Guy de Maupassant, une vie de liberté jusqu’à la folie
Le nouveau documentaire de la Grande Librairie s’attaque à l’immense écrivain du réel, anticonformiste avéré aux multiples paradoxes, notamment dans son rapport aux femmes.
Les Docs de la Grande Librairie, Guy de Maupassant, France 5, 21 h 5
François Busnel ose la plongée vertigineuse dans l’univers du célébrissime, mais mystérieux Guy de Maupassant (1850-1893). Il est l’un des plus grands auteurs français, figure du réalisme qui hante les programmes scolaires des collégiens depuis plus d’un siècle et, pourtant, il n’est souvent connu de sa vie que ses tourments sombres et la maladie qui l’emporte à l’âge de 42 ans. Avec passion, François Busnel n’épargne aucun détail pour faire connaître l’auteur dans son entièreté et remplir une nouvelle fois sa mission : interroger pour mieux dénouer les liens entre la vie de l’auteur et son oeuvre.
UN GÉNIE DU DÉTAIL
Qui était Guy de Maupassant ? L’enfant, puis l’adolescent, est décrit comme très sauvage et rebelle. Il appartient à la nature, sa passion pour la chasse et la mer en témoigne. C’est, surtout, un génie du détail, empreint d’une liberté absolue. Adolescent, il ne supporte pas l’internat qui sent la prière, il ne veut appartenir à aucune religion, aucun dogme, où il range d’ailleurs l’amour… Il traverse la guerre franco-allemande, marquée par l’incompétence et la lâcheté des petits officiers, vit le soulèvement de la Commune écrasée dans le sang, mais reste totalement apolitique. Plus tard, c’est son obsession pour la folie, le dédoublement de soi, qui aboutira à un de ses plus grands chefsd’oeuvre, le Horla.
François Busnel, appuyé par plusieurs écrivains et universitaires, n’hésite pas à explorer sa vie jusque dans ses plus grands paradoxes, notamment son rapport aux femmes. Sa mère, passionnée de littérature, constitue une figure clef pour comprendre l’auteur, qui souffrira toute sa vie de l’absence de son père. À l’image de celui-ci, Maupassant développe une addiction aux bordels, où il enchaîne les prostituées sans aucun jugement moral. Comme son frère et son oncle, il contracte la syphilis. Entre peur et désespoir, cette condamnation à mort révèle chez lui une dimension sadique. Il se dit fier de sa vérole et se réjouit de coucher avec des prostituées, puis de leur annoncer la tragique nouvelle. Mais il incarne aussi un écrivain sensible aux maux des prostituées et « pauvresses » qu’il côtoie, s’attache à décrire l’assujettissement des femmes de l’époque, dont il est bien conscient. Le documentaire omet tout de même de reconnaître que, à l’instar de ses confrères, l’écrivain, comme ses contemporains masculins, dresse presque toujours des portraits féminins aux destins tragiques.
GUSTAVE FLAUBERT, SON MENTOR
Sur les bancs de la fac de droit de Paris, puis au ministère des Finances, en passant par les salons littéraires et le groupe de Médan, le documentaire met à l’honneur toute sa construction d’écrivain, épaulée par son mentor et meilleur ami, Gustave Flaubert. L’auteur de Madame Bovary lui apprend à écrire, et, comme l’explique Olivier Frébourg, fait « l’école du regard », pour décrire le moindre objet avec précision et justesse. En fin de compte, « le chef-d’oeuvre de Flaubert, c’est Maupassant, analyse Éric-emmanuel Schmitt. C’est sa plus belle oeuvre ».
L’écrivain dresse presque toujours des portraits féminins aux destins tragiques.