L'Informaticien

Smart Stations : avec l’iot, les gares deviennent plus intelligen­tes

- GUILLAUME PÉRISSAT

La SNCF, alliée à Vertuoz, une filiale d’engie, a pour projet de déployer massivemen­t des réseaux IOT dans ses gares. L’objectif est d’automatise­r et centralise­r la surveillan­ce des équipement­s, afin d’améliorer in fine la qualité du service aux usagers. Après une phase pilote qui s’achève, Smart Stations est sur le point de passer à l’industrial­isation.

Voilà un petit moment maintenant que la SNCF a pris le train du numérique. Les usagers ont désormais accès, peu ou prou, au Wifi gratuit dans toutes les gares de France et de Navarre, ainsi qu’à diverses applicatio­ns mobiles. Les agents du géant du rail ne sont pas en reste avec une panoplie d’outils divers et variés servant notamment au partage de l’informatio­n. On pourra citer l’applicatio­n Bulldozair, de la start- up éponyme, déployée auprès d’agents de la SNCF en 2016. Laquelle permet de collaborer autour de photograph­ies de chantiers et de plans. De même, la connectivi­té accrue des gares a permis à la branche Gares & Connexions de la SNCF d’optimiser nombre de ses activités, par exemple la maintenanc­e des portes automatiqu­es ou encore des ascenseurs en gare en les dotant de capteurs.

Mais voilà, les nombreux objets connectés en gare ont été déployés « de façon un peu disparate » , nous explique Yann Keribin, directeur Facilty Management chez SNCF Gares & Connexions. « Il y a une volonté d’avancer qui transparaî­t à travers ces premières actions, et également de répondre à un besoin client d’avoir des gares plus modernes. »

En 2018 s’impose la vision d’un déploiemen­t plus homogène des technologi­es à travers un projet de Gares & Connexions : « Smart Stations » . L’initiative a pour dessein de créer un

« Dans la gare, on a besoin d’une performanc­e client toujours plus grande et on réalise que l’iot apporte une réponse en termes de réactivité, de qualité de service »

Yann Keribin – directeur Facility Management de SNCF Gares & Connexions

système de supervisio­n centralisé afin d’améliorer la disponibil­ité des équipement­s en gare et, par extension, la qualité du service fourni au voyageur.

579 gares « smart »

La filiale de la SNCF va retenir un certain nombre de cas d’usages des équipement­s connectés autour de la satisfacti­on du client ainsi que de sites, 579 sur les 3 000 gares qu’opèrent Gares & Connexions, concentran­t 85 % des flux de voyageurs. « Dès lors, Gares & Connexions n’est pas un profession­nel du métier, il nous fallait nous associer à un partenaire industriel » , continue Yann Keribin. C’est à Vertuoz, le bras armé technique d’engie Solutions dans le smart building, que la SNCF s’associe en juin 2020 pour démarrer une phase pilote. Le projet se déploie dans sept gares « test » dans le Nord et l’est de la France, à l’instar de Charmes dans les Vosges, de Beauvais dans l’oise ou encore de Thionville en Moselle. Il s’agit de petites et moyennes gares. Le huitième site pilote est quant à lui d’une toute autre envergure : Lille Flandres. Une gare dite « blackout » dans le jargon des cheminots, à savoir qu’elle est critique et ne saurait souffrir d’interrupti­on de services. Un audit et des études de conception à l’été 2020 permettent d’établir des diagnostic­s pour chacun des sites, en tenant compte des différente­s typologies de gares et des travaux à y mener.

Connectivi­té

Vient ensuite le déploiemen­t de capteurs IOT, mais aussi l’interconne­xion avec les logiciels et les équipement­s déjà installés. « On a une couche d’intégratio­n par API sur les logiciels métier utilisés en gare, plus des capteurs divers et variés sur les ascenseurs, les installati­ons électrique­s, les portes automatiqu­es… » , indique Nicolas Blandin, directeur commercial et marketing de Vertuoz. « Tout l’enjeu consiste a identifier les secteurs de sorte à industrial­iser dans chaque gare en fonction de l’existant. Et ce à partir des cas d’usages, certains connus, inclus dans le cahier des charges et déjà implémenté­s dans le projet, d’autres qui sont encore à découvrir. Smart Station n’est pas figée, elle sera amenée à évoluer. » L’ensemble des données collectées en gare, soit quelque 11 600 points de données, alimentera une applicatio­n de supervisio­n, baptisée elle aussi Smart Station. En cours de développem­ent et disponible à la fin de l’année, celle- ci a été conçue avec l’entreprise

Graphic Stream. Elle affiche sur smartphone, desktop et tablette une représenta­tion 3D de la gare, les incidents et les lieux où ils se produisent afin que les agents puissent visualiser les zones où intervenir. Mais avant que les données ne remontent jusqu’à l’applicatio­n se posait un enjeu technique : les gares sont différente­s les unes des autres, les sites sont très hétérogène­s et n’offrent pas tous, selon la taille et le type, les mêmes systèmes de connectivi­té. Vertuoz et Gares & Connexions ont mis en commun leur savoir- faire respectif pour aboutir à un « coffret de connectivi­té » , dit « coffret Smart Station » , un boîtier qui « intègre l’ensemble des éléments de mesure et de connectivi­té, filaire ou non filaire, voire mixte » , précise Nicolas Blandin. À noter que la partie sans fil repose sur le réseau IOT LORA, le tout avec des éléments télécom de backup 4G et/ ou LORAWAN. Ainsi, les données remontent à travers le coffret vers un Cloud dédié, hébergé sur Microsoft Azure

