L'Informaticien

Edge Computing, le chaînon manquant entre l’objet connecté et le Cloud

- ALAIN CLAPAUD

Du simple microcontr­ôleur capable d’exécuter un algorithme D’IA jusqu’au conteneur maritime de 12 mètres, l’informatiq­ue se rapproche au plus près des sources de données. L’edge Computing s’impose comme le chaînon manquant entre l’objet connecté et le Cloud hyperscale.

Il est désormais acquis que l’internet des objets ( IOT) va devenir un marché colossal au cours des prochaines années. Les analystes ont multiplié les prédiction­s quant au nombre d’objets connectés que nous côtoierons dans notre environnem­ent : 80 milliards d’objets pour IDC en 2025, 500 milliards d’ici à 2030, selon Cisco. Mais comme pour toute ruée vers l’or qui se respecte, les seuls qui feront fortune, ce seront les vendeurs de pelles. Une toute récente étude de chez Boston Consulting Group prévoit que le marché de l’internet des objets atteindra 267 milliards de dollars dès 2020. Les fournisseu­rs cloud, AWS et Microsoft en tête, ont immédiatem­ent saisi cette manne en proposant des plates- formes pouvant collecter, stocker et traiter les données qui seront générées par ces milliards d’objets connectés.

Cette architectu­re centrée sur le Cloud public “hyperscale ” s’est rapidement heurtée à la réalité : connecter autant d’objets directemen­t aux applicatio­ns de l’entreprise via un réseau cellulaire ou même des réseaux dédiés à l’iot pose un certain

nombre de contrainte­s. D’une part les RSSI voient d’un extrêmemen­t mauvais oeil des terminaux localisés dans la nature, donc potentiell­ement aux mains d’un attaquant, communique­r avec leurs serveurs. Ceux- ci ont sans doute encore en tête le hacking d’un casino de Las Vegas en 2017 via un aquarium dont la pompe était connectée via Internet… Autre écueil, celui des télécommun­ications. Une architectu­re centrée sur un Cloud distant implique des temps de latence peu compatible au besoin de temps réel des process industriel­s et connecter des centaines de milliers d’objets via un réseau cellulaire à un coût financier mais aussi technique sur lequel il est impossible de faire l’impasse : en pratique, les puces GPRS ou 3G ne sont utilisable­s que sur des objets raccordés à une source d’énergie et quant aux réseaux de type Sigfox ou Lora, leur très faible débit utile les destine à des niches de marché ou à des applicatio­ns où il est possible de traiter et agréger la donnée avant de l’envoyer en central.

Le besoin de puissance de calcul glisse de plus en plus vers le terrain

L’idée d’insérer de la capacité de traitement entre l’objet connecté et le SI est en train de s’imposer et les annonces relative à l’edge Computing se sont multipliée­s ces derniers mois. Gartner estime qu’actuelleme­nt 10 % des données sont générées et traitées en dehors du datacenter. En 2022, cette proportion atteindra 50 %. Illustrati­on de ce déplacemen­t de la puissance de calcul du datacenter vers le terrain, l’exemple évoqué par Jean- Philippe Courtois, Executive Vice- President de Microsoft lors de la conférence Microsoft Envision à Paris, à la fin novembre 2019 « Starbucks connecte l’ensemble de ses machines à café. Il fallait s’appuyer jusqu’à alors sur des dizaines de milliers d’agents dans le monde pour intervenir sur ces machines, charger les nouvelles recettes avec des clés USB et dépanner ces machines. Celles- ci seront connectées sur Azure Edge pour faire de la maintenanc­e prédictive et de la personnali­sation par zone, par ville, par point de vente. » Microsoft propose aux entreprise­s le module Azure Sphere, rebranding du module Guardian 100 d’avnet et qui permet de disposer d’une puissance de calcul relativeme­nt importante ( SOC ARM avec un coeur Cortex A7 à 500 MHZ et deux coeurs Cortex M4F à 200 MHZ). Cette puissance suffit à appliquer un premier niveau de traitement aux données collectées avant leur envoi vers le Cloud Azure. De son côté, Amazon Web Services pousse son architectu­re AWS Greengrass auprès des constructe­urs de PC industriel­s notamment. Le champion du Cloud a mis en place des programmes de certificat­ion des matériels, notamment pour son architectu­re AWS Greengrass, mais aussi pour L’AWS Core et FREERTOS pour les industriel­s qui chercherai­ent un OS en vue d’implémente­r des fonctions Edge.

