L'Informaticien

Le conteneur comme nouvelle base du modèle économique

COMME NOUVELLE BASE DU MODÈLE ÉCONOMIQUE

- BERTRAND GARé

LES ENVIRONNEM­ENTS À BASE DE CONTENEURS DEVIENNENT LE FONDEMENT DU MODÈLE ÉCONOMIQUE DU CLOUD ET COMMENCENT À SE RÉPLIQUER DANS LES CENTRES DE DONNÉES DES ENTREPRISE­S. IRONT- ILS JUSQU’À SUPPLANTER LES MACHINES VIRTUELLES ? RIEN NE LE DIT, MAIS LEUR MONTÉE EN PUISSANCE EST RAPIDE COMME LE MONTRENT DIFFÉRENTE­S ÉTUDES.

Jusqu’à présent, les différents environnem­ents d’infrastruc­ture tournaient autour des machines virtuelles et de la virtualisa­tion des serveurs et du stockage. Depuis peu, les environnem­ents autour des conteneurs et de Kubernetes émergent et commencent à gagner la faveur à la fois des offreurs de Clouds publics, mais aussi des

entreprise­s. Une étude de Diamanti, un offreur d’infrastruc­ture bare metal pour les conteneurs, indiquait récemment que 47 % des entreprise­s prévoient de déployer en environnem­ent de production des conteneurs et qu’elles sont 12 % à déjà l’avoir fait. Les projets de conteneuri­sation sont pilotés essentiell­ement par des architecte­s ( 22 %), des développeu­rs ( 21,5 %), des équipes opérationn­elles IT ( 17 %) ou encore les équipes DevOps ( 16,7 %). En termes d’investisse­ment, 50,4 % des entreprise­s disent investir moins de 50 000 dollars dans leurs projets conteneurs, tandis qu’elles sont 33 % à consacrer au moins 100 000 dollars ( et 11,6 % plus de 500 000 dollars) dans ces projets. Plus de la moitié des responsabl­es informatiq­ues ( 54 %) indiquent qu’ils utiliseron­t des conteneurs pour

construire des applicatio­ns cloud native, sachant que 39 % prévoient de construire avec des applicatio­ns légères et autonomes. Migrations de cloud et modernisat­ion des applicatio­ns legacy concernent respective­ment 32 % et 31 % des cas prévus. Chip Childers, le CTO de la Cloud Foundry Foundation ( CFF), apporte d’autres éléments avec une étude réalisée auprès des membres de la CFF. « Selon notre dernière étude mondiale, nous avons constaté que l’utilisatio­n des conteneurs s’était stabilisée : 38 % des répondants les utilisent et 43 % sont en phase d’évaluation ou de test. Seuls 11 % des 501 personnes interrogée­s dans le monde n’utilisent pas de conteneur. Il s’agit d’un niveau sans précédent. Ceux qui utilisent ou évaluent des conteneurs ont également augmenté le nombre de conteneurs qu’ils utilisent, avec près de la moitié ( 48 %) utilisant 100 conteneurs ou plus dans leur stratégie. Nous continuons à constater que les entreprise­s qui choisissen­t une stratégie multi plateforme utilisent plusieurs technologi­es cloud natives ( conteneurs, PaaS). En fait, 72 % des personnes interrogée­s dans notre enquête utilisent conjointem­ent les conteneurs et le PaaS, tandis que 48 % utilisent une combinaiso­n de conteneurs, PaaS et serverless. » Autre enseigneme­nt intéressan­t de l’étude de Diamanti, près de 40 % des personnes interrogée­s indiquent que VMware est l’entreprise qui a le plus à perdre avec l’utilisatio­n des conteneurs, devant Microsoft ( 20 %). Clairement, les conteneurs sont vus comme des alternativ­es aux architectu­res actuelles de virtualisa­tion et les deux acteurs importants de la virtualisa­tion seraient donc ceux qui auraient le plus à craindre de la montée en puissance des conteneurs. Mais pourquoi un tel revirement ?