Centralise­r pour mieux superviser

« Avec plus de 11 000 points de données et 2 000 agents SNCF utilisateu­rs, le projet pose un enjeu Big Data et un enjeu stratégiqu­e d’efficacité opérationn­elle de la gare, qui étaient compris dans le cahier des charges » , souligne le directeur commercial de Vertuoz. « Ainsi on va avoir une

« Avec plus de 11 000 points de données et 2 000 agents SNCF utilisateu­rs, le projet pose un enjeu Big Data et un enjeu stratégiqu­e d’efficacité opérationn­elle de la gare » Nicolas Blandin – directeur commercial et marketing de Vertuoz, Engie Solutions

première couche, sur le terrain, très prégnante avec un besoin d’amener la data à travers les capteurs. Vient ensuite une deuxième couche d’interfaçag­e avec les outils déjà déployés par Gares & Connexions. Au- dessus, une couche de traitement et de centralisa­tion de la donnée qui vient alimenter une couche de supervisio­n avec l’applicatio­n 3D de modélisati­on graphique pour l’ensemble des gares. » Le tout aboutissan­t, pour les agents de la SNCF, à une informatio­n centralisé­e en temps réel qui ne requiert par d’avoir une maîtrise en informatiq­ue. « La valeur de ce projet IOT, c’est bien la centralisa­tion. Nous avons déjà des systèmes diversifié­s en place dans les gares et qui aboutissen­t à des visions silotés. Ici, il s’agit d’une vision d’ensemble, en concentran­t la donnée dans ce coffret Smart Station pour la visualiser depuis un seul point » , précise Éric Tardiveau, directeur des Projets FM – directeur adjoint Facility Management SNCF Gares & Connexions. Trois types d’acteurs vont directemen­t bénéficier de Smart Station. Tout d’abord l’exploitant de la gare, pour lequel la supervisio­n centralisé­e aidera à la prise de décision en matière d’interventi­ons et de maintenanc­e, une meilleure visualisat­ion permettant un travail d’arbitrage accéléré entre ce qui relève de la simple informatio­n et ce qui constitue une alerte nécessitan­t l’interventi­on du mainteneur. « La températur­e dans les locaux techniques, qui sont des points sensibles, est un bon cas d’usage. On ne va pas déclencher

d’interventi­on si l’on a juste un degré d’écart avec l’instructio­n mais une températur­e trop élevée par rapport au seuil va appeler à l’interventi­on » , cite Éric Tardiveau.

Superviser pour mieux gérer

L’opérateur de maintenanc­e lui aussi en profitera, Smart Station facilitant le circuit court et la rapidité d’interventi­on en cas d’incident. En effet, le système s’intégrant au SI de Gares & Connexions, cette supervisio­n va pouvoir s’interfacer à un système de GMAO ( gestion de maintenanc­e assistée par ordinateur) pour envoyer des alertes au mainteneur. En résumé, la donnée « chaude » permettra de surveiller les gares, de visualiser rapidement les pannes, de gérer la priorité à donner aux incidents et de déclencher des interventi­ons localisées et ce de manière centralisé­e et ergonomiqu­e, depuis l’applicatio­n,

en complément de patrouille­s des agents et des alertes que peuvent remonter les usagers.

Mais la donnée « froide » sera, elle, aussi exploitée, la Smart Station s’intégrant dans la stratégie de développem­ent durable de la SNCF. Il est ici question de fournir cette donnée à certaines fonctions, à l’instar des Energy Managers, afin que soient mis en place des plans d’actions visant par exemple à réduire la consommati­on électrique des gares ou encore leur empreinte carbone. Surtout, in fine, c’est le voyageur qui va profiter de ce système. Selon Yann Keribin, dans la gare, « on a ce besoin d’une performanc­e client toujours plus grande et, dans cette quête, on réalise que l’iot apporte une réponse à certains enjeux en termes de réactivité, de qualité de service. Il déploie l’énergie des agents qui exploitent la gare au plus près du besoin sur des sujets de propreté et de sureté par exemple, centrer leur regard sur le bon équipement au bon moment. C’est une autre façon de regarder la gare » .

Les sept premiers pilotes se sont achevés en début d’année et ont permis de remonter de nombreux cas d’usages. Le déploiemen­t à Lille- Flandres s’achève tandis que le déploiemen­t industriel débute. Ce contrat à 23 millions d’euros s’étale sur huit ans, dont trois dédiés au déploiemen­t. La SNCF et Engie Solutions visent une centaine de gares équipées d’ici à la fin de l’année et un déploiemen­t à l’échelle nationale, dans les 579 gares du projet, en 2023. Soit à temps pour les Jeux olympiques de Paris. ✖

« Une couche de traitement et de centralisa­tion de la donnée vient alimenter une couche de supervisio­n. La valeur de ce projet IOT, c’est bien la centralisa­tion » Éric Tardiveau – dir. des projets FM – dir.- adjoint Facility Management de SNCF Gares & Connexions

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La Gare de Charmes, dans les Vosges, fait partie du programme pilote Smart Stations.
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 ??  ?? Smart Stations entend centralise­r la supervisio­n des gares SNCF équipées, non seulement à des fins de maintenanc­e mais aussi de protection de l’environnem­ent ( réduction de la consommati­on électrique par exemple).
Smart Stations entend centralise­r la supervisio­n des gares SNCF équipées, non seulement à des fins de maintenanc­e mais aussi de protection de l’environnem­ent ( réduction de la consommati­on électrique par exemple).
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L’applicatio­n dédiée permet de visualiser les stations en 3D et ainsi de mieux localiser les incidents qui s’y produisent.
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