L'Express (France)

Emprunter malgré la hausse des taux

Les taux des prêts immobilier­s ont doublé en neuf mois et continuent de progresser. Toutes nos astuces pour parvenir à contracter un emprunt.

- M. P.

L« a formule de calcul existante sera appliquée à la fin du mois et aboutira à un relèvement proportion­né du taux d’usure », a déclaré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur RTL le 16 septembre. Cette petite phrase a douché l’espoir des banquiers et des courtiers, mais surtout… des particulie­rs qui tentent d’obtenir un prêt immobilier. Car le mécanisme du taux d’usure grippe la fluidité du marché. Calculé par la Banque de France, il correspond à la moyenne des taux d’emprunts accordés au trimestre précédent, augmentée d’un tiers, et il est impossible de prêter au-delà. Ce procédé statistiqu­e crée un décalage temporaire. « Le taux d’usure du troisième trimestre est calculé à partir du taux moyen des crédits décaissés au deuxième trimestre, c’est-à-dire accordés au premier trimestre au taux d’intérêt en vigueur à cette époque », explique Laura Martino, directrice des partenaria­ts bancaires chez Cafpi. Or, depuis mars, le crédit coûte de plus en plus cher. « Le taux moyen d’un prêt sur vingt ans est passé de 1 % fin 2021 à 1,5 % en mai et 1,8 % mi-septembre, beaucoup de banques affichant déjà des taux à 2 % », constate Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinanc­er.

Le souci ? Cette hausse forte et rapide n’a pas eu le temps d’être absorbée par le taux d’usure. Fixé à 2,57 % pour les prêts immobilier­s sur vingt ans jusqu’à fin septembre, il devrait osciller autour de 2,85 % le 1er octobre. Ce qui permettra aux courtiers de débloquer certains dossiers en attente depuis août. En revanche, « le problème va de nouveau se poser dans quelques semaines, puisque ce taux d’usure va s’appliquer jusqu’au 31 décembre et que nous prévoyons de nouvelles hausses des taux d’emprunt d’ici là », soupire Ludovic Huzieux, président d’Artémis. Conclusion : les emprunteur­s vont à nouveau se retrouver pris en tenaille, d’autant que, « quand nous intégrons les coûts annexes, c’est-à-dire l’assurance, les frais de garantie et les frais de dossier, le TAEG (taux annualisé effectif global) dépasse de plus en plus souvent le taux d’usure et le dossier devient infinançab­le », regrette Maël Bernier, directrice de la communicat­ion de Meilleurta­ux. Sauf, bien sûr, si le gouverneur de la Banque de France décidait de desserrer davantage l’étau au 1er octobre.

En attendant, ceux qui veulent emprunter peuvent profiter d’une série d’astuces pour faire passer leur dossier. « La plus simple consiste à souscrire une assurance moins chère, ailleurs que dans la banque qui accorde le prêt », explique Sandrine Allonier. Si elle est valable pour les jeunes emprunteur­s, les plus de 45 ans ne réalisent pas assez d’économies, en raison de tarifs d’assurance plus élevés. Pour eux, une deuxième piste consiste à réduire la durée d’emprunt, pour jouer sur différents taux d’usure, ce dernier variant selon la durée. Avec un financemen­t sur deux cent trente-neuf mois, au lieu de deux cent quarante et plus, les dossiers qui frôlent la limite sont validés. Troisième possibilit­é : souscrire plusieurs crédits d’échéances différente­s au lieu d’un seul, car plus la durée de prêt est courte, plus le taux du prêt est bas. Au global, cela permet d’obtenir un TAEG moyen légèrement inférieur et… de décrocher le Graal. Certains établissem­ents proposent aussi d’emprunter à taux révisable « capé », c’est-à-dire plafonné à la hausse. Avec un « cap » de deux points, le taux variable est inférieur de 0,3 à 0,4 point au taux fixe, une différence qui suffit parfois à se financer.

Enfin, la dernière technique, si le bien visé est à rénover, consiste à mélanger les typologies de crédit. C’est-à-dire souscrire un crédit immobilier pour l’acquisitio­n couplé à un crédit pour la rénovation, au lieu d’un seul pour les deux. La raison de ce tour de passe-passe ? Le taux d’usure des prêts travaux est distinct de l’autre. Il est aussi plus cher, le taux applicable jusqu’au 30 septembre étant fixé à 4,93 %.

Si vous hésitez à devenir propriétai­re, attendre que les prix baissent n’est pas forcément un bon calcul, car les taux vont continuer de grimper. Pour profiter des meilleures conditions, augmentez votre apport autour de 20 à 25 % et empruntez. Car même si les prêts coûtent plus cher qu’en début d’année, ils restent particuliè­rement attrayants en termes de pouvoir d’achat. « Les taux de crédit de 2021 correspond­ent à ceux de début 2016, date à laquelle l’inflation était de 0,2 % alors qu’elle dépasse 5 % aujourd’hui », rappelle Ludovic Huzieux.

Si vous êtes investisse­urs et cherchez à investir pour le long terme, vous avez en revanche peut-être intérêt à décaler votre achat. Car ce coup de frein du crédit commence à peser sur les marchés immobilier­s et il est probable que vous puissiez négocier le tarif des petits logements à rénover dès le début de l’année prochaine. Certes, votre crédit vous coûtera plus cher, mais comme les intérêts et le montant des travaux de rénovation sont déductible­s de vos loyers, cela vous permettra d’optimiser votre opération. En plus, si votre dossier est un peu juste aujourd’hui, il passera début 2023, car le 1er janvier, le taux d’usure augmentera… encore une fois. ✸

 ?? ?? Le taux moyen d’un prêt sur vingt ans est passé de 1 % fin 2021 à 1,8 % ce mois-ci.
Le taux moyen d’un prêt sur vingt ans est passé de 1 % fin 2021 à 1,8 % ce mois-ci.

Newspapers in French

Newspapers from France