Déficit : la France fait moins d’efforts que les autres
Depuis l’annonce du déficit public de la France pour 2023, à hauteur de 5,5 % du PIB contre les 4,9 % prévus, le ciel semble nous être tombé sur la tête. Rien de nouveau, pourtant, puisque notre pays s’avère coutumier du dépassement de la limite de 3 % du PIB autorisée par l’UE. Plus largement, la France, depuis des décennies, témoigne de sa préférence pour une dépense publique élevée que des impôts tout aussi élevés ne parviennent jamais à égaler.
Le goût pour la dépense publique semble une caractéristique intrinsèque des démocraties libérales. L’Etat moderne procédant de la centralisation du pouvoir, son périmètre s’est d’autant plus accru que le Léviathan devait répondre à des crises. La théorie économique le confirme. Les économistes américains Alan Peacock et Jack Wiseman ont montré, dans les années 1960, l’influence des chocs externes sur la progression des dépenses publiques. Par ailleurs, selon la loi de Baumol, de l’économiste américain du même nom, comme les gains de productivité dans le secteur tertiaire sont négligeables au regard de ceux de l’industrie et de l’agriculture, et que la demande de services tend à augmenter, le coût relatif de ces derniers tend à s’accroître. Une autre théorie, celle des « choix publics », explique la progression des dépenses et des prélèvements par le rôle des groupes de pression qui demandent des interventions publiques aux avantages concentrés et aux coûts dispersés.
RECENTRER LES DÉPENSES Ces mécanismes ont trouvé dans les évolutions sociales des pays avancés leur parfait aliment. Depuis le xixe siècle, la mission régalienne de l’Etat s’est vue dépassée par sa mission protectrice. Le champ de la protection sociale, du chômage à la retraite en passant par la santé, n’a cessé de croître. Aujourd’hui, l’Etat va jusqu’à financer la dépendance énergétique et alimentaire, le « bouclier énergétique » ayant coûté près de 24 milliards d’euros. Le vieillissement de la population n’aide pas puisqu’il augmente les dépenses de santé et de retraite, réduit l’assiette de leur financement et freine la croissance. Dans ce contexte, la France se distingue par des dépenses publiques, notamment sociales, supérieures à celles de ses voisins. En 2022, 32,2 % du PIB français était consacré à la protection sociale – une augmentation de près de 75 % depuis 1973 –, à comparer aux 27 % du PIB en moyenne pour l’ensemble des pays de l’UE.
En conséquence, notre pays ne pourra faire autrement que recentrer ses dépenses sur ses missions principales que sont la défense, la police, la justice, la santé, l’éducation et la recherche. Dans le court terme, deux candidats à l’amaigrissement se détachent, la politique du logement, coûteuse et peu efficace, et les pensions de retraite, qui se situent à 3,4 points de PIB au-dessus de la moyenne des pays de l’UE. Surtout, il faut urgemment mener une réflexion approfondie sur le rôle que l’Etat est légitime à jouer au xxie siècle. Sans cela, se contenter de vouloir « baisser les dépenses » s’avérera soit insuffisant, soit impossible.