CHINE : LA CRISPATION TOTALITAIRE
DOSSIER COORDONNÉ PAR CHLOÉ FROISSART. REVUE ESPRIT, 160 P., 20 €.
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Tous les XXe Congrès du Parti communiste ne se ressemblent pas. Lors de celui de l’Union soviétique, en 1956, Khrouchtchev dénonça le culte de la personnalité de Staline et les grands procès de Moscou. Soixante-six plus tard, celui organisé par la Chine en octobre a consacré le président Xi Jinping « en nouveau Staline décomplexé », relève la sinologue Chloé Froissart, qui a coordonné le dossier de la revue Esprit intitulé Chine : la crispation totalitaire. « Le totalitarisme n’a cessé de progresser en Chine depuis la prise de pouvoir de Xi Jinping », insiste Chloé Froissart. A ceux qui réfutent le terme, préférant l’enfermer dans le xxe siècle au motif que toutes les libertés n’ont pas été étouffées en Chine et que des formes de mobilisation subsistent, elle répond que « l’Union soviétique comme l’Allemagne nazie n’échappèrent pas aux mouvements de grève » et que le pluralisme n’y a jamais complètement disparu.
Très éclairant, le dossier convoque la pensée du philosophe Claude Lefort, pour qui le totalitarisme est le « fantasme de la fusion du pouvoir, du savoir et de la loi dans une instance unique ». Autrement dit, c’est l’intention qui compte : car une société ne peut jamais être entièrement contrôlée par un parti unique, comme dans une dystopie orwellienne. Dans la Chine actuelle, ce « fantasme de l’Un » est réel, et les moyens de surveillance déployés pour l’atteindre, massifs, si bien que le Parti et son chef suprême ne cessent de grignoter les espaces de liberté. Comme d’autres autocrates avant lui, Xi Jinping rêve de créer une société parfaitement uniforme. En vain.