L'Informaticien

L’auberge espagnole de la transforma­tion numérique

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Vous avez adoré les Cloud, BYOD, Big Data et autres concepts de l’industrie. Derrière tout cela, vous avez oublié Transforma­tion Numérique, le chapeau fourretout dans lequel chaque acteur de l’IT ajoute sa pincée de sel. Alors à quelle sauce serez-vous mangé ? Le jeu le plus drôle du moment dans une conférence de presse est de compter le nombre de minutes – de secondes parfois – avant que le présentate­ur d’un magnifique PowerPoint ne lâche le mot transforma­tion numérique, ou digitale, suivant l’humeur du jour.

Attention mort assurée !

Plus que le cancer, le diabète ou la bêtise, les entreprise­s vont mourir d’une nouvelle maladie : la disruption. Eh oui, ma bonne Dame c’est très grave, car si vous ne vous transforme­z pas vous allez être disruptée ! Et votre mort est imminente, il y a urgence… Et de nous citer les exemples d’Uber, d’Airbnb et de tous ceux qui offrent des services en voiture, dans les hôtels, les logements. On oublie au passage que Uber ne s’est pas installé au Japon car les taxis locaux offraient déjà de meilleurs services et que personne là-bas n’a trouvé d’intérêt dans ce nouveau service. L’action Accor a gagné près de 60 % en trois ans. Des fous investisse­nt donc encore dans des chaînes d’hôtels ? Bref, vous, grands comptes du CAC 40, vous risquez d’être « disruptés » si vous ne vous engagez pas sur le long et douloureux chemin de la transforma­tion numérique. En effet, malades que vous êtes, le traitement est long et cher, mais vous serez sauvés ! De quoi, de qui ? On ne sait jamais. Un nouvel entrant peut vous disrupter demain.

Un fourre-tout conceptuel

Selon les éditeurs ou constructe­urs, la transforma­tion numérique… se transforme ! Eh oui, pour la plupart, la transforma­tion numérique est le changement de méthode pour pouvoir toucher et engager le client partout où il se trouve. Ce dernier n’ayant rien compris et ne se rendant pas compte qu’il risque de tuer l’entreprise qui le sert si bien s’interroge sur l’utilisatio­n des données qu’il va fournir, voire sur l’endroit où elles pourraient être stockées. Traqué, chassé, mis en coupe réglée par le suivi de ses navigation­s sur le Web, sur les applicatio­ns qu’il a téléchargé­es sur son téléphone dit intelligen­t. Voilà comment en quelques années, notre pays qui n’était pas vraiment en pointe sur le marketing, a vu

fleurir pléthore de spécialist­es du marketing digital qui assurent que vous allez vendre mieux et plus vite aux clients. C’est France 3 à 20 heures, « Plus belle la vie » ! Pour les autres acteurs du marché, il est nécessaire de faire table rase du passé et de tout changer même le système d’informatio­n. D’ailleurs pourquoi encore en avoir un, alors que le Cloud vous tend ses bras si accueillan­ts ? Plus de serveurs, d’administra­teurs, de stockage, de réseau – ah si !, peut- être encore pour se connecter au Cloud –, plus de soucis. Devenez un DSI heureux, votre fournisseu­r de Cloud s’occupe de tout contre une somme modique mais que vous êtes incapable de calculer correcteme­nt du fait des nombreux paramètres entrant en ligne de compte dans la facturatio­n.

Aller vite

Si la transforma­tion numérique suit le schéma d’une améliorati­on continue, il faut quand même que vous alliez vite, non pas pour que vos fournisseu­rs fassent leurs trimestres de chiffre d’affaires mais parce que les « disrupteur­s » vont vous prendre des parts de marché, ce qui entraînera comme vous pouvez l’imaginez la mort annoncée ci-avant ! Il faut donc que tout ce que vous mettez en place vous permette d’aller vite tout en gardant une flexibilit­é qui vous autorise à soutenir l’assaut de ces nouveaux ennemis. Cela me rappelle parfois Le Désert des Tartares de Buzzati… Donc après le Cloud, le développem­ent d’applicatio­ns et leur déploiemen­t sur une fenêtre de plus en plus courte, le DevOps vient ainsi à votre rescousse dans ce dur combat quotidien.

Pourquoi si lentement devant une telle urgence ?

Face à l’imminence du danger, même l’animal le moins subtil a une réaction instinctiv­e de survie. Mais voyons-nous les entreprise­s s’élancer sur ces chemins de la transforma­tion numérique ? Elles semblent plus adeptes des politiques des petits pas que de celle des bottes de 7-lieues. Si elles s’y engagent, c’est sur des périmètres restreints en conservant le coeur de leur système d’informatio­n qui bouge peu mais qui s’ouvre vers l’extérieur ou sur de nouveaux projets pour lesquels de nouvelles applicatio­ns font le lien avec le monde numérique. Voila pourquoi certains acteurs parlent d’économie des applicatio­ns ou des APIs devant l’importance prise par ces nouveaux ponts vers les clients, les partenaire­s, les membres de l’écosystème de l’entreprise.

L’économie de partage

Mais s’arrêter là c’est faire la moitié du chemin. Pourquoi ouvrir son système d’informatio­n aux différente­s parties prenantes de l’entreprise si ce n’est pour partager les informatio­ns et les données qui y sont présentes ? Avec, in fine, le but de monétiser les informatio­ns, brutes ou après analyses. La véritable révolution est là, avec les données. Et le nouvel âge d’or numérique a pour carburant les données qui sont désormais la « véritable monnaie » des entreprise­s. Tout le reste, DevOps, automatisa­tion, orchestrat­ion des systèmes d’informatio­n, n’est qu’un avatar industriel du classique Design/Build / Run, bien connu de toutes les sociétés informatiq­ues. Alors, avez-vous déjà déterminé quelles sont les données intéressan­tes dans votre système d’informatio­n et quelle serait la valeur de celles- ci pour vos clients et vos partenaire­s. Avez-vous les moyens de partager ces informatio­ns ? Avez-vous les capacités et les compétence­s en interne pour faire ce travail ? Plutôt que de regarder la transforma­tion numérique comme une collection d’outils et de nouvelles technologi­es, les entreprise­s pourraient- elles se poser les bonnes questions et se préparer véritablem­ent à la transforma­tion numérique, celle qui s’appuie sur la richesse de l’entreprise pour la démultipli­er par le partage, le reste n’étant qu’une résultante de cette nouvelle mise en perspectiv­e.

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Rédacteur en chef
Bertrand Garé Rédacteur en chef
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