« Fabless is Useless »*
(*) Le « sans usine » est vain « On nous avait promis des voitures volantes et on se retrouve avec 140 caractères », la phrase du milliardaire Peter Thiel, en 2011, avait fait hurler. Ce faisant, il stigmatisait le manque d’ambition de la Silicon Valley en matière de technologies « réellement » disruptives, capables de changer le monde et assurer de nouvelles opportunités de croissance et d’emploi. Andy Grove, le cofondateur d’Intel, décédé le 21 mars dernier, avait déjà regretté, en 2010, le fait que« la Si li con Valley ne fabrique plus ce qu’ elle
invente». Il mettait en avant la nécessité de dépasser le projet créatif pour arriver au processus industriel et créer des emplois. «Quel type de société allons-nous avoir si cela consiste en des gens largement payés qui occupent des emplois à haute valeur ajoutée et des masses de gens sans emplois ?» Il mettait également en garde sur la tentation, depuis vérifiée, d’ abandonner la production des biens .« Abandonner la fabrication aujourd’ hui peut vous fermer les portes des industries émergentes .» Et c’est ce qui se passe à quelques exceptions près dont X : la division recherche d’Alphabet, laquelle travaille sur des projets « durs » comme la Google Car, le système de drones, les ballons destinés à fournir un accès internet dans les coins reculés de la Planète. De même, Larry Page investit à titre personnel dans des projets de « voiture volante » ou Elon Musk dans ses multiples activités. Toutefois, ceci ne refait pas encore une nation industrielle et la situation est identique en Europe. La Chine est devenue l’usine du monde. C’est exact mais cela ne suffit plus. D’assembleur de produits conçus par l’occident, l’ex-Empire du Milieu est devenu également concepteur. Huawei ambitionne de devenir le premier constructeur mondial de smartphones. Dans le dernier classement des supercalculateurs, le SunWay Taihulight écrase littéralement la concurrence et la Chine place 167 modèles dans le Top 500 contre 165 pour les Américains. Très récemment, nous rencontrions des responsables d’un très gros équipementier américain se félicitant d’être une entreprise « fabless », c’est-à-dire sans usine de production. Multiplié par des centaines d’exemples, le résultat est que les activités économiques américaine et européenne stagnent depuis près d’une dizaine d’années. Les révolutions technologiques font actuellement le bonheur desdites entreprises. Google, Facebook, Microsoft, Apple et les autres n’ont jamais été aussi riches. On compte près de 200 licornes et l’argent continue à couler à flot dans la Silicon Valley, ce qui a pour conséquence d’accroître les inégalités économiques et sociales en Californie et dans le monde. Mais si ces technologies ne conduisent pas à une amélioration globale des activités économiques dans les secteurs industriels – de la santé, de l’éducation, des équipements, des transports et autres –, tout ceci aura été vain. Transformer la technologie en quelque chose d’utile pour l’ensemble de la société et pas seulement pour quelques « happy few », est une nécessité absolue. C’est tout l’enjeu de la transformation numérique.