Le mythe de l’humiliation par l’Occident
Une interprétation répandue sur l’évolution politique de Vladimir Poutine voulait qu’il ait eu une prédisposition positive à l’égard de l’Occident et recherché une « coopération constructive » dans les premières années de son mandat, mais qu’il fut abusé, trompé et humilié par ses partenaires occidentaux, en particulier par la prétendue « expansion » de l’Otan vers les frontières russes ; ce n’est qu’ensuite qu’il aurait changé d’avis et opté de plus en plus pour la confrontation. Tous ceux qui le croient peuvent lire utilement le bref mémoire de Timothy Garton Ash publié peu après l’invasion militaire russe camouflée du Donbass en 2014. L’auteur britannique y évoque sa première rencontre avec Poutine en 1994 à Saint-Pétersbourg, lors d’une table ronde organisée par la Fondation Körber : « J’étais à moitié endormi, écrit-il, lorsqu’un homme petit, trapu, avec un visage de rat – apparemment un adjoint du maire de la ville – a soudainement pris la parole.
La Russie, dit-il, a volontairement cédé “d’énormes territoires” aux anciennes républiques de l’Union soviétique, y compris des régions “qui, historiquement, ont toujours appartenu à la Russie”. Et, bien sûr, elle ne peut pas simplement abandonner à leur sort ces “25 millions de Russes” qui vivent aujourd’hui à l’étranger. Le monde doit respecter les intérêts de l’Etat russe “et du peuple russe en tant que grande nation”. »
Dans le débat qui suivit, T. G. Ash reprit l’orateur avec une remarque sarcastique : « Si nous définissions la nationalité britannique en incluant tous les anglophones, nous aurions un Etat légèrement plus grand que la Chine. » Mais cela n’a semblet-il eu que peu d’impact sur le futur président russe. ✸