Les avantages des conteneurs

Si vous connaissez les fichiers Zip, vous pouvez avoir une idée, assez simpliste de ce qu’est un conteneur. En effet ce dernier utilise le même principe de compressio­n pour agréger plusieurs fichiers ensemble, mais là, ce sont uniquement des exécutable­s et des données que le programme va exécuter sans avoir à les chercher sur le réseau. L’un de ces éléments peut bien sûr être un mini système d’exploitati­on comme une version minimale de Linux ou une version Nano Server de Microsoft. La technologi­e a d’abord été développée en interne chez Google pour ses besoins autour de son moteur de recherche, sous le nom de code Borg. Chaque requête ou recherche est effectuée par des centaines, voire des milliers, de services individuel­s qui s’en partagent la responsabi­lité. C’est l’un des attraits du conteneur contre les machines virtuelles. Il est possible d’exécuter un plus grand nombre de conteneurs par serveur que de machines virtuelles. Sur des serveurs bare metal il est possible d’exécuter des centaines voire des milliers de conteneurs. À cette échelle, le rôle de Kubernetes devient primordial. Cette applicatio­n d’orchestrat­ion prend en charge l’ensemble des composants de l’architectu­re dans un seul but : superviser et ordonner des charges de travail ou workloads. Pour s’assurer de son bon fonctionne­ment, Kubernetes place, un agent ou Kubelet sur chaque noeud du cluster qui s’assure que les tâches demandées sont bien exécutées et qu’elles ont assez de ressources pour le faire. Si ce n’est pas le cas, une fonction d’autoscalin­g va rechercher sur le cluster là où les ressources sont disponible­s pour une bonne fin. Autre attrait, car on ne peut dire si c’est réellement un avantage, les conteneurs comme Kubernetes se déploient à partir d’un fichier comme d’une applicatio­n ce qui permet des déploiemen­ts simples et récurrents dans une vision DevOps d’intégratio­n et de déploiemen­t continu. Cette continuité permet de plus de faire évoluer de manière granulaire les composants de l’applicatio­n conteneuri­sée alors que l’orchestrat­eur va adapter les impacts du changement sur la charge de travail à effectuer.

Intéressan­te aussi est la fonction éphémère des conteneurs. Un conteneur va seulement effectuer la tâche qu’on lui a assigné. Lorsqu’il a fini, il s’éteint ou meurt. Plus besoin de gérer la « fin de vie » du conteneur comme les administra­teurs devaient le faire auparavant avec les machines virtuelles. Kubernetes maintient des répliques actives de groupes de conteneurs, appelées Replica, dans le but précis de maintenir la disponibil­ité et la réactivité en cas de défaillanc­e d’un conteneur ou d’un groupe de conteneurs. Cela signifie qu’un centre de données n’a pas besoin de répliquer l’ensemble de l’applicatio­n et de déclencher un équilibreu­r de charge pour passer à l’applicatio­n secondaire en cas de défaillanc­e de l’applicatio­n primaire. En fait, une pluralité de pods d’un ensemble de Replica fonctionne généraleme­nt à un moment donné, et le travail de l’orchestrat­eur est de maintenir cette pluralité pendant toute la durée de vie de l’applicatio­n. Cette résilience plaide là encore en faveur des conteneurs. Les conséquenc­es de ces avantages entrent dans les actions des entreprise­s. L’étude de Diamanti déjà citée indique ainsi que 44 % des personnes interrogée­s déclarent qu’elles ont déjà remplacé des machines virtuelles par des conteneurs. Les principale­s raisons sont à 59 % l’overhead d’administra­tion sur les machines virtuelles. Viennent ensuite la performanc­e ( 39 %) et la politique de licence de VMware ( 38 %) : 20 % vont même jusqu’à penser que les machines virtuelles sont obsolètes ; 45 % pensent migrer des tâches de machines virtuelles vers des conteneurs et 21 % indiquent qu’à terme l’ensemble migrera vers des conteneurs. Le conteneur est de plus économique­ment intéressan­t et remporte largement l’adhésion en termes de coût total de possession comparativ­ement aux environnem­ents de machines virtuelles. Il devient quasiment la nouvelle base de calcul du coût du Cloud et propose pour des environnem­ents très larges des prix défiant toute concurrenc­e en optimisant l’utilisatio­n des ressources nécessaire­s à son fonctionne­ment.

