovantes non cotées (FCPI) par exemple, la réduction sera de 25 %, donc de 25 euros, que vous soyez dans la tranche à 11 % ou dans celle à 45 %.
Ces réductions d’impôts sont alléchantes, mais elles sont limitées à 10 000 euros par an et par foyer fiscal (plafond des niches fiscales), ou à 18 000 euros si vous y ajoutez la souscription dans le dispositif Outre-mer dit Girardin ou dans les fonds d’investissement dans le cinéma, les Sofica. Ce plafond est très vite consommé, ne serait-ce que si vous avez une femme de ménage ou une nounou à domicile. Y entrent la plupart des réductions d’impôt : immobilier locatif Pinel ou Denormandie, investissement dans les PME non cotées en direct ou via les FIP ou FCPI, etc.
Y échappent les dons aux oeuvres et fondations ou associations reconnues d’utilité publique ou encore le dispositif Malraux (investissement dans l’immobilier ancien à rénover avec obligation de louer le bien). Ce dernier offre la plus forte réduction d’impôt, jusqu’à 30 % de l’investissement dans la limite de 400 000 euros sur quatre ans, soit une réduction maximale de 120 000 euros. « Ce qui en fait un outil pertinent, quand l’opérateur et le programme sont bien choisis et que les possibilités locatives sont au rendez-vous », conclut Christine Valence. ✸