LES TOUT-PUISSANTS
PAr MIrWAIS AHMADZAI. SÉGUIer, 266 P., 21 €.
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C’est un livre qu’auraient pu signer en leur temps Burgess ou Ballard, un roman dystopique qui ferait passer Houellebecq et Bret Easton Ellis pour des écrivains du bonheur. Dans Les Tout-Puissants, Mirwais Ahmadzai imagine un monde très sombre où le svastika est devenu le symbole à la mode, repris par les marques phares d’une société lobotomisée par la consommation de masse, la surveillance généralisée et une élite sinistre composée de « nababs schizoïdes ». Perdu au coeur de ce chaos nihiliste, un héros nommé Lazare essaie vaille que vaille de rester vivant. Moitié poète moitié prophète, il a d’étranges visions. Comme dans cette scène splendide où, alors qu’il se recueille dans une église, les vitraux deviennent des panneaux publicitaires, façon Times Square. Y a-t-il une sortie de secours possible hors de cette réalité oppressante où l’homme lui-même n’est-il plus traité que comme un produit jetable ?
A 61 ans, Mirwais Ahmadzai publie ici son premier roman. Mais il est loin d’être un débutant. Musicien culte et discret, il fut à la fois le compositeur du groupe Taxi Girl à partir de la fin des années 1970 et le producteur de plusieurs disques de Madonna dans les années 2000. Il a à son palmarès un thème de James Bond (celui de Meurs un autre jour). Loin d’avoir cédé à l’autosatisfaction, cet artiste tourmenté n’a cessé de se questionner – Les Tout-Puissants est nourri de nombreuses références philosophiques et historiques. On peut être à la fois derrière l’album Music de Madonna et derrière ce requiem de notre époque.