BEYROUTH-SUR-SEINE
PAr SAbYL GHoUSSoUb. SToCK, 320 P., 20,50 €.
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Il est un âge où l’on se pose des questions sur le passé de ses parents. Lui, c’est à 32 ans, en 2020, qu’il a voulu en savoir plus sur Kaïssar et Hanane Ghoussoub. Et des questions, Sabyl en a des centaines. Pourquoi, à peine mariés dans un village libanais, sont-ils venus à Paris en septembre 1975, soit quinze jours avant la fermeture de l’aéroport de Beyrouth ? Comment ont-ils vécu leur exil forcé ? Et observé, de loin, l’interminable guerre qui a enflammé leur pays jusqu’en 1990 ? Et supporté la vague d’attentats parisiens de 1982 et de 1986, émanations du conflit moyen-oriental ? Etc., etc. Il leur a tendu un micro, ils ont joué le jeu. A leur manière. Elle, avec sa gouaille naturelle et son sens exacerbé de la famille ; lui, avec la finesse et la mélancolie du poète, journaliste et traducteur qu’il est devenu.
C’est riche de ce matériau mais aussi de la consultation de nombreux documents que l’auteur, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, a composé ce roman, son troisième, formidable de verve et d’humanité. On le savait déjà depuis Le Nez juif (2018) et Beyrouth entre parenthèses (2020), le Parisien Sabyl Ghoussoub, à la libanité libérée de tout carcan confessionnel, est pétri d’humour. Bien sûr, on n’échappe pas aux moments graves et douloureux, comme lors du rappel des massacres du conflit libanais ou lorsque le narrateur confie l’étrange phénomène d’attraction-répulsion qui le lie au pays du Cèdre, mais ce qui prédomine, c’est bien le ton « woodyallenien » de cette savoureuse chronique familiale.