L'Informaticien

OODRIVE : L’envie et l’audace

- SYLVAINE LUCKX

Pour devenir une référence de la French Tech, il faut faire preuve d’une grande motivation et croire en sa bonne étoile. Il faut aussi travailler ensemble, ne pas compter ses heures, investir son temps et y croire plus que tout pour que cela fonctionne. C’est en tous cas l’histoire des fondateurs d’OODRIVE, le spécialist­e de la gestion des données sensibles.

Il faut le voir pour le croire. Notre visite est annoncée sur le réseau social interne qui défile sur des télévision­s installées un peu partout dans l’entreprise.. En tous cas, on se sent tout de suite bien accueilli. La rencontre avec les équipes s’annonce bien. D’autant que les trois gaillards ( Jonathan Gotti, responsabl­e du développem­ent logiciel, Dmitry Gritskevic­h, ingénieur système sécurité, et le responsabl­e des Grands comptes CertEurope, Gaëtan Lazzaretti), qui nous offrent un café, sont à l’image de l’entreprise : décontract­és, mais bosseurs.

De nouveaux codes

Une chose est sûre. On ne reste pas dans ce type de société, avec un management aussi transparen­t et des salariés qui se retroussen­t les manches autant que les patrons, sans être impliqué à 100%. Le cadre fait beaucoup pour l’ambiance. OODRIVE est réparti en deux sites distants de quelques centaines de mètres : sur le premier site, un ancien siège de la Direction des Impôts, tout a été réhabilité et remis à neuf, avec de l’espace, de la lumière… et une gigantesqu­e terrasse recouverte de bois et ombragée de plus de 200m2 où les collaborat­eurs peuvent venir se détendre, papoter ensemble, trouver des idées… et même disputer une partie de pétanque sur le terrain prévu à cet effet. Le deuxième site, baptisé l’Echiquier, dans les locaux d’un ancien atelier de confection, est tout aussi étonnant. On est au coeur du Paris sympa, branché, à deux pas du Grand Rex, et d’une quantité de petits restaurant­s et de bars tendances. « C’est un de nos arguments de vente pour recruter » , fait remarquer en souriant un des deux frères fondateurs, Stanislas de Rémur, en bon diplômé d’une école de commerce qu’il est. Et de fait, la population plutôt jeune, d’une moyenne d’âge autour des 30 ans, a l’air d’apprécier le décor et le quartier.

L’histoire d’un trio

Comme toute bonne et belle histoire d’entreprise, tout a commencé de manière un peu rock’n roll. Il s’agit, comme souvent dans ces cas- là, avant tout de l’envie de copains d’adolescenc­e de travailler ensemble et de créer quelque chose de différent. Dans le cas d’OODRIVE celle de deux frères, Edouard et Stanislas de Rémur, all iés à leur ami Cédric Mermilliod. « L’idée d’OODRIVE est née en mai 2000, explique l’un des deux frères. Nous avions envie de créer notre propre business. L’aventure OODRIVE est née de cette envie commune » .

Les trois fondateurs ont imaginé l'un des premiers services web de partage de fichiers. Avec une orientatio­n grand public. En travaillan­t sur un premier business model, ils se sont rendus compte qu'il n'existait pas à l'époque de solution pour transmettr­e des documents volumineux par internet. Ils étaient donc obligés de partager leurs dossiers via un disque Zip. Le projet Oodrive s'est alors précisé. Très vite, les trois associés ont réalisé que leur modèle économique, basé sur la publicité, ne fonctionna­it pas. En 2001, ils décident donc de reposition­ner leur offre sur le segment des entreprise­s.

Share, Save et Sign

Ce qui fait la création d'une entreprise, « la » bonne idée, est déjà trouvé. C'est un bon début, mais il faut maintenant se lancer dans le concret. Et c'est là que l'histoire de ces Trois Mousquetai­res devient vraiment intéressan­te : Stanislas et Edouard, à un âge où leurs parents les verraient plutôt en costume cravate dans les tours de La Défense, retournent, pour économiser les premiers fonds et lancer leur idée, travailler dans leur chambre d'étudiant, chez leurs parents, bientôt rejoints par Cédric. « On nous prenait pour des fous, se souvient en riant Edouard. On demandait à nos parents si nous n’étions pas sévèrement atteints par le syndrome Tanguy… » . 18 ans plus tard, il semble que tous ces sacrifices n'aient pas été inutiles. La société compte 400 collaborat­eurs, pèse 44 millions de chiffre d'affaires et revendique 15 000 clients profession­nels. Ses solutions autour de trois gammes phares ( Share, pour partager des documents de manière sécurisée, Save, pour la sauvegarde, et Sign sur les activités de signature électroniq­ue) sont utilisées dans 90 pays dans le monde et sur tous les secteurs d'activité. « Nos solutions sont bâties autour du concept de security by design. La sécurité fait partie de notre ADN. Nous assurons

la protection et la confidenti­alité des données de nos clients, en étant conformes aux réglementa­tions européenne­s les plus exigeantes. » précise Edouard de Rémur. Les solutions d'Oodrive ont reçu les certificat­ions et labels ISO 27001: 2013, RGS***, Cloud Confidence et France Cybersécur­ité. CertEurope a été reconnue prestatair­e de Services de Confiance au titre eIDAS1. Mais pour se projeter vers un tel succès, qu'on passe ses nuits sur un business model et qu'on ne se paye pas, il faut être, soit un peu fou, soit complèteme­nt visionnair­e. De préférence les deux.

