Smart Stations : avec l’iot, les gares deviennent plus intelligentes
La SNCF, alliée à Vertuoz, une filiale d’engie, a pour projet de déployer massivement des réseaux IOT dans ses gares. L’objectif est d’automatiser et centraliser la surveillance des équipements, afin d’améliorer in fine la qualité du service aux usagers. Après une phase pilote qui s’achève, Smart Stations est sur le point de passer à l’industrialisation.
Voilà un petit moment maintenant que la SNCF a pris le train du numérique. Les usagers ont désormais accès, peu ou prou, au Wifi gratuit dans toutes les gares de France et de Navarre, ainsi qu’à diverses applications mobiles. Les agents du géant du rail ne sont pas en reste avec une panoplie d’outils divers et variés servant notamment au partage de l’information. On pourra citer l’application Bulldozair, de la start- up éponyme, déployée auprès d’agents de la SNCF en 2016. Laquelle permet de collaborer autour de photographies de chantiers et de plans. De même, la connectivité accrue des gares a permis à la branche Gares & Connexions de la SNCF d’optimiser nombre de ses activités, par exemple la maintenance des portes automatiques ou encore des ascenseurs en gare en les dotant de capteurs.
Mais voilà, les nombreux objets connectés en gare ont été déployés « de façon un peu disparate » , nous explique Yann Keribin, directeur Facilty Management chez SNCF Gares & Connexions. « Il y a une volonté d’avancer qui transparaît à travers ces premières actions, et également de répondre à un besoin client d’avoir des gares plus modernes. »
En 2018 s’impose la vision d’un déploiement plus homogène des technologies à travers un projet de Gares & Connexions : « Smart Stations » . L’initiative a pour dessein de créer un
« Dans la gare, on a besoin d’une performance client toujours plus grande et on réalise que l’iot apporte une réponse en termes de réactivité, de qualité de service »
Yann Keribin – directeur Facility Management de SNCF Gares & Connexions
système de supervision centralisé afin d’améliorer la disponibilité des équipements en gare et, par extension, la qualité du service fourni au voyageur.
579 gares « smart »
La filiale de la SNCF va retenir un certain nombre de cas d’usages des équipements connectés autour de la satisfaction du client ainsi que de sites, 579 sur les 3 000 gares qu’opèrent Gares & Connexions, concentrant 85 % des flux de voyageurs. « Dès lors, Gares & Connexions n’est pas un professionnel du métier, il nous fallait nous associer à un partenaire industriel » , continue Yann Keribin. C’est à Vertuoz, le bras armé technique d’engie Solutions dans le smart building, que la SNCF s’associe en juin 2020 pour démarrer une phase pilote. Le projet se déploie dans sept gares « test » dans le Nord et l’est de la France, à l’instar de Charmes dans les Vosges, de Beauvais dans l’oise ou encore de Thionville en Moselle. Il s’agit de petites et moyennes gares. Le huitième site pilote est quant à lui d’une toute autre envergure : Lille Flandres. Une gare dite « blackout » dans le jargon des cheminots, à savoir qu’elle est critique et ne saurait souffrir d’interruption de services. Un audit et des études de conception à l’été 2020 permettent d’établir des diagnostics pour chacun des sites, en tenant compte des différentes typologies de gares et des travaux à y mener.
Connectivité
Vient ensuite le déploiement de capteurs IOT, mais aussi l’interconnexion avec les logiciels et les équipements déjà installés. « On a une couche d’intégration par API sur les logiciels métier utilisés en gare, plus des capteurs divers et variés sur les ascenseurs, les installations électriques, les portes automatiques… » , indique Nicolas Blandin, directeur commercial et marketing de Vertuoz. « Tout l’enjeu consiste a identifier les secteurs de sorte à industrialiser dans chaque gare en fonction de l’existant. Et ce à partir des cas d’usages, certains connus, inclus dans le cahier des charges et déjà implémentés dans le projet, d’autres qui sont encore à découvrir. Smart Station n’est pas figée, elle sera amenée à évoluer. » L’ensemble des données collectées en gare, soit quelque 11 600 points de données, alimentera une application de supervision, baptisée elle aussi Smart Station. En cours de développement et disponible à la fin de l’année, celle- ci a été conçue avec l’entreprise
Graphic Stream. Elle affiche sur smartphone, desktop et tablette une représentation 3D de la gare, les incidents et les lieux où ils se produisent afin que les agents puissent visualiser les zones où intervenir. Mais avant que les données ne remontent jusqu’à l’application se posait un enjeu technique : les gares sont différentes les unes des autres, les sites sont très hétérogènes et n’offrent pas tous, selon la taille et le type, les mêmes systèmes de connectivité. Vertuoz et Gares & Connexions ont mis en commun leur savoir- faire respectif pour aboutir à un « coffret de connectivité » , dit « coffret Smart Station » , un boîtier qui « intègre l’ensemble des éléments de mesure et de connectivité, filaire ou non filaire, voire mixte » , précise Nicolas Blandin. À noter que la partie sans fil repose sur le réseau IOT LORA, le tout avec des éléments télécom de backup 4G et/ ou LORAWAN. Ainsi, les données remontent à travers le coffret vers un Cloud dédié, hébergé sur Microsoft Azure
