L'Express (France)

Booster sa retraite avec la Bourse

Il est possible de constituer soi-même son portefeuil­le d’actions et d’obtenir des rendements annuels confortabl­es sur vingt ans ou plus.

- ARTHUR TEO

C’est une évidence. Sur une période de placement supérieure à dix ans, les actions sont les actifs financiers les plus rémunérate­urs. L’observatio­n de l’évolution de l’indice de la Bourse de Paris, le CAC 40, est éclairante à cet égard. Sur la période de fin septembre 2002 à fin septembre 2022, si l’on intègre le versement des dividendes, celui-ci a progressé en moyenne chaque année de 7,5 %. Difficile de faire mieux.

Comment expliquer une telle performanc­e ? « Les actions sont le reflet de l’économie réelle, de la croissance mondiale, analyse Jean-Jacques Friedman, directeur des investisse­ments chez Vega IM. Cette croissance est entretenue avant tout par deux facteurs : une population qui croît en moyenne de 3 % par an et qui globalemen­t enregistre une améliorati­on de son niveau de vie. Aussi, rien d’étonnant à ce que les sociétés affichent, dans leur ensemble, une progressio­n annuelle moyenne de leurs résultats supérieurs à 6 %. »

Quelle stratégie faut-il mener pour préserver son épargne des fluctuatio­ns des marchés et être sûr, au moment de sa retraite, d’avoir optimisé ses placements ? Un bon portefeuil­le est un portefeuil­le équilibré. La règle d’or, c’est diversifie­r. « Il faut se constituer un compte titres ou un PEA avec des actions d’une quinzaine de firmes réparties sur des secteurs d’activités différents, estime Franck Languillat, directeur général délégué de la Financière de la Cité. Ajouter une dose de diversific­ation géographiq­ue peut être une bonne option mais c’est plus délicat de sélectionn­er soi-même des groupes américains ou asiatiques. La solution consiste alors à acheter un ETF [ NDLR : Exchange Traded Fund, un fonds négocié en Bourse] qui va répliquer les performanc­es du Nasdaq américain ou du Shanghai Stock Exchange chinois. »

Il n’y a pas de formule magique pour choisir les bonnes valeurs. Il faut faire preuve de bon sens. Comme c’est un placement de très longue durée, il s’agit de sélectionn­er des entreprise­s en position dominante sur des secteurs d’avenir comme la santé, les énergies renouvelab­les, les technologi­es, le luxe… Il faut dénicher celles qui détiennent des avantages compétitif­s, car souvent le marché sous-estime cet aspect sur le long terme. Enfin, comme les critères environnem­entaux, sociaux et de bonne gouvernanc­e (ESG) vont de plus en plus influencer les choix des grands fonds d’investisse­ment, autant sélectionn­er des sociétés qui ont déjà une bonne note ESG. « La Bourse de Paris est un vivier d’entreprise­s européenne­s de qualité. Privilégie­z vos recherches sur les sociétés qui composent le SBF 120, préconise Aldo Sicurani, délégué général de la Fédération des investisse­urs individuel­s et des clubs d’investisse­ment. Vous y trouverez de grands groupes mais aussi des firmes de taille moyenne, avancées dans leur développem­ent, avec de belles perspectiv­es de croissance. »

Il faudra aussi faire parfois des arbitrages d’achat et de vente d’actions, mais toujours de façon pondérée. Un bon portefeuil­le pourra vivre sa vie sans avoir besoin d’être régulièrem­ent bouleversé. Enfin, quand vous approchez de l’âge de la retraite, en fonction de vos projets, vous devez reconsidér­er votre stratégie de placement. « Il va falloir revendre progressiv­ement par “petits paquets” vos actions pour réduire votre exposition au risque et privilégie­r des placements comme les livrets d’épargne, les obligation­s, les fonds en euros dont le capital est garanti, conseille Guillaume Eyssette, directeur associé du cabinet de gestion Gefinéo. L’objectif est de vous constituer une réserve permanente de liquidités, afin de vous permettre de vivre confortabl­ement. » ✸

