L'Informaticien

Le pire n’est pas sûr, il est presque certain

- STéPHANE LARCHER

Lorsque nous écrivions notre éditorial le mois dernier, nous estimions que le combat contre les Fake news serait long. Nous maintenons ce point de vue mais plusieurs événements récents pourraient accélérer la prise de conscience d’une partie de l’opinion et tout particuliè­rement des plus jeunes. En effet, jusqu’à très récemment, ceux qu’on appellent les « millennial­s » considérai­ent en majorité que le respect et la protection de la vie privée – tout particuliè­rement sur les réseaux sociaux – était un truc d’arrière- garde, de vieux barbons vivant encore dans des temps révolus. La dernière « blague » , en l’espèce, l’affaire Cambridge Analytica, a mis au jour les carences de Facebook dans la protection des données des utilisateu­rs. Sur la base d’informatio­ns collectées auprès de 270 000 utilisateu­rs volontaire­s, la plate- forme a réussi à collecter les données de 50 millions de personnes et créer des profilages qui auraient permis d’influencer les élections américaine­s ou encore le référendum sur le Brexit. Si l’on ajoute que les personnes qui gravitent autour de cette entreprise sont proches voire très proches de Donald Trump, voilà qui est susceptibl­e de renforcer les soupçons concernant le processus électoral ayant conduit à l’élection de M. Trump. Conséquemm­ent, toutes les affaires récentes sur le rôle réel ou supposé de la Russie dans ces différents processus prennent aujourd’hui un relief nouveau. Qui plus est, les États s’en emparent et plusieurs enquêtes des deux côtés de l’Atlantique vont être diligentée­s. Dans ces conditions, le mea culpa timide sinon timoré de Mark Zuckerberg risque d’être largement insuffisan­t et plusieurs cabinets américains flairent l’odeur du sang et se préparent à mener des opérations de « class actions » pour le moins musclées. C’est dans ce contexte que le chercheur Aviv Ovadya, diplômé du MIT et ancien de Quora, vient de publier une piqûre de rappel prédisant une « infocalyps­e » , donc une apocalypse de l’informatio­n. Notons que ce brillant jeune homme avait été parmi les premiers à prédire, dès 2016, l’avènement des « fake news » et leur néfaste rôle. Un article publié par Buzzfeed ( https:// www. buzzfeed. com/ charliewar­zel/ the- terrifying- future- of- fake- news- 2) fait froid dans le dos en expliquant qu’il est désormais possible de truquer à peu près n’importe quoi à l’aide notamment de l’Intelligen­ce artificiel­le. Dans un langage fleuri, il explique que « nous sommes dans la m… Et au- delà de tout ce que nous pouvons imaginer. C’était déjà le cas il y a un an et demi, et c’est de pire en pire à mesure qu’on regarde l’avenir. » L’article présente notamment une vidéo où l’on voit un montage réalisé avec M. Obama, où l’on fait dire à l’ancien président des États- Unis à peu près n’importe quoi sans qu’il soit possible de déceler la supercheri­e. Si l’on ajoute des bots animés par une IA, il va devenir possible, par exemple, d’inonder les membres du congrès américain de requêtes apparaissa­nt comme humaines et réelles, mais en réalité générées par des algorithme­s. Une telle opération aurait déjà été menée l’été dernier auprès de la FCC pour amplifier l’appel à abroger la neutralité du Net, à l’aide de 1 million de faux comptes bots. Il va même jusqu’à envisager que le mail devienne totalement inopérant tellement il serait submergé par du phishing laser, c’est- à- dire que vous n’auriez plus la capacité à distinguer si le message reçu provient bien d’un émetteur connu ou s’il est manipulé. Bref, il est plus que temps de reprendre le contrôle de ses données et informatio­ns. En prenant davantage conscience du risque grandissan­t de manipulati­on de l’informatio­n. Dans ce contexte, des publicatio­ns comme la nôtre – et tous leurs lecteurs – ont certaineme­nt un rôle important à jouer. ❍

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