Nadine Trémollières (Primonial) : « L’inflation détruit les rendements »
2022 va être difficile pour les épargnants. Les conseils d’une spécialiste.
L’inflation va grignoter méthodiquement les rendements de tous les placements, qui risquent d’afficher des performances réelles négatives en 2022. Obligations, actions, or ou immobilier… Les recommandations de Nadine Trémollières, directrice de Primonial Portfolio Solutions, pour limiter la casse.
Quel actif va réussir à rémunérer mieux que l’inflation en 2022 ?
L’inflation détruit tous les rendements. Rares seront les placements qui réussiront à afficher un rendement supérieur au taux actuel d’inflation. Il faut donc s’attendre à un rendement réel négatif en 2022 pour la très grande majorité des produits d’épargne. Inutile de changer tout son portefeuille pour tenter de se protéger contre l’inflation. Seul espoir : que les banques centrales parviennent à la juguler rapidement, pour que les performances des placements reviennent à plus long terme.
Avec la hausse des taux, le rendement des obligations augmente. Faut-il en acheter ?
Les obligations ont deux moteurs de performances : le coupon, ou rendement versé tous les ans, et son cours, qui évolue en fonction des taux d’intérêt. Avec des taux qui montent pour la première fois depuis plus de quarante ans, les coupons se sont légèrement appréciés mais restent encore bas (autour de 1,5 % sur une maturité dix ans). La performance des obligations en portefeuille, elle, est négative, car les cours baissent, celles nouvellement émises l’étant à un taux plus élevé que celles en portefeuille. Tant qu’on n’aura pas retrouvé des coupons supérieurs à 3 %, la hausse des taux sera pénalisante. Or cette hausse n’est pas finie ; les banques centrales, notamment la BCE, vont continuer d’agir pour lutter contre l’inflation. Ce n’est donc pas le moment d’acheter des obligations.
Les marchés d’actions sont en mauvaise passe. Pourquoi ?
Les attentes de bénéfices futurs des entreprises sont « mangées » par la hausse des taux, rendant les actions mécaniquement moins rémunératrices. Les investisseurs préfèrent alors se tourner vers des obligations, comme celles de l’Etat américain, un actif sans risque et qui, avec la hausse des taux, est presque aussi rémunérateur que le marché des actions (3,3 % sur dix ans).
Sur quel secteur et sur quelle zone géographique faut-il miser ?
Tout dépend du scénario économique que vous privilégiez. Le premier : l’inflation commence à baisser, la croissance économique reste au rendez-vous même si les banques centrales continuent de monter les taux. C’est alors plutôt favorable à deux catégories d’actions : les cycliques (comme les autos ou les matériaux de base) et les actions dites « value » (notamment les valeurs bancaires), qui toutes deux profitent de la croissance économique. Les valeurs de croissance (technologiques ou la consommation discrétionnaire) sont ici à proscrire, car elles sont les plus sensibles à la hausse des taux. Deuxième scénario, les banquiers centraux continuent d’augmenter des taux, ce qui finit par faire baisser l’inflation et, partant, les taux d’intérêt aussi. Dans ce cas, les valeurs de croissance sont à privilégier. Troisième hypothèse, l’inflation est toujours là, mais la croissance économique patine. Personne aujourd’hui n’est capable de dire vers quel scénario on se dirige. Il faut donc panacher son portefeuille et prendre un peu de tout, des cycliques, des « value » et des valeurs de croissance. Quant à la zone géographique, l’Europe semble en plus grande difficulté à court terme, en prise avec la guerre en Ukraine et la crise énergétique.
L’or fait traditionnellement office de valeur refuge, mais pas cette fois : que se passe-t-il ?
L’or ne rapporte rien, pas de coupon, et ce dans un environnement inflationniste. Les investisseurs vont donc chercher de la rémunération ailleurs, et notamment aux Etats-Unis où, avec la hausse des taux à l’oeuvre depuis un peu plus longtemps qu’en Europe, les obligations souveraines rapportent 3,3 % sur dix ans et 2,5 % à plus court terme. En clair, avec sa meilleure rémunération sans risque, la valeur refuge actuelle est le dollar. Pour profiter de cet effet de change, il suffit d’acheter des actifs aux Etats-Unis, comme des actions par exemple.
L’immobilier demeure-t-il un bon placement ?
Ici encore, la montée des taux d’intérêt va grignoter la performance. L’immobilier aura donc un rendement moins attractif, mais tant que sa performance sera supérieure à celle des taux sans risque, ce qui est le cas actuellement, vous aurez tout intérêt à en avoir. Quant aux SCPI, optez pour celles investies en France (moins sensibles que les allemandes grâce à un meilleur mix énergétique), celles qui jouent l’immobilier de santé, pour lequel même en cas de hausse des loyers, il y a peu de chances que les locataires aillent voir ailleurs. Pour les SCPI de bureaux, privilégiez celles qui ont des locataires capables de supporter la hausse des loyers, autrement dit des sièges sociaux ou des grandes entreprises.