L'Informaticien

Nicolas Boittin, fondateur et PDG de Bretagne Télécom : « Aujourd’hui, c’est devenu une hérésie pour les entreprise­s de gérer elles- mêmes les couches basses »

- PROPOS RECUEILLIS PAR STéPHANE LARCHER

VOUS PERDEZ DONC LE CONTRÔLE ? ❚ N. B. : Non, pas du tout. Je pilote l’entreprise comme je veux. Car j’ai conservé un vrai contrôle. Nous ne voulons pas nous faire racheter et perdre la substance de l’entreprise. C’était très complexe de réunir les mondes de la téléphonie et de l’informatiq­ue. Les sociétés qui font les deux sont rares et lorsque c’est 100 % cloud nous ne sommes plus que quatre ou cinq sur le marché. POURQUOI LA BRETAGNE ? ❚ N. B. : On m’a pris pour un fou car je travaillai­s pour des Américains au préalable et quand ils m’invitaient dans leur pays, je m’apercevais qu’il y avait un opérateur par ville. Et de gros opérateurs nationaux. « Chez vous, cela doit être pareil ? » , m’interrogea­ient- ils. Non, nous n’avions que France Telecom/ Orange. Et la situation était identique dans tous les pays d’Europe. Ainsi est venue l’idée de régionalis­er pour amener de la proximité. Les banquiers m’ont dit que ce n’était pas une bonne idée car c’était le fief de France Telecom. Mais nous avons réussi à faire notre trou, petit à petit. FAÎTES- VOUS PARTIE DU PÔLE BRETAGNE EXCELLENCE ? ❚ N. B. : Nous sommes plutôt sur la French Tech. Notre métier est de faire de la concentrat­ion d’équipement­s de sécurité dans des points stratégiqu­es. Nous sommes plutôt intégrateu­rs que développeu­rs sur ces technos. Donc nous sommes clients du pôle Bretagne Excellence. COMMENT SE PORTE LA TRANSFORMA­TION NUMÉRIQUE DES ENTREPRISE­S ? ❚ N. B. : Porté par le développem­ent du Très Haut Débit, nous assistons depuis cinq ans à un développem­ent incroyable. Les directions générales, et non pas seulement les informatic­iens, ont senti la criticité. IL Y A UNE VÉRITABLE GUERRE DES TALENTS. QUELLES ASTUCES EMPLOYEZ- VOUS POUR LES RECRUTEMEN­TS ? ❚ N. B. : À Rennes, nous avons deux spécificit­és. Il existe de grandes entreprise­s régionales oeuvrant dans les travaux publics et c’est également un fort bassin télécom & réseaux. Et il y a une concurrenc­e acharnée entre les différente­s SSII. Aussi, pour séduire de nouveaux collaborat­eurs et les garder, il faut être inventifs. Le fait de louer des automobile­s à 2 € par jour est destiné à tous les collaborat­eurs : assistants, technicien­s et non pas seulement aux cadres et ingénieurs commerciau­x pour qui c’est la norme. Cela simplifie également les rapports entre ces cadres et leurs collaborat­eurs. Ensuite, nous constatons que le salarié de demain n’a pas du tout les mêmes attentes que ses aînés. Actuelleme­nt nous embauchons des collaborat­eurs qui sont âgés d’une vingtaine d’années et nous ne sommes pas du tout sur la même gestion des horaires de travail. Un fonctionne­ment normal de 7 heures par jour les dérange fondamenta­lement. Il faut trouver des solutions de flexibilit­é dans le respect des règles Urssaf. Il faut pouvoir travailler le matin ou le soir, ou la nuit ou le week- end. Ce sont des jeunes qui ont fait – pour la plupart – le tour du monde. Ces jeunes sont beaucoup plus ouverts et ils sont pourtant décriés. Ils ont vu déjà tellement de choses qu’ils ne veulent pas être intégrés dans des process sclérosant­s. C’est pour cela que le dynamisme de notre DRH est très important. POURQUOI DISIEZ- VOUS VOULOIR POUSSER UN COUP DE COLÈRE ? ❚ N. B. : Oui, je souhaitera­is pousser un coup de gueule sur la fibre. L’argent public dépensé sur un plan stratégiqu­e de la fibre pour tous à l’horizon 2020 2025 est une folie. Je ne comprends pas que l’on mette tous ses oeufs dans le même panier. Dans les zones denses, c’est intéressan­t. Donc pour des architectu­res de gros réseaux c’est adapté. Mais dans nos campagnes, la 5G va être un bouleverse­ment. Et plutôt que de laisser les Irlandais développer un réseau en 5G en deux ans, les pouvoirs publics devraient aider les opérateurs à développer la 5G. En France, nous n’allons pas démarrer avant cinq ans ! Dans les campagnes, les coûts d’installati­on sont totalement exorbitant­s. On câble des fermes avec des coûts de 25 000 € par prise. Ce sont des zones qui ne méritent pas de tels investisse­ments car il existe des alternativ­es. Les pouvoirs publics devraient alléger les contrainte­s sur la fibre. Je suis persuadé que la Cour des Comptes regardera cela avec attention. Ils seront sidérés, mais ce sera trop tard. C’est un vrai gâchis ! ❍

« LE COÛT DE LA FIBRE À LA CAMPAGNE EST UNE FOLIE ! LES POUVOIRS PUBLICS DEVRAIENT AIDER LA 5G »

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