L'Express (France)

Pavel Baev : « Les jours de Poutine sont comptés »

Pour l’analyste russe de l’Institut de recherche pour la paix d’Oslo, l’érosion du pouvoir du maître du Kremlin atteint un point de non-retour.

- AXELGYLDÉN

Diplômé de l’Université d’Etat de Moscou en 1979 (en économie et en géographie politique),

Pavel Baev a commencé sa carrière profession­nelle en Union soviétique, au ministère de la Défense.

Etabli en Norvège depui trente ans, il travaille au sein du très prestigieu­x Institut de recherche pour la paix d’Oslo qu’il a rejoint en 1992. Chercheur associé à l’Institut français des relations internatio­nales, il est l’un des meilleurs connaisseu­rs des transforma­tions de l’armée russe, ainsi que de l’énergie et de la sécurité dans les relations entre la Russie et l’Europe. Voici des extraits de l’interview qu’il nous a accordés, publiée dans son intégralit­é sur Lexpress.fr.

Sur l’isolement de Poutine « Dans les systèmes autocratiq­ues, les subordonné­s ont tendance à uniquement annoncer des bonnes nouvelles à leur chef, lequel ne veut pas contrarier son supérieur qui, à son tour, ne veut pas fâcher le type au-dessus de lui. Résultat, les mauvaises nouvelles voyagent lentement. Or, l’urgence de la guerre requiert au contraire un reporting efficace. Dès le début de la guerre, Poutine ne disposait pas des informatio­ns qui lui auraient permis d’éviter des erreurs de calcul avant même le déclenchem­ent de son “opération spéciale”. »

Sur la guerre d’usure Elle ne peut pas réussir parce qu’elle exige, côté russe, une endurance dont ne disposent ni l’économie ni le complexe militaro-industriel. Poutine ne pourra pas continuer à subir indéfinime­nt des défaites militaires sur le terrain.

Sur les revers militaires Jusqu’en septembre, les Russes croyaient que la guerre suivait un cours favorable. Mais la soudaine mobilisati­on a constitué un choc dont l’onde se fait sentir tous les jours. Les familles reçoivent quotidienn­ement des informatio­ns sur l’impréparat­ion dans les centres de recrutemen­t et sur les mauvaises conditions d’accueil des mobilisés. Le sentiment qu’il n’y aura pas d’issue heureuse à cette guerre pour la Russie se consolide chaque jour.

Sur la disgrâce de Choïgou Les rumeurs sur la placardisa­tion du ministre de la Défense ne sont que des rumeurs. Poutine n’est pas en mesure d’écarter Choïgou, qui lui est loyal. Par qui le remplacera­it-il ? Poutine ne dispose d’aucun général qui puisse faire mieux et lui offrir une victoire sur un plateau. Choïgou va rester.

Poutine et l’élite Aux yeux de tous, cette guerre est la guerre de Poutine ; la défaite en cours est celle de Poutine ; et chacun sait qu’aucune solution ne sera possible sans le départ de Poutine. Il est difficile de prédire quand et comment adviendra sa fin, car chaque coup d’Etat est différent. Seule certitude : les putschs réussis se produisent soudaineme­nt. Un jour, nous nous réveillero­ns avec les mots « breaking news » sur nos écrans. Et ce jour n’est plus très loin. Les jours de Poutine sont comptés.

Sur l’après-Poutine Dans un premier temps, le nouveau leadership sera collectif. Il renouera, pas à pas, le dialogue avec l’Ouest et fera des compromis sur la question ukrainienn­e. Ce sera une période instable avec, aussi, des secousses dans « l’étranger proche ». En Biélorussi­e, la chute du régime de Loukachenk­o devrait suivre le départ de Poutine. Au Caucase, le Tchétchène Ramzan Kadyrov sera déstabilis­é. Ce dernier le sait. C’est pourquoi il renforce son armée. ✸

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« Aux yeux de tous, la défaite sera celle de Poutine. »

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