Licences logicielles : éditeurs/ entreprises, le clash !
ÉDITEURS/ ENTREPRISES : LE CLASH !
Contrats de licence illisibles, chasseurs de primes, méthodes de voyous, racket, les noms d’oiseaux fusent lorsqu’on évoque la problématique des licences logicielles auprès des DSI. Alors que les migrations vers le Cloud battent leur plein, le torchon brûle entre DSI et grands éditeurs.
À l’heure du « Cloud First » et des grandes migrations vers AWS, Google Cloud et Azure, le modèle de licencing des éditeurs de logiciels craque de toutes parts. Les entreprises refusent de plus en plus des méthodes qu’elles considèrent comme brutales et déloyales de la part de grands éditeurs mondiaux pilotés des ÉtatsUnis. Étranglés par les exigences de croissance de leurs actionnaires, ces derniers ont bien du mal à préserver leurs flux financiers tout en négociant ce virage vers le Cloud.
Des audits de sécurité qui s’apparentent à des missions punitives
Dans ce bras de fer, un éditeur, Oracle, cristallise toutes les haines. Déjà réputée pour la férocité de ses commerciaux, la créature de Larry Ellison a provoqué la colère de nombreux DSI à la suite d’opérations d’audit de licence jugées musclées. Les équipes de contrôle mandatées par l’éditeur s’invitaient dans les DSI afin de faire tourner leurs scripts de contrôle pour décompter les licences installées sur les serveurs. Des méthodes jugées brutales, voire abusives pour des clients dont la facture Oracle était déjà considérée comme astronomique. « Les auditeurs sont clairement payés aux résultats et sont incités à nous faire le plus de mal possible ! » , s’indigne un DSI. L’analyse est très proche du côté des clients de SAP où la collusion entre forces commerciales et auditeurs a choqué les DSI. « Forces de vente et auditeurs appartenaient à la même structure organisationnelle et, lors des négociations commerciales, il n’était pas rare que SAP lance un audit au même moment » , explique Gianmaria Perancin, le nouveau président de l’USF ( association des Utilisateurs SAP Francophones). « Sans aller jusqu’à dire que SAP utilisait l’audit comme moyen de pression, nos adhérents s’interrogeaient sur le lancement de tels audits en pleines négociations commerciales. » De même que beaucoup de DSI ont pu être choqués que les éditeurs veuillent faire tourner leurs logiciels de contrôle sur l’ensemble de leurs serveurs. On se souvient que Carrefour avait refusé que Oracle ne fasse tourner ses scripts sur ses machines arguant d’un risque d’accès à des données confidentielles. Le Français avait obtenu gain de cause en justice, le TGI de Nanterre mandatant deux experts indépendants afin de réaliser le décompte des licences Oracle en production chez Carrefour. Cette décision faisait suite à celle de l’affaire de l’AFPA, Oracle considérant que le module achat utilisé
n’était pas couvert par les licences E- business Suite acquises par l’AFPA. Oracle réclamait alors 13,5 millions d’euros à l’AFPA avant d’être débouté en appel, le jugement soulignant « la mauvaise foi et la déloyauté » de l’éditeur.
Des clauses contractuelles volontairement opaques
Si le décompte des licences est une pierre d’achoppement entre éditeurs et DSI, c’est aussi que les contrats sont jugés par ces derniers comme volontairement illisibles et sujets à interprétation. Le cas des architectures virtualisées sous VMware pour une base Oracle est un modèle du genre. Se faire facturer les licences pour l’ensemble des coeurs d’un cluster VMware alors que Oracle n’en utilise réellement que quelques- uns a causé bien des mauvaises surprises chez les DSI français. L’impossibilité de dédier des noeuds à Oracle dans VMware 5.5 a poussé les DSI les plus prudents à sortir Oracle de leur Cloud interne VMware et dédier des serveurs physiques à Oracle pour ne pas risquer le coup de bambou d’Oracle. La contrainte est d’autant plus mal perçue par les DSI qu’elle n’existe pas si l’on opte pour Oracle VM Server, la solution de virtualisation d’Oracle. Mars Inc. et Oracle s’étaient retrouvés en justice sur cette analyse divergente des noeuds de calcul VMware, le géant de l’agroalimentaire parvenant à arracher un accord à Oracle avant le procès. Emmanuel Gaudin, co- président d’EuroCIO commente l’attitude d’Oracle sur ce dossier : « L’éditeur n’a d’ailleurs jamais clarifié son modèle de licence dans l’environnement VMware. Suite à ces fortes tensions entre Oracle et ses clients, nous avons envoyé un courrier à Mark Heard en juillet 2016, courrier resté sans réponse alors que le changement de version VMware 5.5 et le passage à 6.5, va soumettre les entreprises clients à de nouvelles tensions avec Oracle. » La nomination de Gérald Karsenti à la tête d’Oracle France en 2017 et sa volonté affichée de résoudre ce type de conflits a été accueilli de manière très positive par les DSI… qui ont rapidement déchanté six mois plus tard. Emmanuel Gaudin souligne que si, après le départ de Gérald Karsenti,