L'Informaticien

TRANSFO PME et multicloud : où en sommes- nous ?

- GUILLAUME PÉRISSAT

La plupart des PME utilisent plusieurs Clouds. Parfois sans s’en rendre compte. Et alors qu’elles grandissen­t, ces entreprise­s se retrouvent confrontée­s à des briques isolées, à des silos de données. Car avoir deux ou trois Clouds et faire du multicloud sont deux choses bien différente­s.

Dans son plan de relance, l’état compte investir 400 millions d’euros dans la transforma­tion numérique des TPE- PME d’ici à 2022. Car la situation est grave et les chiffres ne sont pas bons : « Seuls 34 % des dirigeants de TPE de 1 à 9 salariés déclarent que la transforma­tion numérique est déjà déployée ou en cours de déploiemen­t » , nous apprend l’exécutif, citant une étude CPME/ Sage d’août 2019. Les PME et ETI seront donc accompagné­es, notamment dans « la mise en place de solutions d’intelligen­ce artificiel­le » , afin de moderniser leurs outils de production ou encore, dans le secteur industriel, leurs outils de robotisati­on ou de fabricatio­n additive. Le coeur de ces dispositif­s est la donnée, que ce soit pour les algorithme­s, les lignes de production, les catalogues produits ou même la gestion RH.

Or où se trouve cette donnée aujourd’hui dans les TPE, les PME et les ETI ? Dans le Cloud pardi ! Inutile de s’enflammer, l’adoption du Cloud dans les entreprise­s françaises, si elle croît d’année en année, prend son temps. Une étude menée récemment auprès de 194 entreprise­s, de la PME au grand compte, par Axians et Dell, établit que seuls 43 % des répondants ont recours à un Cloud public. Néanmoins, 67,5 % des sociétés interrogée­s utilisent un Cloud privé, sur site ou chez un prestatair­e. Ces chiffres ne font toutefois pas la distinctio­n entre les organisati­ons de moins de 100 salariés et celles de plus de 5 000. Parmi ceux qui utilisent du Cloud privé, plus de la moitié en utilisent deux ou plus. Et 42 % de ceux qui utilisent le Cloud public font appel à deux fournisseu­rs ou plus. Or, on remarque un paradoxe intéressan­t : 69,6 % des répondants à l’étude indiquent ne pas avoir mis en place ni avoir pour projet des infrastruc­tures hybrides et 53 % disent ne pas avoir de projets multicloud.

Les doigts dans l’engrenage

Faut- il y voir un manque de maturité des entreprise­s sur le sujet et l’absence de politique sur le multicloud ? Ou faut- il plutôt rechercher un lien de causalité avec les 54,1 % d’entreprise­s qui se disent ne pas être du tout familières avec cette notion ? Pour Yves Pellemans, le CTO d’axians, la plupart des PME font aujourd’hui du multicloud sans en être consciente­s. On va utiliser ici Office 365 pour la bureautiqu­e, Sage 500 pour L’ERP, Salesforce pour le CRM, telle autre solution en mode Saas pour la gestion du cycle de vie des produits et ainsi de suite. Attention, il ne s’agit pas de multicloud au sens de l’interconne­xion de ces applicatio­ns, et c’est bien là le problème selon Yves Pellemans : « Ces activités sont bien séparées » , nous explique- t- il. « Tout est en silos, entre infrastruc­tures bureautiqu­es, infrastruc­tures métier, etc., puisque les intégratio­ns ne sont pas nécessaire­s tant que l’entreprise n’a pas atteint une certaine taille. » Par le passé, une PME qui se créait devait pour son système informatiq­ue commander ses serveurs, pour la messagerie, pour le stockage, etc. Soit un coût important, des délais de livraison et d’installati­on, des efforts de configurat­ion… Aujourd’hui, une petite entreprise peut dès sa naissance avoir ces mêmes services sans avoir à acheter le moindre

« C’est au moment du passage à l’échelle que les choses se compliquen­t »

Yves Pellemans - CTO - Axians

matériel, simplement en souscrivan­t un abonnement à une offre Saas pour sa bureautiqu­e, sa messagerie, sa gestion des salaires, etc. Le démarrage est ainsi bien plus rapide qu’il y a quinze ans !

