ERP : le dernier bastion du « on- premise » va- t- il céder au Cloud ?
Déployés à prix d’or dans les années 1990/ 2000, les grands ERP semblaient un îlot de stabilité dans des systèmes d’information bousculés par la transformation digitale. Pourtant, la migration vers le Cloud semble inéluctable. Les éditeurs sont prêts, les DSI aussi. Il reste sans doute à convaincre les directions générales.
Application Ô combien critique pour le fonctionnement des entreprises, l’ERP est solidement installé dans le datacenter des entreprises ou, au pire, chez des infogérants. Pourtant les montées de versions difficiles, le besoin de renouveler régulièrement de coûteuses infrastructures techniques commencent à faire tousser les DSI alors que leurs applications de CRM, de Marketing Automation ou de RH, souscrites en mode Saas ne font plus parler d’elles. Une enquête CSA de 2018 montre que si le on- premise reste le modèle dominant ( 60 % des déploiements), les projets de nouveaux déploiements vont clairement vers le Cloud, qu’il s’agisse d’instances IaaS, de PaaS ou de SaaS. La sensibilité et la sécurité des données
Le géant allemand du logiciel a mis en place l’offre HANA Enterprise Cloud ( HEC) voici quatre ans, une offre qui permettait aux clients SAP de repositionner leurs licences SAP sur un PaaS, ou de passer au mode locatif : « Il s’agissait pour nous d’un scénario de transition, afin de permettre à nos clients de faire un “lift & shift” de leur ERP vers le Cloud, mais désormais la priorité est donnée à S4HANA public Cloud qui est une solution native » , explique Orlando Appell, directeur des services SAP France. La marque de luxe Burberry est la première grande entreprise à avoir adopté cette approche HEC pour pousser son ERP vers le Cloud. Plusieurs scénarios de migration sont alors possibles : certaines entreprises peuvent faire le choix de repartir de zéro, partir dans une approche Greenfield afin de tirer partie des nouveaux processus implémentés sur S4HANA et ne redévelopper qu’un faible nombre de spécifiques. L’autre approche, site Brownfield, consiste à repartir de l’existant. Le responsable SAP souligne qu’actuellement beaucoup de clients optent pour le Greenfield, notamment pour des logiques de filiales, de nouveau secteur ou de lancement d’activité et les clients tels que Intersport ou Group MOM – Materne Mont Blanc qui sont passé sous S4HANA, mais sur des architectures hybrides et non full- cloud.
Oracle veut bousculer SAP à l’occasion des migrations cloud
SAP défend ses positions, mais il est un éditeur qui rêve de le faire tomber de son trône de fer : c’est Oracle. L’objectif de Larry Ellison est de faire d’Oracle le n° 1 de l’ERP, « c’est son prochain défi avec la base de données autonome » , confie Karine Picard, VP Applications d’Oracle EMEA, qui détaille la stratégie du Californien : « Pour le volet applicatifs, notre stratégie est clairement d’aller vers le Cloud, nous avons
25 000 clients dans le Cloud public et 90 % de nos nouveaux clients optent pour le Cloud. » Désormais l’éditeur est dans une stratégie Cloudfirst dans le développement de ses applications, voire Cloud- only : « Pour le volet CRM avec Siebel, nous avons plus de 70 % de notre base installée qui est passée dans le Cloud. Les nouvelles applications CRM sont directement créées dans le Cloud, notamment pour les volets marketing, données, donc ce n’est plus de la migration. Côté RH, ce qui est le recrutement n’a pas de sens d’être on- premise. Pour les applications marketing, service, recrutement pour lesquelles on est à la deuxième génération du Cloud. » Tous les éditeurs ont entrepris la démarche de cloudifier leur portefeuille d’ERP et le Lyonnais Cegid a fait du Cloud le pivot de sa stratégie de reconquête de ce marché. L’éditeur dispose de trois offres à son catalogue XRP. L’entrée de gamme, Sage XRP Sprint est disponible en on- premise et en Saas. « Nous privilégions le Saas pour ce marché où nous comptons environ 6 000 clients » , explique Laurent Leenhardt, en charge de la division ERP de Cegid, « Nous voulons les voir aller vers le Saas et migrer vers cette offre XRP Sprint dans la continuité de notre gamme Y2. » Pour les entreprises de taille plus importante, Cegid propose XRP Ultimate, offre issue de l’acquisition de Qualiac en 2017. « Notre choix assumé est de ne proposer l’offre qu’en Saas. Paradoxalement, sur ce haut du marché, le passage au Cloud est moins au coeur des préoccupations, qu’il s’agisse des clients Qualiac ou de nos prospects. Il s’agit surtout d’offrir une ergonomie bien plus simple pour répondre à la grande hétérogénéité des utilisateurs d’ERP dans
Actuellement 90 % de notre base installée Oracle Applications est encore en mode on- premise Karine Picard, VP Applications Oracle EMEA
l’entreprise. » L’objectif de l’éditeur est de faire basculer ses clients XRP Ultimate en Saas à l’horizon 2020/ 21. Enfin, avec sa nouvelle offre XRP Flex, l’éditeur va plus loin dans la démarche puisqu’il s’agit d’une plate- forme cloud baptisée Acumatica sur laquelle des partenaires et éditeurs tiers vont pouvoir proposer des extensions à l’ERP.
Les PME, une cible de choix pour le SaaS
Grand rival du Français, Sage poursuit le même objectif de faire basculer ses clients dans le Cloud avec une double approche de solutions proposées à la fois en mode hosté ou en vrai Cloud. « Même si notre base installée est encore très largement on- premise » , explique Céline Bayle, Director Enterprise Market Solutions de Sage France, « les taux de croissance actuel des solutions cloud oscillent entre 20 et 40 %, selon le segment de marché. Bien évidemment, l’adoption du Cloud est très variable d’une entreprise à l’autre, notamment lorsqu’elle a effectué une grosse customisation sur son ERP, elle va avoir bien plus de mal à migrer vers le Cloud. » Tous les secteurs d’activité sont désormais touchés à des degrés divers par cette lame de fond du Cloud. Même l’industrie, secteur réputé pour sa prudence vis- à- vis de l’ouverture de son système d’information, s’intéresse au Cloud. « Depuis dix ans maintenant, nos solutions Sylob 5 et Sylob 9 sont nativement dans le Cloud car développée sur technologies web. Nous les proposions en formule hébergée, sous forme de VM dédiées. Depuis cette année, nous avons modernisé nos plates- formes et proposons notre gamme sur le Cloud public » , explique Fabrice Cayre, chef de produit chez Sylob. Si les objectifs de migration fixé par les éditeurs, compris entre 2020 et 2025 semblent quelque peu optimistes, nul doute que les ERP vont, tout comme les applications de CRM et RH l’ont déjà fait, prendre le chemin du Cloud. ❍