L'Informaticien

La cyberdéfen­se dans l’Otan

Si la France développe ses propres capacités de défense dans le cyber espace, elle est aussi partie prenante d’une alliance plus large, celle du traité Nord-Atlantique plus connu sous le nom d’Otan. L’alliance connaît, avec ses 28 pays, quelques turbulenc

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Des propos tenus par Donald Trump, président des ÉtatsUnis, et pilier de l’alliance de l’Organisati­on du traité de l’Atlantique nord (Otan), sur l’obsolescen­ce de l’Alliance et la menace à peine voilée de baisser sa contributi­on auprès des alliés si ceux- ci ne remplissai­ent pas pleinement leurs obligation­s : 2 % du PIB, comme il avait été décidé lors d’un sommet au Pays de Galles en 2014. Voilà qui a alerté les chanceller­ies européenne­s, alors que les périls deviennent nombreux et souvent d’un nouveau genre. Depuis, le président américain est revenu sur ses propos en réaffirman­t l’engagement de son pays dans l’Otan. Lors du FIC (Forum internatio­nal sur la cybercrimi­nalité) qui s’est tenu à Lille à la fin janvier, Jamie Shea, secrétaire général adjoint de l’Otan en charge des menaces de sécurité émergentes, a fait le point sur la situation actuelle et les évolutions prévisible­s avant les prochains sommets de l’Alliance de la mi- février et en mai prochain, avec la participat­ion du président américain.

Le cyberespac­e comme terrain possible de combat

Jamie Shea a rappelé que c’est depuis peu que Internet est considéré par la doctrine de l’Otan et de l’armée américaine comme un espace de combat possible et qu’il doit être protégé comme tout champ de bataille. Cette prise de conscience date, elle aussi, du sommet au Pays de Galles et la défense de cet espace est devenue, comme d’autres tâches, une des missions essentiell­es de l’Alliance. Cette prise de conscience s’accompagne de l’affirmatio­n que le droit internatio­nal s’applique sur cet espace et de l’intensific­ation des partenaria­ts avec l’industrie. Des discussion­s sur les législatio­ns de chaque pays sur les conséquenc­es des dégâts collatérau­x après des attaques cyber sur des infrastruc­tures devraient avoir lieu rapidement. La première priorité reste cependant la protection des systèmes de communicat­ion détenus et opérés par l’Alliance. Celle- ci accompagne les alliés dans ce domaine. La France agit dans ce cadre mais se réserve une capacité d’action en dehors de l’Alliance et une pleine autonomie de décision. La France assume ainsi pleinement de faire valoir ses intérêts au sein de l’Alliance, d’y conserver une voix originale et d’y être une force de propositio­n comme l’indique à la fois le

site du ministère des Affaires étran- ngères et la présentati­on de la déléga- gation française à l’Otan. Ces axes ontnt été réaffirmés et étendus au sommet et de Varsovie en 2016 avec pour prio- orités de renforcer et d’améliorer les es réseaux et les infrastruc­tures natio- onales des pays alliés avec l’adaptation­on continue des capacités de cyberdé- éfense. Cette adaptation continue ue conditionn­e les autres tâches de l’Otan en termes de cyberdéfen­se.

Augmenter les capacités

La demande des 2 % du PIB peutut être ainsi justifiée du fait de l’écart technologi­que entre de nombreux pays européens en cyberdéfen­se et les moyens fournis par les États-Unis dans l’Alliance. Certains en France demandent même que ce pourcentag­e soit porté à 3 % devant la résurgence de réarmement dans le monde. Le chef de l’état-major français a, lui, demandé de porter l’effort à 2 %. Il est de 1,6 % aujourd’hui. Le renforceme­nt comprend le maintien en condition opérationn­el 24 heures sur 24 du réseau de communicat­ion de l’Alliance et des liens avec les nombreux sites de l’Alliance. Des jalons ont été déterminés pour que ses pays se dotent de capacités de cyberdéfen­se. De nouveaux éléments devraient être définis dans quelques semaines pour s’adapter aux nouvelles menaces comme les ransomware­s par exemple. Renseignem­ent,Renseignem­ent partage,partage accompagne­ment de capacité, formations sont proposés aux alliés pour acquérir les compétence­s en la matière. Différents centres de formation en Italie et un centre d’excellence en Estonie permettent aux différente­s armées de se former à des compétence­s spécifique­s de cyberdéfen­se. Des exercices conjoints sont régulièrem­ent organisés pour échanger les meilleures pratiques et encourager les partages en la matière. L’Alliance a de plus des partenaria­ts avec d’autres institutio­ns internatio­nales comme la Communauté Européenne, l’OSCE (Organisati­on pour la sécurité et la coopératio­n en Europe) et les Nations Unies pour ne pas dupliquer des efforts déjà existants dans ces organisati­ons.

Des partenaria­ts avec l’Industrie

À travers le NICP ( NATO Industry Cyber Partnershi­p), l’Alliance renforce ses liens avec l’industrie de la sécurité informatiq­ue. Le NICP inclut les entités de l’Alliance mais aussi différents CERT européens. En date récente, la certificat­ion Anssi (agence française) reçue par un produit est reconnue par 14 pays membres de l’Alliance et le produit peut ainsi être installé par un pays allié. Cette certificat­ion ne va pas jusqu’à la validation ou la certificat­ion par le départemen­t américain de la Défense, mais il permet d’ouvrir des marchés à des acteurs européens auprès des partenaire­s de l’Alliance et d’apporter une sorte d’uniformité et de standard de qualité qui n’existait pas encore sur le sujet. Dans le domaine, Jamie Shea voyait ces premiers travaux comme « la

fin du début » et que s’ouvrait désormais une véritable mise en place à l’échelle de l’Alliance d’une cyberdéfen­se globale, tout en encouragea­nt chaque pays à continuer ses efforts pour se doter de capacités propres afin de renforcer continuell­ement cette défense. Il est à noter que cette doctrine reste très défensive et que l’Otan reste très discrète sur les capacités offensives qu’elle développe. Les attaques Stuxnet n’en sont que le signe discret. Il convient de plus de combler les écarts entre les différents membres en termes de moyens et de capacité pour garder un ensemble cohérent. Ce seront les efforts des années à venir pour l’Alliance. ❍ B. G.

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