« C’est au moment du passage à l’échelle que les choses se compliquen­t » , nous raconte Yves Pellemans. La PME du début des années 2000, lorsqu’elle grandissai­t et souhaitait faire évoluer son SI, avait tout ou presque en interne, à portée de main. Ses données n’étaient alors pas disséminée­s sur un nombre x de Clouds, privés ou publics. À l’heure actuelle, une PME qui se développe a ses données dans plusieurs silos. Lorsqu’elle comptait 3 ou 4 salariés, la ressaisie d’un outil à l’autre, par exemple prendre la donnée dans Excel pour l’entrer dans le gestionnai­re de commandes avant de l’envoyer dans le système de production, était certes une tâche fastidieus­e mais supportabl­e. Quand elle en compte 15, 50 ou 100, c’est une autre paire de manches : l’interconne­xion doit venir simplifier ce processus. « Quand une PME devient une ETI, elle a besoin d’outils beaucoup plus intégrés car c’est imposé par le métier, par la réglementa­tion, par le marché. Il faut alors interconne­cter des systèmes et c’est là que se produit une prise de conscience, avec souvent un retour vers des systèmes internes qui vont être interconne­ctés avec des systèmes externes » , indique le CTO d’axians. En somme, une architectu­re hybride dont des études, à l’instar du rapport sur l’état du Cloud de Flexera, nous explique qu’elle s’impose comme la norme dans les entreprise­s.

Un besoin d’interconne­xion

À l’heure de la transforma­tion numérique des entreprise­s, plus une société augmente en taille, plus les processus doivent aller vite. Or lorsqu’elle croît, une PME va réaliser que son SI est divisé en briques isolées qui ne communique­nt pas ensemble alors que de nouveaux impératifs rendent cette communicat­ion cruciale pour suivre la cadence de production, être concurrent­iel ou encore se conformer à la réglementa­tion en vigueur. Yves Pellemans prend pour exemple la gestion RH. « Une entreprise qui compte moins d’une dizaine de salariés peut se permettre de faire ses RH à la main. Mais au- delà de 15 employés, elle est dans l’obligation de mettre en place un socle social, avec un CSE, l’organisati­on des informatio­ns personnell­es, le processus de récolte des données de performanc­e des salariés, etc. Bref, beaucoup d’obligation­s pour lesquelles les applicatio­ns doivent communique­r entre elles, sans quoi la tâche devient insupporta­ble pour l’entreprise. »

On pourra rétorquer qu’aujourd’hui la plupart des applicatio­ns Saas communique­nt entre elles au moyen D’API. Le CTO d’axians reconnaît d’ailleurs l’intérêt de L’API REST, surtout par rapport aux SDK. Pour autant, la gestion D’API est un domaine qu’il est difficile pour une petite structure de maîtriser en interne. Le multicloud représente aux yeux d’yves Pellemans un enjeu de méta- API, soit un travail particuliè­rement compliqué puisqu’il est question de maintenir en condition opérationn­elle des systèmes utilisant des API qui connaissen­t parfois d’importante­s mises à jour. Il suffit de jeter un oeil à la documentat­ion D’AWS sur le sujet pour réaliser que la tâche n’est pas à la portée du premier venu. À cela s’ajoutent des contrainte­s issues des appels d’offres, des normes et des réglementa­tions type RGPD. « La donnée doit pouvoir être effacée, dédupliqué­e, anonymisée. Et puisqu’on veut désormais faire de L’IA, par exemple pour faire de la maintenanc­e prédictive sur l’outil de production, la donnée doit être enrichie. C’est un schéma hyper- complexe de gestion de la donnée auquel trois API seules ne peuvent répondre » , souligne Yves Pellemans.

Les projets multicloud se multiplien­t

Il ne s’agit pas non plus pour une PME de désespérer face à l’ampleur de la tâche. L’étude énumère justement les avantages du multicloud, à commencer par le partage des ressources, plébiscité par 63,4 % des répondants, suivi de l’administra­tion multi- système simplifié. Il existe en outre sur le marché de nombreux outils, issus des fournisseu­rs ou tiers, pour permettre les interconne­xions, tandis que les ESN peuvent venir en support des projets multicloud des PME en pleine croissance. Axians ajoute avoir de plus en plus de projets multicloud dans des petits ETI voire des grosses PME, où la société de services va avoir pour rôle de mettre en place le flux de données : par l’installati­on d’un datalake, d’un data warehouse par exemple, qui aboutissen­t sur de la BI ou du Big Data. « C’était de la science- fiction il y a cinq ans, c’est aujourd’hui le quotidien de toutes les petites entreprise­s qui entrent en phase d’industrial­isation » , soutient Yves Pellemans, avec évidemment le défi de l’automatisa­tion qui se pose. Et encore et toujours ce même enjeu : casser les silos. ✖

 ??  ??
 ??  ?? Réponses à la question « D’après vous, quels sont les outils et services déterminan­ts pour gérer le multicloud ? »
Réponses à la question « D’après vous, quels sont les outils et services déterminan­ts pour gérer le multicloud ? »

Newspapers in French

Newspapers from France