AWS est allé un peu plus loin en annonçant l’an dernier le lancement des AWS Snowball. Ce qui ne semblait qu’une solution hardware de transfert de données s’est mué en véritable solution Edge, avec des boîtiers durcis hébergeant une puissance de 52 CPU virtuelles, 208 Go de mémoire, 42 To de stockage compatible S3 et 7,68 To de SSD NVME. Largement de quoi positionne­r les instances standard AWS en local et donc monter un mini- Cloud AWS derrière le firewall de l’entreprise. L’ogre Amazon compte aller plus loin encore et proposer avec ses racks

Outposts son propre design d’infrastruc­ture pour installer un Cloud AWS natif ou Vmware Cloud on AWS dans les locaux de l’entreprise.

L’IA pousse vers un accroissem­ent de la puissance informatiq­ue

L’essor de l’intelligen­ce artificiel­le va sans nul doute renforcer ce besoin en puissance de traitement pour les données IOT. Beaucoup d’acteurs du marché ont dû prendre position depuis les annonces de Google lors de la Next 2018, conférence pendant laquelle Google avait dévoilé Edge TPU. Google construisa­it déjà des circuits ASIC dédiés au Machine Learning pour ses datacenter­s, les Cloud TPU, mais avec l’edge TPU, l’américain proposait alors une puce D’IA conçue spécifique­ment pour être embarquée dans les objets connectés. Cette solution hardware était couplée à une infrastruc­ture logicielle adaptée à des communicat­ions intégrant une couche Edge entre les capteurs et le Cloud Google. Certains comme Intel ou Nvidia proposent aujourd’hui des puces « light » ou même ultra- light dans le cas de Cartesiam capables de faire tourner

des inférences de Machine Learning sur de simples microcontr­ôleurs à quelques centimes d’euros. De son côté, Intel dispose de trois gammes de puces pour exécuter des inférences de Machine Learning, depuis l’objet connecté jusqu’au datacenter, pour reprendre une image de Tristan Bouchoux, Vision Sales Manager EMEA chez Intel. « Pour exécuter L’IA au plus près des capteurs, nous avons les puces Movidius qui vont pouvoir être intégrées directemen­t dans une caméra, par exemple. Néanmoins, le plus gros du marché de ces puces D’IA se situe aujourd’hui au niveau gateway. Il s’agit alors de processeur­s traditionn­els de type Atom/ Core/ Xeon avec éventuelle­ment une carte d’accélérati­on Movidius ou FPGA pour avoir plus de performanc­e dans l’exécution des inférences. Enfin, on peut faire tourner des inférences dans le datacenter, ce sera alors essentiell­ement sur Xeon, FPGA ou sur Nervana, un Neural Network Processor dédié à cette tâche. »

L’hyperconve­rgé, le meilleur ami d’une infrastruc­ture Edge

Face à cette montée du besoin de machines conçues pour l’edge Computing, tous les constructe­urs de serveurs ont désormais des gammes Edge à leur catalogue. En bon constructe­ur généralist­e, Dell propose une gamme de PC industriel­s, les Dell Edge Gateway, mais l’américain compte accélérer. En 2017, Michael Dell annonçait la création d’une division IOT dotée de 1 milliard de dollars de budget. Un an plus tard, le Texan annonçait un partenaria­t avec Microsoft sur les plates- formes IOT Edge.

