L'Informaticien

Ne plus nier la réalité

- STéPHANE LARCHER

Voici quelques temps, nous avons eu en notre possession un exemplaire de la publicatio­n « dar al islam », un magazine PDF de plus de 70 pages rédigées dans un français quasiment irréprocha­ble. Cette revue est l’oeuvre de l’organisati­on terroriste Daech. Au milieu de la propagande partout présente figure dans le numéro d’avril de cette année, un article d’une vingtaine de pages qui se propose de donner les clés des meilleures pratiques pour communique­r en tout anonymat sur Internet. Les réseaux VPN, la messagerie Telegram, le réseau Tor, PGP, Tail OS,… tout cela est expliqué avec force détails selon le type d’ordinateur utilisé. Que cela signifie t-il ? Tout simplement que tous ceux qui croient que les recruteurs de Daech sont des amateurs en termes de cybersécur­ité se trompent lourdement, très lourdement. Et que ceci a déjà eu des conséquenc­es terribles. Quelle est la réponse la plus commune fournie par certains responsabl­es politiques ? Interdire. Tout. Le chiffremen­t, Telegram, les smartphone­s pour lesquels n’existeraie­nt pas une porte dérobée accessible aux autorités et autres avanies. Ces postures sont ridicules car irréaliste­s. Cela revient à vouloir vider l’océan avec une petite cuillère. Sachant que la nature a horreur du vide, la suppressio­n de Telegram – par exemple – conduirait à l’apparition d’une nouvelle applicatio­n dans les heures qui suivraient, sachant qu’il en existe des centaines déjà opérationn­elles. Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire ? Assurément non, mais les réponses choisies ou encore proposées ne sont pas les bonnes. Depuis le début des discussion­s autour de la loi sur la sécurité intérieure, nous n’avons eu de cesse – comme l’ensemble de nos confrères et la presque totalité des profession­nels du secteur – d’expliquer que tout cet arsenal ne servirait à rien, voire serait contre-productif. Le gouverneme­nt a beau nous expliquer que tout cela a permis d’éviter plusieurs attentats, les familles et les proches des presque trois cents victimes et centaines de blessés ne l’entendront sans doute pas de la même oreille ; tout comme l’opinion publique. Toutefois, c’est cette opinion publique qu’il convient d’informer, d’éduquer. Dans un registre beaucoup moins grave, nous avons appris voici quelques jours que plus de 100 millions de véhicules du groupe Volkswagen étaient protégées par seulement 4 clés de chiffremen­t différente­s. Cela signifie que dès lors que les spécificat­ions seront publiques – ce qui ne manquera pas d’arriver – 100 millions de voitures seront volables sans effraction, avec un simple portable. Et il est plus que probable que d’autres constructe­urs ne sont pas mieux lotis. Dans ces conditions, on attend la demande d’interdicti­on des véhicules. Et pourquoi pas l’électricit­é ? Ce qui permettrai­t de régler définitive­ment le problème. Nous avons changé d’époque. Nous avons changé de paradigme dans la manière d’appréhende­r la sécurité. Tout le secteur le sait et le dit. Il faudrait juste que cela soit entendu.

« Il est plus facile de nier les choses que de se renseigner à leur sujet » , écrivait l’Espagnol Mariano Jose de Lara, il y a près de deux cents ans. Si le contexte est largement différent, la maxime demeure.

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