L'Informaticien

GÉRER DE ELLES- MÊMES LES COUCHES BASSES NICOLAS BOITTIN

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Fondateur et PDG de l’opérateur régional Bretagne Télécom, Nicolas Boittin nous fait part de son analyse sur le marché du Cloud, de la 5G, des infrastruc­tures réseau. Des propos forts notamment sur les dangers des infrastruc­tures maintenues « On premise » et les investisse­ments dispendieu­x autour de la fibre optique.

POUVEZ- VOUS REVENIR SUR LA GENÈSE DE BRETAGNE TÉLÉCOM… ❚ Nicolas Boittin : Nous avons créé Bretagne Télécom en 2005 dans le but de créer un opérateur de services managés. En effet, j’ai fait le constat que c’était une hérésie que tout le monde achète des standards téléphoniq­ues, des serveurs, des firewalls alors que les technologi­es permettaie­nt une concentrat­ion et une mutualisat­ion de ces environnem­ents dans des configurat­ions beaucoup plus sécurisées, à savoir un data center. Treize ans après, l’entreprise emploie 70 collaborat­eurs, réalise 21 millions d’euros de chiffre d’affaires et 5,5 millions d’EBE. VOUS AFFIRMEZ QUE DE POURSUIVRE LE DÉVELOPPEM­ENT DES INFRASTRUC­TURES SUR SITE EST TOTALEMENT CONTREPROD­UCTIF VOIRE DANGEREUX. POUR QUELLES RAISONS ? ❚ N. B. : Le principal souci de la concentrat­ion de ce type d’informatio­n est que l’architectu­re que vous mettez en oeuvre doit être infaillibl­e. C’est relativeme­nt facile d’arriver à 80 % de fonctionne­ment – ce que l’on appelle la Qualité de Service ou QoS – mais de passer à 99,99, voire 99,999 % requiert beaucoup plus de travail et d’attention. C’est très difficile à mettre en oeuvre. Il faut les bons collaborat­eurs et les bons process. Nous nous sommes interrogés très tôt et avons été parmi les premiers opérateurs à être certifiés ISO 27001. OBTENIR LA CERTIFICAT­ION A ÉTÉ DIFFICILE ? ❚ N. B. : Non, nous n’avons pas eu trop de mal sur la 27001. Nous sommes partis de pratiqueme­nt zéro avec un petit nombre de collaborat­eurs. Quand vous êtes un groupe de 5 000 personnes, ou plus, c’est une catastroph­e, car le changement est absolument radical. Je plains les directeurs qualité de ces grands opérateurs, car les habitudes sont tellement prises que c’est très difficile de faire les changement­s. Dans notre cas, cela a été beaucoup plus facile et nous avons appliqué les process de la norme de manière rapide et salvatrice. C’est

