UNE LONGUE ROUTE POUR M’UNIR AU CHANT FRANÇAIS
PAR FRANÇOIS CHENG. ALBIN MICHEL, 245 P., 17,90 €. ✷✷✷✷✷
Comment François Cheng, né en Chine en 1929, est-il devenu un poète français ? Arrivé au soir de sa vie, l’académicien se penche sur son passé. « Je ressens aujourd’hui la nécessité de relater l’aventure de ma création poétique, cette longue route par laquelle, contre vents et marées, j’ai rejoint le chant français », écrit-il dans ce beau texte autobiographique. Il évoque sa jeunesse chinoise, les affres du conflit avec le Japon (1937-1945), puis la reprise de la guerre civile entre nationalistes et communistes (1946-1949). En 1948, Cheng arrive en France, un pays dont il ignore la langue mais admire la littérature, et connaît des années de solitude et de pauvreté. Les « rencontres d’être à être » permettent peu à peu à ce marginal de se faire une place dans la société, tandis qu’il assouvit sa soif de poésie, essentiellement en français. « Si je deviens poète, tout pourra être sauvé », martelait-il, dès l’adolescence. Ses vers intégreront l’héritage chinois du taoïsme, qui enseigne la complète solidarité entre l’homme et la nature.
L’auteur revient sur sa découverte émerveillée de Rainer Maria Rilke, sa rencontre avec André Gide, sa communion avec des frères poètes comme Pierre Emmanuel ou Yves Bonnefoy. Il rend hommage à son pays d’adoption, qui « un jour a choisi la vocation de l’universel », et convoque ses amis disparus, dont la mort ne fait qu’aviver la présence. Son récit, rédigé dans une langue magnifique de simplicité, émeut par sa sérénité et sa pudeur. Si ce texte d’une grande élévation spirituelle a valeur de testament, il se refuse pour autant à toute conclusion : « Nous qui ignorons l’origine, il ne nous revient pas de dire le mot de la fin. »