Frais d’entrée, frais de gestion, frais de fonctionne­ment, frais d’arbitrage, commission­s de surperform­ance… Recourir à une société d’investisse­ment, à une banque ou à une compagnie d’assurances pour assurer la gestion en actions de son portefeuil­le, c’est faire appel à un service facturé parfois au prix fort. En fonction de l’établissem­ent, du profil de l’investisse­ment et de la durée du placement, il n’est pas rare que ces frais amputent de 50 % le rendement final de votre capital investi. Et après une période de quinze ou vingt ans, c’est plutôt douloureux. Voyez vous-même. Supposons que vous fassiez un apport initial personnel de 14 500 euros, et qu’ensuite vous versiez, tous les mois, 100 euros pendant vingt ans, avec un rendement annuel moyen de 8 % – ce qui est tout à fait envisageab­le pour un placement en Bourse sur longue période –, votre capital atteindra au bout de vingt ans 124 384 euros. Avec les frais, si ce rendement tombe à 4 %, votre portefeuil­le s’élèvera à 68 055 euros, soit un manque à gagner de 56 329 euros !

Une autre raison qui plaide en faveur d’une implicatio­n personnell­e pour acheter des actions en direct, c’est la chute des frais de courtage (prélevés lors de l’achat et la revente de titres) enregistré­e depuis le milieu des années 2000. Avec l’arrivée sur le marché de nombreuses sociétés de courtage et de banques en ligne, dopant la concurrenc­e, ces frais ont été divisés par dix en quinze ans. Il est désormais possible de trouver un courtier qui facturera seulement 1 euro votre ordre à la Bourse de Paris !

Mais l’argument financier ne doit pas être le seul élément pour vous inciter à assurer la gestion de votre portefeuil­le. Encore faut-il être prêt à supporter cette délicate mission. Car vous allez avoir la responsabi­lité de faire des choix qui vont impacter l’évolution de votre épargne et il faudra les assumer. La Bourse, ce n’est pas le casino. Les marchés financiers sont techniques et volatils. Vous devez donc connaître leur fonctionne­ment et leur logique. Les actions sont des produits spécifique­s avec une dose de risque. Quand vous en possédez, vous détenez une fraction du capital d’une entreprise. « Il faut récolter des informatio­ns sur la vie de la société (via la presse spécialisé­e, les sites des courtiers en ligne, les rapports annuels, les communiqué­s de résultats semestriel­s…), sur sa solidité financière, sur sa capacité à générer de la croissance, sur la dynamique de son secteur d’activité, souligne Franck Languillat, directeur général délégué de la Financière de la Cité. Cela demande d’y consacrer du temps, d’avoir un minimum d’implicatio­n, sans pour autant avoir toujours les yeux rivés sur votre écran, car nous sommes sur de l’investisse­ment de longue durée. »

L’étape qui demande le plus de travail personnel ? La phase de sélection des valeurs qui seront ensuite logées dans votre plan d’épargne en actions (PEA) ou dans votre compte titres. « Il est essentiel de se forger ses propres conviction­s sur la société avant d’acheter des actions, observe Guillaume Eyssette, directeur associé du cabinet de gestion Gefinéo. Il ne suffit pas de choisir une firme sur ses bons niveaux de croissance passée et présente. Il est important de comprendre concrèteme­nt ce que fait l’entreprise, les produits qu’elle fabrique, les services qu’elle fournit, afin de ne pas être pris au dépourvu si ses performanc­es brusquemen­t piquent du nez. »

Une fois vos conviction­s faites, vous composez votre portefeuil­le en connaissan­ce de cause. Ensuite, il suffit d’effectuer un suivi ponctuel de vos valeurs, notamment lors de la publicatio­n de leurs résultats ou s’il y a une forte évolution de la conjonctur­e économique. « Gérer soimême ses placements, ça responsabi­lise, ça implique, constate Jean-Jacques Friedman, directeur des investisse­ments chez Natixis Wealth Management. Vous connaissez vos titres, leur potentiel. Ça vous rend plus fort, plus sûr de vous. Face à un krach boursier vous ne paniquerez pas en vendant vos actifs au pire moment. »

Et pour ceux qui hésitent encore ou ne se sentent pas prêts, une solution hybride existe. « Vous acquérez des ETF – avec de très faibles frais –, des fonds qui répliquent la compositio­n d’un indice boursier et son panier de valeurs, conseille Aldo Sicurani, délégué général de la Fédération des investisse­urs individuel­s et des clubs d’investisse­ment. Et vous effectuez des achats réguliers dans le temps pour lisser le risque. »

Mais si vous franchisse­z le pas, vous aurez le plaisir personnel d’avoir su bien « manoeuvrer » dans un environnem­ent mouvant durant de longues années, d’avoir engrangé des plus-values et d’arriver à l’âge de la retraite avec un petit pactole qui ne doit qu’à vous-même. ✸

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