Nutanix pousse de son côté son architectu­re hyperconve­rgée sur le marché Edge. La flexibilit­é de l’approche hyperconve­rgée se prête plutôt bien à des sites distants, notamment par sa capacité à industrial­iser l’administra­tion des plates- formes et le déploiemen­t de conteneurs applicatif­s et provisionn­er/ déprovisio­nner les ressources de calcul et de stockage à distance. La solution Nutanix a notamment été choisie par Compass Group pour déployer ses bornes automatiqu­es à reconnaiss­ance d’image dans ses restaurant­s, des systèmes Smart Checkout qui communique­nt avec une appliance Nutanix installée dans chaque restaurant pour garantir une performanc­e et donc une expérience client optimale. « C’est un cas d’usage très avancé et ils sont parvenus à réinventer l’expérience client grâce à l’iot, une expérience qui n’était pas possible auparavant » , a expliqué Satyam Vahani, vice- président pour l’iot et L’IA chez Nutanix lors de Nutanix 2019 . NEXT. Pour susciter ce type de projets chez ses clients, le spécialist­e de l’hyperconve­rgé a créé une plate- forme de développem­ent rapide dédiée à l’iot appelée Xi IOT Cloud Instance. « Il s’agit d’une part d’une instance dans le Cloud, mais toutes les applicatio­ns écrites sur le Paas Xi IOT peut s’exécuter indifférem­ment dans le Cloud ou sur n’importe quel appliance Edge. »

De son côté, HPE a choisi de dédier sa conférence annuelle Discover 2019 au thème du Edge Computing. Lors de sa keynote, Antonio Neri, CEO D’HPE, soulignait que « L’approche Edge consiste à utiliser la technologi­e et les Data pour faire le lien entre le monde physique et le monde digital afin de personnali­ser l’expérience client, automatise­r le travail des employés, introduire le digital dans les salles de classe, et au final générer des résultats business pour votre marque. Nous pensons que cela n’est possible que de manière intégrée au Cloud et sécurisée. Le Edge doit fonctionne­r en harmonie avec le Cloud. » Lors de cet événement, le Californie­n a ainsi multiplié les annonces autour du Edge Computing. Aruba Central devient une solution de gestion des réseaux et des accès, mais assure aussi la sécurité des terminaux connectés

en Edge. Dans le secteur industriel, HPE mise aussi sur son partenaria­t avec ABB BB et l’intégratio­n entre les points d’accès Aruba et la technologi­e ABB Ability Smart Sensor pour proposer poser une solution de connectivi­té des objets connectés à la fois sécurisée curisée et capable de monter en charge. harge. HPE s’est en outre appuyé sur ur ABB, Microsoft et Rittal pour créer r le Secure Edge Data Center for Microsoft soft Azure Stack, une appliance qui est t en fait un micro- datacenter prêt à l’emploi. emploi. L’objectif est de déployer cette e appliance qui va exécuter le stack Microsoft icrosoft Azure sur des sites industriel­s ou des filiales qui ne disposent pas de e datacenter­s et de lien internet performant. mant.

S’il existait déjà éjà des micro- datacenter­s depuis uis quelques années déjà, selon les analystes l’essor du Edge Computing remet ses solutions au goût du jour. Selon le cabinet 451 Research, le marché des micro- datacenter­s modulaires devrait connaître un taux de croissance supérieur à 50 % pendant les trois prochaines années du fait des déploiemen­ts d’infrastruc­tures 5G ainsi que la convergenc­e entre OT et IT. HPE et Rittal proposent des micro- datacenter­s pour ce marché Edge, tout comme Schneider Electric/ APC, Legrand, Effirack qui proposent des enceintes de quelques U à installer dans un Open Space ou les locaux techniques. D’autres proposent de véritables conteneurs maritimes, des équipement­s pouvant être déployés en extérieur, sur un chantier ou le parking d’une usine. Schneider Electric ou encore les constructe­urs de datacenter­s tels que le Français Marylin Vertiv ( ex- Emerson Network Power) ou Modulo- C assemblent ainsi des conteneurs pouvant contenir plusieurs racks lorsque le besoin en stockage et traitement est important. De la puce de quelques millimètre­s de côté jusqu’au micro- datacenter en conteneur, l’edge Computing sera partout et l’idée d’informatiq­ue pervasive ou ubiquitair­e imaginée par les chercheurs dans les années 90 se matérialis­e aujourd’hui. ✖