aussi pour cela que notre périmètre d’action est vraiment large. Il faut faire attention avec cette norme car certains s’en réclament alors que cela ne concerne qu’une petite partie de leur activité. J’ajoute que cette qualificat­ion a rassuré nos clients. PUIS LA CERTIFICAT­ION HÉBERGEUR DE DONNÉES DE SANTÉ ( HDS) ? ❚ N. B. : Nous faisons partie des cinq hébergeurs en France à l’avoir obtenue. Il y a six domaines d’applicatio­ns. C’est une extension de la norme 27001 donc 95 % du travail était fait. Les contrôleur­s de Veritas qui sont intervenus ont été ravis de voir que cela fonctionna­it bien. Cela permet de toucher un nouveau secteur très vaste et d’apporter du crédit pour nos clients traditionn­els. C’EST ENCORE UN MARCHÉ À FORT DÉVELOPPEM­ENT ? ❚ N. B. : Le marché de la santé numérique sera de 400 milliards de dollars d’ici à trois ans, selon les données Gartner. Et les solutions comme les nôtres sont la clé. Laissez- moi prendre un exemple, qui n’est autre qu’un de nos clients. Il s’agit d’une société qui opère 1 000 camions et a trois personnes dans sa DSI. Un jour, il y a eu un énorme crash des infrastruc­tures et la société est passée à deux doigts du gouffre, car l’infra comme les équipes n’étaient pas bonnes et les données mal sauvegardé­es. Le risque financier lié à la perte de ses données dépendait donc de ces hommes. Dans notre cas, nous avons une responsabi­lité civile si nous nous trompons. Et nous faisons très attention à ne pas nous tromper, d’où ces normes, ces process. Aujourd’hui, c’est devenu une hérésie pour les entreprise­s de gérer ellesmêmes les couches basses. Une entreprise qui n’a plus d’informatiq­ue meurt. Dans le monde de la santé c’est encore plus critique. La sécurisati­on de la donnée est vitale. Il ne faut pas perdre les données. Et les gérer en interne est vraiment dangereux. Tout le monde s’excite sur la sûreté des données mais le risque est plus la perte que la fuite. Le marché est vraiment gigantesqu­e et on démarre juste aujourd’hui. Toutes ces données étaient sur papier il y a dix ans et on a aujourd’hui une accélérati­on du numérique. Les DSI ont un stress considérab­le. C’est la raison pour laquelle cela se développe si vite. VOUS EMPLOYEZ VOS PROPRES LIGNES RÉSEAU ENTRE DIFFÉRENTS SITES ? ❚ N. B. : Nous n’utilisons pas les liaisons des grands opérateurs. Nous fonctionno­ns sur des réseaux point à point, ce qui est beaucoup plus sécurisé. L’ensemble des paquets transités restent chez nous. Pour aller à l’extérieur, il faut passer au travers d’un très gros pare- feu très sécurisé. Nous sommes dans la centralisa­tion dans nos data centers. Cela commence souvent par de la voix sur IP chez nos clients et, très naturellem­ent, les clients envoient l’ensemble de leurs serveurs. De fait les besoins humains sont également limités par cette concentrat­ion. VOUS AVEZ RÉCEMMENT RÉALISÉ UNE LEVÉE DE FONDS DE 20 MILLIONS D’EUROS. QUELS EN SERONT LES USAGES ? ❚ N. B. : Nous avons réalisé quatre levées de fonds depuis la création et les investisse­urs ont fait de fortes plus- values. Pour cette dernière levée, nous avions besoin de ces fonds pour la croissance. Car les banques traditionn­elles ont un peu de mal à comprendre nos métiers. Lorsque vous signez un client à 1 000 € par mois, la première année il vous coûte 15 000 € ! Donc les banquiers ne comprennen­t pas bien nos business models. La conquête commercial­e coûte énormément et se finance très difficilem­ent. C’est un mal très français. Les anglo- saxons ont compris plus vite le récurrent, l’immatériel. Par ailleurs, il y a une forte concentrat­ion dans notre secteur et, pour échapper à une prise de contrôle externe, nous avons choisi une étape intermédia­ire. Nous nous sommes entourés de fonds d’investisse­ment qui ne demande pas une sortie à court terme. Le CMCIC et la BPI ont pris 10 % du capital chacun.

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2005 Création de Bretagne Télécom
 ??  ?? 2001- 2004 Business developmen­t EMEA chez ADC Telecommun­ications ( constructe­ur américain coté au NASDAQ fournisseu­r des opérateurs alternatif­s)
2001- 2004 Business developmen­t EMEA chez ADC Telecommun­ications ( constructe­ur américain coté au NASDAQ fournisseu­r des opérateurs alternatif­s)
 ??  ?? 1999- 2000 1re expérience profession­nelle chez Interdata, intégrateu­r parisien
1999- 2000 1re expérience profession­nelle chez Interdata, intégrateu­r parisien
 ??  ?? 1998 et avant Double compétence technique ( IUT GEII info) et commercial­e ( école de commerce à Angers)
1998 et avant Double compétence technique ( IUT GEII info) et commercial­e ( école de commerce à Angers)
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