L’open data, ce service public qui s’ignore encore
La crise du coronavirus a, par deux fois, poussé le gouvernement à rendre publiques des données relatives à l’épidémie. C’est le résultat d’un « partenariat » entre l’administration et la société civile. Avec en ligne de mire, un enjeu autour de sa reconnaissance comme service public.
Le 9 mars, Santé Publique France annonçait « cinq nouveaux indicateurs sur la circulation des variants au Covid- 19 pour assurer au plus près la surveillance de l’épidémie dans un contexte de prévalence de ces derniers » . Trois portent sur l’origine de nouveaux coronavirus attribués à la Grande- Bretagne, au Brésil ou encore à l’afrique du Sud. Pour la deuxième fois, le gouvernement faisait un pas supplémentaire vers l’open data. Dans le cas des variants, cela faisait six semaines que Gui l laume Rozier, jeune data- analyst de 24 ans et fondateur de Covidtracker, le réclamait. Une victoire pour le Savoyard, vraisemblablement à l’origine de l’ouverture des données de vaccination à l’open data, en janvier dernier, qu’il réclamait pour alimenter son outil Vaccintracker.
Alors qu’il réclame l’ouverture des données de vaccination au gouvernement, ces données lui ont été envoyées sur Telegram, une application aux conversations cryptées. Pas du goût de Guillaume Rozier qui annonce sur Twitter ne plus alimenter son site tant qu’elles ne seront pas rendues publiques. Le soir même, elles l’étaient. Guillaume Rozier refuse d’y voir un lien de causalité.
Sur Twitter, il se fait régulièrement le défenseur de l’open data et incite le gouvernement à accélérer. Le 28 mars encore, il demande à ce que le ministère de l’éducation nationale mette les données sur les cas confirmés d’élèves et de personnels au Covid et sur les fermetures de classes sur datagouv. fr, le site officiel du gouvernement.
« L’état fait la chose qu’il est le seul à pouvoir faire, à savoir stocker et collecter des données de santé. Ensuite, les citoyens peuvent s’emparer de ces données et en faire des outils, analyses et compléter les manques. C’est peut- être le fonctionnement naturel de l’open data » , tente Guillaume Rozier qui reconnaît volontiers ne pas comprendre pourquoi l’état ne va pas plus vite sur la question. Contactée, la Direction interministérielle du numérique ( Dinum) loue cette « réelle collaboration » entre la société civile et l’administration. D’autant qu’il n’est pas le seul à plaider pour une plus large ouverture des données.
« Une priorité gouvernementale » , affirme la Dinum
En décembre dernier, la mission Bothorel – du nom du député LREM Éric Bothorel – rendait son rapport intitulé « Pour une politique publique de la donnée » avec comme phrase introductive : « La France a besoin de plus d’ouverture » . Dans les 215 pages figurent 37 recommandations pour accélérer la démocratisation et la massification de l’open data. Trois poussent vers le vieux serpent de mer réactivé, entre autres, par Guillaume Rozier : l’open data comme service public. Et pourtant. L’état français a bien avancé sur la question. « L’open data est une priorité gouvernementale » , nous indique la Dinum. Aujourd’hui de nombreux secteurs se sont ouverts à l’open data comme les transports en commun. En octobre 2020, 589 collectivités territoriales publiaient des données en open data, selon la Dinum, alors que Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, a annoncé l’ouverture de 60 jeux de données et codes source en 2021.
Le « manque d’acculturation au sein même des administrations » , l’ouverture à des données de mauvaise qualité ou la présence d’un matériel informatique obsolète sont autant de freins identifiés par la Dinum pour expliquer l’état actuel de l’open data en France. « L’ouverture des données doit encore être accélérée dans de nombreuses administrations » , reconnaît- elle. L’état pourrait faire beaucoup plus. Et plus vite. Même si, paradoxalement, dans le cas de l’épidémie, l’exploitation des données publiques a plutôt bien fonctionné.
« Si on fait un constat, nous avons un meilleur suivi de l’épidémie que la Grande- Bretagne et l’italie malgré des outils officiels moins bons » , à en croire Guillaume Rozier pour lequel l’open data a permis le maintien d’une dynamique citoyenne. ✖