 ??  ?? Positionné entre le Cloud et les objets connectés, les sources de données, le positionne­ment de l’edge Computing est désormais bien connu. Cette architectu­re va néanmoins varier selon le niveau d’intelligen­ce et la capacité de traitement que l’on va pouvoir injecter dans les objets connectés eux- mêmes.
Positionné entre le Cloud et les objets connectés, les sources de données, le positionne­ment de l’edge Computing est désormais bien connu. Cette architectu­re va néanmoins varier selon le niveau d’intelligen­ce et la capacité de traitement que l’on va pouvoir injecter dans les objets connectés eux- mêmes.
 ??  ?? La technologi­e de Cartesiam est certaineme­nt ce qu’on fait de plus compact comme architectu­re Edge puisque, avec sa technologi­e Nanoedge, le Français parvient à exécuter l’inférence d’un modèle de Machine learning sur un simple microcontr­ôleur !
La technologi­e de Cartesiam est certaineme­nt ce qu’on fait de plus compact comme architectu­re Edge puisque, avec sa technologi­e Nanoedge, le Français parvient à exécuter l’inférence d’un modèle de Machine learning sur un simple microcontr­ôleur !
 ??  ?? Olivia Burgess, Senior IOT Marketing Manager de Microsoft, a dévoilé la stratégie IOT de Starbucks lors de la conférence Build en juin 2019, avec des boîtiers communican­ts installés sur les machines à café afin de remonter des données vers le Cloud Microsoft Azure.
Olivia Burgess, Senior IOT Marketing Manager de Microsoft, a dévoilé la stratégie IOT de Starbucks lors de la conférence Build en juin 2019, avec des boîtiers communican­ts installés sur les machines à café afin de remonter des données vers le Cloud Microsoft Azure.
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 ??  ?? Avnet assure pour Microsoft la fabricatio­n des modules Secure Edge avec une puce qui embarque le stack Microsoft sur Linux et qui permet un échange de données sécurisé avec le Cloud Azure.
Avnet assure pour Microsoft la fabricatio­n des modules Secure Edge avec une puce qui embarque le stack Microsoft sur Linux et qui permet un échange de données sécurisé avec le Cloud Azure.
 ??  ?? Les constructe­urs de PC industriel­s commencent à afficher la compatibil­ité avec AWS Greengrass ou Azure IOT Edge sur leurs équipement­s.
Les constructe­urs de PC industriel­s commencent à afficher la compatibil­ité avec AWS Greengrass ou Azure IOT Edge sur leurs équipement­s.
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 ??  ?? Avec le SEDC ( Secure Edge Data Center), ABB, HPE et Rittal proposent aux industriel­s un micro datacenter conçu pour les usages Edge Computing.
Avec le SEDC ( Secure Edge Data Center), ABB, HPE et Rittal proposent aux industriel­s un micro datacenter conçu pour les usages Edge Computing.
 ??  ?? Lors de Microsoft Ignite 2019, HPE a mis en avant son Edgeline 8000 Converged Edge System ( EL8000), dernier avatar de la gamme Edgeline que son châssis durci destine à des déploiemen­ts sur le terrain. Cette machine peut accueillir Azure Stack HIC, ce qui va permettre de provisionn­er des ressources Azure sur cette infrastruc­ture hyperconve­rgée en local.
Lors de Microsoft Ignite 2019, HPE a mis en avant son Edgeline 8000 Converged Edge System ( EL8000), dernier avatar de la gamme Edgeline que son châssis durci destine à des déploiemen­ts sur le terrain. Cette machine peut accueillir Azure Stack HIC, ce qui va permettre de provisionn­er des ressources Azure sur cette infrastruc­ture hyperconve­rgée en local.
 ??  ?? Le spécialist­e des restaurant­s d’entreprise Compass Group appuie le déploiemen­t de ses bornes à reconnaiss­ance automatiqu­e des plats sur une infrastruc­ture Edge consistant en une appliance Nutanix installée dans chaque restaurant pour centralise­r les données générées par les différente­s bornes installées dans l’établissem­ent.
Le spécialist­e des restaurant­s d’entreprise Compass Group appuie le déploiemen­t de ses bornes à reconnaiss­ance automatiqu­e des plats sur une infrastruc­ture Edge consistant en une appliance Nutanix installée dans chaque restaurant pour centralise­r les données générées par les différente­s bornes installées dans l’établissem­ent.

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