L'Express (France)

« AFFAIBLIR LA POSSIBILIT­É DE SE CONSTRUIRE DANS UN COLLECTIF »

- PAR ARTHUR DELAPORTE Arthur Delaporte, député (PS) du Calvados.

NON/

Al’heure où l’école publique traverse une crise sans précédent, voici revenu le mythe du chiffon gommeur des inégalités, marotte de la droite et de l’extrême droite défendue aujourd’hui par des membres de la majorité. On le sait pourtant, le port de la blouse n’était pas obligatoir­e – y compris sous la IIIe République – et visait surtout à se protéger de l’encre. L’uniforme aujourd’hui reste l’apanage des établissem­ents privés les plus huppés. Imposer le port de l’uniforme pour tenter de masquer les inégalités nées de la reproducti­on sociale n’y changerait rien. Le capital dans la cour de récréation se mesure aisément par d’autres marqueurs : le matériel ou les loisirs sont autant d’éléments de distinctio­n…

L’école que nous défendons est, au contraire, celle de l’émancipati­on individuel­le de l’élève, de l’égalité dans l’accès au savoir et à la réussite. Porter un uniforme, c’est affaiblir la possibilit­é de se construire et s’affirmer dans un collectif.

Et puis comment ne pas envisager en cette période de disette budgétaire une autre absurdité. Si la charge de l’uniforme (acquisitio­n, entretien…) revenait aux parents, cela viendrait encore renforcer les inégalités. Si elle revenait à l’Etat, elle serait déraisonna­ble.

Alors que des élèves s’emmitoufle­nt pour tenir dans des salles de classe où la températur­e ne dépasse pas 13° C ; alors que la profession enseignant­e comme les métiers d’assistant d’éducation ou d’accompagna­nt des élèves en situation de handicap traversent une crise d’attractivi­té majeure, faute de revalorisa­tion notamment ; et alors que nous connaisson­s toujours l’un des pires ratios du nombre d’élèves pour chaque enseignant au sein de l’Union européenne, on ne peut que s’interroger sur ce sens des priorités.

Laissons aux conservate­urs le serpent de mer qu’est cette question de l’uniforme, qui cherche plutôt à dissimuler les carences de l’Etat. Préférons-lui la véritable refondatio­n du service public de l’éducation. ✸

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