L'HUMANITE

Marguerite, dernier amour de Clemenceau

Lorraine Lévy met en scène la relation du Tigre avec une éditrice. Un film porté par la formidable prestation de Pierre Arditi.

- CAROLINE CONSTANT

TÉLÉVISION

EClemencea­u, la force d’aimer, France 2, 21 h 10

n 1923, Clemenceau (Pierre Arditi) a 82 ans. L’ancien président du Conseil, le Tigre, vit une retraite active. Il écrit des livres, fourmille de projets, en dehors ou presque du champ politique. Une éditrice de chez Plon, Marguerite Baldensper­ger (Émilie Caen) vient lui proposer de participer à une collection à destinatio­n de la jeunesse sur les grands hommes qui ont fait l’histoire. Il choisit Démosthène. Et est intrigué par la figure de cette femme, de 40 ans sa cadette, mariée et mère de famille. Il est tonitruant et en colère, elle est discrète et pleine d’un chagrin qu’il décèle tout de suite: la fille de Marguerite, Annette, s’est suicidée, et elle ne se le pardonne pas. « Il faut reprendre goût à la vie. Je vous aiderai, Marguerite», lui promet-il. En échange, « vous m’aiderez à mourir, c’est notre pacte». Entre les deux se noue une histoire d’amour, entretenue par de longues lettres quasi quotidienn­es, jusqu’à la mort de Clemenceau en 1929. Il ne reste aujourd’hui que les lettres que Georges Clemenceau a adressées à Marguerite, elle lui a demandé de détruire les siennes par souci de sa réputation.

UNE TOUCHE DE MODERNITÉ, SUR LA PLACE DES FEMMES DANS LA SOCIÉTÉ

C’est sur ce terreau, riche, que la journalist­e politique de France Télévision­s Nathalie Saintcricq s’est appuyée pour écrire un roman, Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir. Le film de Lorraine Lévy, tiré de ce livre, dresse le portrait de cet homme tempétueux, fou de travail, colérique et jaloux, avant tout. Il est émaillé de citations des lettres, mais aussi d’anecdotes tirées de sa vie politique et publique, sur ses engagement­s et ses refus : il y a ainsi une scène délicieuse avec Aristide Briand, que Clemenceau terrasse lors d’un cocktail par deux ou trois petites piques bien senties. La fiction est parfois un peu poussive, mais la langue de vipère de Clemenceau, ses emportemen­ts de colère vont à merveille à Pierre Arditi, qui semble se régaler.

Le téléfilm glorifie Clemenceau. Il veut aussi amener une touche de modernité, sur la place des femmes dans la société. Les dialogues entre Madeleine Clemenceau et Marguerite, une scène où elle lui demande des comptes sur le sort terrible qu’il a fait à la mère de ses enfants, en témoignent. Las, cela ne fonctionne pas très bien, par la nature même de la personnali­té de Clemenceau, possessif et jaloux. À noter, pour les inconditio­nnels du journal de France 2, que Nathalie Saint-cricq joue une figurante, sur un marché, vers la fin du film. Décidément, le journalism­e politique mène à tout.

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