L'Express (France)

Le fonds en euro rogné par l’inflation

La rémunérati­on du fonds en euros devrait augmenter en 2022. Mais avec l’inflation élevée, le rendement final sera négatif. Il reste pourtant utile.

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Avec la hausse des taux, on imagine que le rendement du fonds garanti en euros de l’assurance-vie va monter, puisque les assureurs sont majoritair­ement investis en obligation­s, des produits… de taux. Leurs actifs généraux – la poche qu’ils placent sur les marchés financiers et à partir de laquelle ils distribuen­t ensuite les performanc­es – sont en effet composés à plus de 80 % d’obligation­s d’Etat ou d’entreprise­s. Tout n’est pourtant pas si simple. L’actif général d’un assureur n’est pas une Sicav obligatair­e, sa performanc­e n’est pas le reflet des taux actuels du marché, mais de la moyenne de toutes les obligation­s qu’il a en portefeuil­le. Or les compagnies conservent les obligation­s qu’elles achètent jusqu’à leur échéance, elles font rarement tourner leur portefeuil­le obligatair­e.

Quand les taux baissaient, comme ça été le cas pendant plus de quarante ans, cela avantageai­t leurs fonds en euros, puisque ces obligation­s les plus anciennes, mieux rémunérées, permettaie­nt de dégager un meilleur rendement que celui du marché. Mais depuis novembre, les taux remontent. Les assureurs peuvent certes à nouveau acheter des obligation­s à meilleur rendement. Mais ils ne renouvelle­nt qu’une partie de leur portefeuil­le obligatair­e, celui qui arrive à échéance, et continuent de détenir des titres achetés quand les taux étaient très bas (l’OAT à dix ans, soit les emprunts de l’Etat français, est passée sous les 1 % depuis 2015 pour terminer autour de 0 % de 2019 à 2021…). « Le secteur devra donc faire face à une longue période de rattrapage pour bénéficier effectivem­ent de la remontée des taux », explique Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet de conseil Facts & Figures.Quant aux 10 % placés en actions, qui permettent, quand les marchés sont bien orientés, de soutenir le rendement (de 0,3 % à 0,5 % en plus en 2021, selon Cyrille Chartier-Kastler), ils seront, eu égard à la dégringola­de actuelle des Bourses, totalement inefficace­s en 2022. Donc, financière­ment parlant, il n’y a aucune raison de majorer les taux de rendement de l’assurance-vie.

Il y a en revanche de bonnes raisons commercial­es. Les assureurs ne peuvent pas rester les bras ballants devant l’inflation qui grignote l’épargne de leurs clients et devant la hausse du taux de l’autre placement sans risque préféré des Français, le livret A. Celui-ci offre un rendement net de 2 % depuis août, et pourrait bien monter encore en février 2023, au moment même où les assureurs annoncent… leurs taux pour 2022 ! La moyenne pour l’assurance-vie individuel­le était de 1,08 % en 2021 (1,3 % pour France Assureurs qui compte aussi les contrats collectifs et de retraite), et elle pourrait monter à 1,6 % ou 2 % cette année, selon Cyrille ChartierKa­stler. « Les contrats phares devraient servir un taux supérieur à 2 % », dit-il. La MACSF vient d’ailleurs d’annoncer qu’elle tiendrait « sans problème, sauf si les marchés financiers décrochent encore davantage, un taux supérieur à 2 % dans les années qui viennent ».

Pour donner ce coup de pouce au fonds garanti, la plupart des assureurs vont devoir piocher dans les réserves qu’ils ont constituée­s à cet effet. « Fin 2021, le secteur détenait 5,05 % de rendement en réserve », a calculé Cyrille ChartierKa­stler. De quoi supporter, à ce stade, les conséquenc­es de la hausse des taux, selon France Assureurs. Bien sûr, les compagnies les plus prévoyante­s auront les coudées les plus franches (ACM Vie, Sogecap ou GMF Vie ont plus de 6 % de rendement en réserve, quand l’Afer ou Groupama en ont moins de 3 %, selon Facts & Figures).

Pour autant, même si le taux du fonds garanti en euros progresse en 2022, il pourra difficilem­ent battre l’inflation, qui devrait culminer à 5,5 % en moyenne sur l’année selon l’Insee (à fin août). Le rendement réel de l’assurance-vie en euros sera donc effectivem­ent négatif (un taux à 2 % avec une inflation de 5,5 % donne un rendement réel de - 3,5 %). Qui a intérêt à y rester investi ? « Grâce à la garantie du capital et des intérêts qu’il accorde à tout moment, le fonds en euros permet de sécuriser une partie de son épargne, pour justement mieux diversifie­r et en placer plus sereinemen­t une autre partie sur des actifs plus risqués », fait valoir Guillaume Rosenwald, directeur général de MACSF Epargne Retraite. Par gros temps sur les marchés boursiers, il est également confortabl­e de se replier sur ce bon vieux fonds en euros ! « Il reste essentiel pour les personnes averses au risque ou dont l’horizon de placement est court. En banque privée, il sert aussi de garantie pour ceux qui souhaitent emprunter », conclut Christophe Baillet, directeur commercial chez Edmond de Rothschild Assurances et conseils. ✸

« Essentiel pour les personnes averses au risque, il permet de sécuriser son épargne »

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