GOOGLE, SUPERMAN DE LA PRESSE FRANÇAISE ?
L’AUTRE TRAITÉ DE L’ÉLYSÉE
En apparence, Google a « sauvé » la presse française en signant un accord avec le président de la République début février. Après trois mois de discussions, Google est tombé d’accord avec les représentants de la presse d’information générale et politique pour la mise en place d’un partenariat et la création d’un fonds dédié à la transition de la presse vers le monde numérique. Financé par Google, ce fonds est doté de 60 millions d’euros – ou plus exactement 82 millions de dollars – pour une durée de trois ans. Les projets seront sélectionnés par un board composé de Google, de représentants des éditeurs de presse et de personnalités indépendantes. L’accord pourrait surtout permettre au gouvernement de baisser les aides directes à la presse quotidienne sans faire trop de vagues. Google était jusque-là sous la menace de devoir verser des « droits voisins » au titre de la publication de liens hypertextes pointant vers les sites des journaux, un projet cher aux éditeurs des grands quotidiens et hebdomadaires qui avaient même rédigé un texte de loi afin de modifier en urgence le code de la propriété intellectuelle. Les parties prenantes ne se sont pas étendues sur le volet partenariat de l’accord. Mais Google parvient par un magnifique retournement de situation à placer ses outils de monétisation AdSense, AdMob, AdExchange ou Google Play auprès des éditeurs français qui bénéficieront de conditions privilégiées pour les mettre en oeuvre s’ils le souhaitent. En résumé : les sites des grands journaux gagneront plus que les autres éditeurs de sites d’information lorsqu’ils afficheront des annonces Google AdSense. Et les fournisseurs de solutions de numérisation de la presse comme Adobe (avec DPS) ou Aquafadas ne seront pas les seuls à profiter de l’aubaine. Indigné par ce manque de transparence, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (le SPIIL) a réagi en demandant que cet accord privé « historique » et de portée mondiale soit immédiatement rendu public. Est-ce que tous les pure players auront droit aux subsides ? Rien n’est moins sûr car Rue89 a déserté le syndicat des pure players SPIIL sitôt son rachat à 100 % (en janvier 2012) par Claude Perdriel, propriétaire du Nouvel Observateur. Or, la présidente de l’Association de la presse IPG qui a représenté les éditeurs face à Google n’est autre que Nathalie Collin, également coprésidente du Nouvel Observateur. « Il y aura des règles de bonne gouvernance du fonds » prévient le médiateur Marc Schwartz, pressenti pour présider le board. Nous voilà rassurés.