WOLFBERGER : UN ANNIVERSAIRE ET DES PROJETS
La cave d’Eguisheim illustre à sa manière tout le dynamisme actuel de la coopération viticole en Alsace.
Wolf berger souffle ses 120 bougies cette année. Dans son caveau historique d’Eguisheim (Haut-Rhin), cette boutique dynamique raconte à elle seule de belles pages de l’histoire de la coopération viticole dans le Pays de l’Ill, très différente de celle des unions de vignerons du Midi de la France. C’est en 1895, à Ribeauvillé, que la première cave voit le jour. Elle s’appelait alors Rappoltsweiler Winzerverein, littéralement le Club des vignerons de Ribeauvillé, dans une Alsace alors sous contrôle allemand, après la défaite de 1870, et privée de ses débouchés traditionnels vers la France. Les temps étaient durs, et une nouvelle organisation prenant en charge la vinification, le conditionnement, puis la commercialisation prenait tout son sens. C’est l’essence même de la coopération. Dès 1902, les vignerons d’Eguisheim unissent leurs moyens avec ceux de Dambach-la-Ville dans une même structure qui prendra le nom de Wolfberger en 1976. Cette solidarité propre à la région allait se renforcer à la Libération, ce qui impulsa un essor significatif des groupements de viticulteurs. Aujourd’hui, le secteur des coopératives constitue le poids lourd de la viticulture alsacienne, exploitant 6 400 hectares sur un total de 15 600, pour 56 millions de bouteilles, soit 44% du total en volume, vins tranquilles et crémants confondus. De par la taille de leurs équipements, naguère, ces structures brillaient plus dans les processus industriels de production, notamment des crémants dont elles sont devenues les spécialistes, que dans l’élaboration de vins de terroir, tels les grands crus. Mais les choses ont changé, comme l’explique Gilles Neusch, directeur du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (Civa): « Historiquement, les coopératives n’étaient pas suffisamment équipées pour gérer une diversité de produits et de volumes. Mais maintenant qu’elles se sont dotées d’outils de vinification permettant une approche parcellaire, tout devient possible. Si la volonté de mettre en avant le terroir est affirmée, elles peuvent valoriser tout leur patrimoine viticole. Le succès des caves, c’est aussi des histoires d’hommes. » Une trajectoire qu’incarne bien Bertrand Dufour, directeur général de Wolfberger. La structure compte 420 adhérents, exploite 1 300 hectares de vignes et a réalisé 51 millions de chiffre d’affaires en 2021. À l’heure où tant de caves fusionnent ou se rapprochent, la géante d’Eguisheim résiste. «Nous nous appuyons sur nos trois métiers, les vins tranquilles, les crémants et les eaux-de-vie, mais aussi les trois piliers de notre cahier des charges, économique, social et environnemental. Cela n’aurait aucun sens de fusionner avec un autre acteur qui ne partage pas nos valeurs, ce serait incompatible avec notre ADN de marque.» D’autant que la cave ne manque pas de pistes de réflexion pour anticiper les nécessaires évolutions à venir, notamment celles causées par le dérèglement du climat: «Nous avons planté l’an dernier une réserve ampélographique à Colmar, avec 4 000 pieds de vigne, issus de toutes nos parcelles. Ce conservatoire, mis en place avec l’Inra, sera un lieu et de pédagogie et d’apprentissage pour nos vignerons. Nous avons déjà pu retrouver le «kniperlé» et l’helbling, deux cépages anciens en Alsace qui avaient disparu.»