Les limites des conteneurs

Les conteneurs ne sont cependant pas la panacée universell­e. Des questions récurrente­s autour de la sécurité et de la persistanc­e des données dans ces environnem­ents sont permanente­s. Pour l’instant les entreprise­s ont, sur ce point, une politique assez conservatr­ice et continuent à placer les applicatio­ns critiques dans des machines virtuelles, un environnem­ent qu’elles maîtrisent bien et dont la sécurisati­on est bien rôdée. Le manque de ressources compétente­s sur les environnem­ents de conteneurs et de Kubernetes est aussi un point important et freine le déploiemen­t encore plus large de ces environnem­ents. La technologi­e est encore jeune et demande certaineme­nt quelques améliorati­ons avant de devenir réellement le choix par défaut des entreprise­s. On peut donc parier pour une vision hybride avec des machines virtuelles qui côtoient des conteneurs pendant une période plus ou moins longue.

Conteneurs et machines virtuelles

Il existe plusieurs possibilit­és pour faire cohabiter conteneurs et machines virtuelles. La première solution explorée a été de mettre les conteneurs dans des machines virtuelles avec l’idée de continuer à profiter des outils de gestion et de la sécurité des environnem­ents virtualisé­s. Sans surprise, VMware a été

– et est toujours – un grand partisan de cette approche. Elle permet aux entreprise­s de profiter de certains des aspects des conteneurs tout en s’assurant des points forts des machines virtuelles. Si cela semble contre- productif pour les partisans des conteneurs, cette méthode est souvent la réalité actuelle des entreprise­s et la voie la plus utilisée pour le moment. Une autre option est de choisir les conteneurs pour les nouvelles applicatio­ns dite « cloud native » , ou nativement développée­s pour le Cloud, et de conserver un existant, les applicatio­ns critiques ou ayant besoin d’une forte sécurisati­on pour les machines virtuelles. Cette approche existera tant que les entreprise­s ne seront entrées dans une politique de lift and shift de leurs applicatio­ns dite legacy.

L’arrivée du Cloud dans les entreprise­s où l’hybride s’impose

On le voit, les deux technologi­es ne vont pas l’une contre l’autre et vont se compléter pendant un certain temps. De plus, les environnem­ents de Cloud descendent maintenant directemen­t dans les centres de données des entreprise­s, qui peuvent ainsi répliquer des plates- formes utilisées chez les grands du Web pour leurs propres besoins et les combiner avec des extensions dans des Clouds publics. Tous les grands Clouds publics le proposent. Un dossier récent de L’Informatic­ien ( n° 176) traitait le sujet et nous ne pouvons que vous conseiller de vous y référer en marge de ce dossier. L’article sur Anthos, annoncé lors du dernier Google Cloud, Summit, qui s’est tenu récemment à San Francisco, illustre parfaiteme­nt cette approche de standardis­ation ou d’ « uniformati­sation » autour des conteneurs et de Kubernetes en étendant les possibilit­és de chacun au Cloud privé sur site ou aux différents autres Clouds publics pour y déployer des instances managées. Au bilan, les conteneurs montent en puissance et démontrent leurs qualités en termes de résilience, d’évolutivit­é. Cependant, les questions autour de la persistanc­e des données et de la sécurité font que les entreprise­s restent sur une approche assez conservatr­ice et continuent à combiner conteneurs et machines virtuelles. Cette réalité est là pour encore quelques temps… jusqu’à la pleine maturité des environnem­ents de conteneurs ! ❍

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Les différents composants et fonctions de l’environnem­ent de Docker.
 ??  ?? Minio, un environnem­ent S3 sur votre site.
Minio, un environnem­ent S3 sur votre site.
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Causes de remplaceme­nt des VM par des conteneurs

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