Centraliser pour mieux superviser
« Avec plus de 11 000 points de données et 2 000 agents SNCF utilisateurs, le projet pose un enjeu Big Data et un enjeu stratégique d’efficacité opérationnelle de la gare, qui étaient compris dans le cahier des charges » , souligne le directeur commercial de Vertuoz. « Ainsi on va avoir une
« Avec plus de 11 000 points de données et 2 000 agents SNCF utilisateurs, le projet pose un enjeu Big Data et un enjeu stratégique d’efficacité opérationnelle de la gare » Nicolas Blandin – directeur commercial et marketing de Vertuoz, Engie Solutions
première couche, sur le terrain, très prégnante avec un besoin d’amener la data à travers les capteurs. Vient ensuite une deuxième couche d’interfaçage avec les outils déjà déployés par Gares & Connexions. Au- dessus, une couche de traitement et de centralisation de la donnée qui vient alimenter une couche de supervision avec l’application 3D de modélisation graphique pour l’ensemble des gares. » Le tout aboutissant, pour les agents de la SNCF, à une information centralisée en temps réel qui ne requiert par d’avoir une maîtrise en informatique. « La valeur de ce projet IOT, c’est bien la centralisation. Nous avons déjà des systèmes diversifiés en place dans les gares et qui aboutissent à des visions silotés. Ici, il s’agit d’une vision d’ensemble, en concentrant la donnée dans ce coffret Smart Station pour la visualiser depuis un seul point » , précise Éric Tardiveau, directeur des Projets FM – directeur adjoint Facility Management SNCF Gares & Connexions. Trois types d’acteurs vont directement bénéficier de Smart Station. Tout d’abord l’exploitant de la gare, pour lequel la supervision centralisée aidera à la prise de décision en matière d’interventions et de maintenance, une meilleure visualisation permettant un travail d’arbitrage accéléré entre ce qui relève de la simple information et ce qui constitue une alerte nécessitant l’intervention du mainteneur. « La température dans les locaux techniques, qui sont des points sensibles, est un bon cas d’usage. On ne va pas déclencher
d’intervention si l’on a juste un degré d’écart avec l’instruction mais une température trop élevée par rapport au seuil va appeler à l’intervention » , cite Éric Tardiveau.
Superviser pour mieux gérer
L’opérateur de maintenance lui aussi en profitera, Smart Station facilitant le circuit court et la rapidité d’intervention en cas d’incident. En effet, le système s’intégrant au SI de Gares & Connexions, cette supervision va pouvoir s’interfacer à un système de GMAO ( gestion de maintenance assistée par ordinateur) pour envoyer des alertes au mainteneur. En résumé, la donnée « chaude » permettra de surveiller les gares, de visualiser rapidement les pannes, de gérer la priorité à donner aux incidents et de déclencher des interventions localisées et ce de manière centralisée et ergonomique, depuis l’application,
en complément de patrouilles des agents et des alertes que peuvent remonter les usagers.
Mais la donnée « froide » sera, elle, aussi exploitée, la Smart Station s’intégrant dans la stratégie de développement durable de la SNCF. Il est ici question de fournir cette donnée à certaines fonctions, à l’instar des Energy Managers, afin que soient mis en place des plans d’actions visant par exemple à réduire la consommation électrique des gares ou encore leur empreinte carbone. Surtout, in fine, c’est le voyageur qui va profiter de ce système. Selon Yann Keribin, dans la gare, « on a ce besoin d’une performance client toujours plus grande et, dans cette quête, on réalise que l’iot apporte une réponse à certains enjeux en termes de réactivité, de qualité de service. Il déploie l’énergie des agents qui exploitent la gare au plus près du besoin sur des sujets de propreté et de sureté par exemple, centrer leur regard sur le bon équipement au bon moment. C’est une autre façon de regarder la gare » .
Les sept premiers pilotes se sont achevés en début d’année et ont permis de remonter de nombreux cas d’usages. Le déploiement à Lille- Flandres s’achève tandis que le déploiement industriel débute. Ce contrat à 23 millions d’euros s’étale sur huit ans, dont trois dédiés au déploiement. La SNCF et Engie Solutions visent une centaine de gares équipées d’ici à la fin de l’année et un déploiement à l’échelle nationale, dans les 579 gares du projet, en 2023. Soit à temps pour les Jeux olympiques de Paris. ✖
« Une couche de traitement et de centralisation de la donnée vient alimenter une couche de supervision. La valeur de ce projet IOT, c’est bien la centralisation » Éric Tardiveau – dir. des projets FM – dir.- adjoint Facility Management de SNCF Gares & Connexions