L'Histoire

Agobard, la Magonie et les ovnis

Agobard est un très sérieux archevêque du ixe siècle. Si son nom circule sur Internet, c’est que les fans de l’ufologie en font le père des soucoupes volantes. Son traité a été réédité. Mise au point.

- Par Pierre Lagrange*

Par Pierre Lagrange

Agobard fut archevêque de Lyon au début du ixe siècle sous le règne de Louis le Pieux (814840). Pourtant son nom est plus connu des amateurs d’ovnis que de bien des historiens. Il y a une bonne raison à cela : nous lui devons un texte, De la grêle et du tonnerre, rédigé vers 815-817, qui évoque la façon dont, en 812, la foule conduisit devant lui trois hommes et une femme accusés d’être des « tempestair­es », des sorciers ruinant les récoltes en provoquant la grêle ; ils seraient tombés de vaisseaux aériens venus d’un pays mystérieux nommé Magonia.

Ce document faillit ne jamais parvenir jusqu’à nous. Après le ixe siècle, ces textes d’agobard n’ayant apparemmen­t pas fait l’objet de copies, et le seul manuscrit existant, datant du ixe-xe siècle, ayant disparu de Cluny après le xiie siècle, le souvenir d’agobard s’estompe peu à peu. Il faut attendre le tout début du xviie siècle lorsque l’érudit Papire Masson tombe sur l’exemplaire de Cluny qui allait être démembré par un relieur : une collection de traités et de lettres évoquant les superstiti­ons, l’adoration des images et hostiles aux Juifs. Papire Masson rachète le lot et le publie. Le xviie siècle redécouvre Agobard. Dès lors, grâce à l’imprimerie, il ne sera plus oublié. Notamment parce que Montfaucon de Villars, l’auteur du Comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes en 1670, mélange les faits décrits par Agobard avec ces sciences secrètes alors en vogue et sur lesquelles son ouvrage entend ironiser : « On vit à Lyon descendre de ces Navires aériens trois hommes et une femme. […] Le peuple allait les jeter dans le feu ; quand le bonhomme Agobard, évêque de Lyon, […] accourut au bruit, et ayant ouï l’accusation du peuple, et la défense des accusés, prononça gravement que l’une et l’autre étaient fausses. Qu’il n’était pas vrai que ces hommes fussent descendus de l’air, et que ce qu’ils disaient y avoir vu était impossible. »

La croyance aux tempestair­es

Avec l’émergence des soucoupes volantes à la fin des années 1940, l’épisode fait l’objet de nouvelles traduction­s par certains des tout premiers « ufologues » comme l’irlandais Desmond Leslie en 1953 et surtout le Français Jacques Vallee dans Passport to Magonia: From Folklore to Flying Saucers (1969). La Magonie d’agobard devient le symbole de l’influence exercée à travers les âges par une pensée extérieure à l’humanité qui aurait pris la forme d’un folklore en perpétuell­e évolution.

Que peut-on dire de ce parallèle entre les nefs « magonienne­s » et les soucoupes maintenant que l’on dispose d’une traduction particuliè­rement fiable et annotée de ce traité d’agobard grâce au travail d’une équipe de médiéviste­s conduite par Michel Rubellin dans le cadre d’un projet de Nicole Bériou et Jacques Berlioz1 ?

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Vaisseau spatial Illustrati­on du récit d’agobard par Benoît Roux en 1994.

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