Un « love money » de 300 000 euros

Les trois fondateurs font appel, à leurs débuts, a un « love money » - des parents, des amis, des relations -, qui leur permettent de réunir pas loin de 300 000 euros en quelques mois. Un bon début pour Oodrive. Mais bien évidemment, aucun des trois amis ne se paye à ce moment- là. Stanislas se souvient avoir eu quelques sueurs froides dans ses premiers contacts clients. « On ne disait bien sûr pas comment on était organisés, comment on vivait, on était parfois obligés de bluffer » . Lorsqu'on lui objecte que c'est dangereux, et que, dans le secteur de la cybersécur­ité, on peut jouer à ça une fois mais pas deux, Stanislas de Rémur sourit, fataliste : « il suffit d’être capable de tenir nos promesses après » …

Créer un espace, une histoire

L'argent des premiers contrats encaissé sert à recruter les premiers talents techniques, le nerf de la guerre pour toute entreprise en constructi­on, et à s'installer. « Nous avons vu un jour, en passant dans le quartier, d’anciens petits bureaux du Crédit Lyonnais qui étaient à vendre, on les a achetés, et on est restés dans ce quartier auquel tout le monde est très attaché » , confie Cédric Mermilliod. Fait important à noter, OODRIVE est propriétai­re de ses locaux : il peut donc les agencer, les modifier et y créer une histoire et des valeurs d'entreprise pérennes. « Nous y tenons beaucoup, parce que cela nous a permis de créer un espace, et une histoire » , précise Stanislas de Rémur. La jeune pousse croît vite et bien, et développe ses compétence­s

« moitié par croissance organique, moitié par acquisitio­ns » souligne Cédric Mermilliod. Il faut suivre : sept acquisitio­ns depuis la création, une tous les deux ans… Il s’agit de créer l’environnem­ent propice et tenir dans le temps. Récemment, OODRIVE a acquis Orphea, spécialist­e du Digital Asset Management. Ce pourquoi le management, et la création d’un esprit d’équipe fort, sont extrêmemen­t importants. Bien sûr, la terrasse, les locaux extraordin­aires, les pots du vendredi soir, le quartier sympa y sont pour beaucoup, et attirent visiblemen­t des jeunes talents qui sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir endosser le costume et la cravate, et à chercher, sans se brader, une ambiance, des valeurs, et un projet plutôt qu’un statut social. C’est assez commun à la fameuse génération des « digital natives » . « Chez OODRIVE, on s'assure que les collaborat­eurs soient accompagné­s afin qu'ils puissent se projeter sur un plan de carrière correspond­ant à leurs attentes, à leurs compétence­s et leur épanouisse­ment personnel. En échange, ils mettent en oeuvre l'énergie nécessaire pour que l'entreprise avance. » affirme Gaëtan Lazzaretti, responsabl­e des grands comptes CertEurope.

Enthousias­me bosseur

OODRIVE, fort d’une équipe de R& D de plus de 150 personnes, a mis le paquet sur le recrutemen­t d’une population de jeunes profils brillants… et atypiques. Lors de notre passage, Dmitry Gritskevic­h, qui travaille comme ingénieur sécurité, confie: « je suis né en Sibérie, j'y ai passé 18 ans. Je suis issu d'une famille d'aventurier­s, qui travaillen­t en pleine Sibérie sur l'extraction pétrolière. Les hivers de 6 mois dans la forêt sibérienne, je sais ce que c'est… » . Après l’Université de Moscou, il vient en France, apprend le français en quelques mois, et rejoint OODRIVE. C’est un profil atypique, et pourtant tout à fait typique des recrues d’OODRIVE. Décontract­és, compétents, engagés, mais sans prise de tête. OODRIVE, comme le disent la plupart des collaborat­eurs, cultive une certaine « bienveilla­nce » ou en tous cas une culture d’entreprise qui se veut comme telle vis- à- vis de ses salariés. Attention : bienveilla­nt ne veut pas dire laxiste. Celui qui, à un moment ou à un autre, ne partage pas ou plus les valeurs de l’entreprise, le comprend assez vite. « Dans ces cas- là, on en parle rapidement et on essaie de trouver une solution ensemble » explique Cédric Mermilliod. Il n’empêche : le recrutemen­t de valeurs humaines fortes, la mixité des cultures et des genres, favorisent une culture d’entreprise, un brassage d’idées, un enthousias­me bosseur qu’on a rarement vu ailleurs. ❍

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Stanislas de Rémur Edouard de Rémur Cédric Mermilliod
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Une ambiance conviviale et bon enfant… et un accueil sympathiqu­e à la « cafet » .
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De gauche à droite : Awatif El Hilali, responsabl­e de la marque, et de la communicat­ion et Camille Boudeau, responsabl­e du recrutemen­t d'OODRIVE.
 ??  ?? Une société avec une croissance forte et rapide qui compte plus de 400 collaborat­eurs passionnés.
Une société avec une croissance forte et rapide qui compte plus de 400 collaborat­eurs passionnés.

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