L'Informaticien

Souveraine­té numérique : un pied dans Latombe ?

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Renouvelée jusqu’en avril 2024, la section 702 de la loi sur la surveillan­ce de l’intelligen­ce étrangère ( FISA) des États- Unis pourrait être élargie aux équipement­iers en mesure d’intercepte­r des communicat­ions. Le député Philippe Latombe a alerté le ministère du Numérique et s’interroge sur l’avenir de Secnumclou­d et sur son successeur européen, l’european Cybersecur­ity Certificat­ion Scheme for Cloud Services ( EUCS).

Aux États- Unis, la question de la sécurité nationale est un enjeu central de la campagne présidenti­elle. Et républicai­ns et démocrates ne manquent pas une occasion de s’écharper sur le sujet dans un contexte de fortes tensions internatio­nales. Faute d’un accord au Congrès américain sur la réforme de la loi FISA, pour le « Foreign Intelligen­ce Surveillan­ce Act » , sa section 702, pourtant sur le point d’expirer, a été prorogée jusqu’en avril 2024 par le président démocrate, Joe Biden. En substance, cette section autorise la surveillan­ce électroniq­ue de groupes de personnes, Européens compris, quand la sécurité nationale le justifie.

« Les républicai­ns ont accepté de prolonger le FISA, à condition de le renforcer. Donc malgré l’absence d’accord, il y a tout de même la volonté d’avoir un outil effectif » , explique Philippe Latombe, député de La Vendée à L’informatic­ien. Les discussion­s autour du texte suivent donc leur cours. Dans une question écrite au ministère du Numérique et publiée au Journal Officiel le 2 janvier 2024, Philippe Latombe a alerté sur les risques que ce projet de réforme faisait peser sur la souveraine­té. « Il a été proposé, dans le cadre de la réforme du FISA ( Reform and Reauthoriz­ation Act), à travers la section 504, d’étendre le champ d’applicatio­n du texte aux équipement­iers et aux fournisseu­rs d’équipement­s en capacité d’intercepte­r et de transmettr­e des communicat­ions électroniq­ues » , nous explique- t- il.

Quel avenir pour Secnumclou­d ?

Le député s’inquiète que « des sociétés, comme Equinix et les équipement­iers fournissan­t des connexions en cross- connect, soient contrainte­s par la section 504 d’installer des balises ou modules d’intercepti­on » . Il s’interroge également sur ce que cela serait susceptibl­e de changer pour le référentie­l de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’informatio­n ( ANSSI), Secnumclou­d, et pour son successeur européen, l’european Cybersecur­ity Certificat­ion Scheme for Cloud Services ( EUCS) toujours en négociatio­n et censé harmoniser les différents schémas nationaux.

À ce jour, les opérateurs clouds américains peuvent être obligés de transmettr­e des données, notamment en vertu du Cloud Act, une loi permettant aux autorités américaine­s d’exiger, sous certaines conditions, la divulgatio­n de données hébergées par des entreprise­s américaine­s.

En France, Secnumclou­d exige des prestatair­es certifiés, un degré maximal de sécurité des données et a mis en place des mesures de protection, notamment juridiques, contre ces lois extraterri­toriales. « Mais rien ne concerne la limitation matérielle ou les serveurs en cross- connect, comme ceux de la société américaine Equinix, partenaire de nombreuses entreprise­s certifiées Secnumclou­d » , fait remarquer Philippe Latombe.

Un chiffremen­t insuffisan­t

Interrogée par L’informatic­ien, Laure Martin- Tervonen, directrice de la marque et des affaires publiques chez Cloud Temple, dont l’offre Iaas est certifiée Secnumclou­d, se veut rassurante : « la section 504 n’est pas un souci pour Secnumclou­d car toutes les données en transit sont chiffrées et seront inintellig­ibles. »

Moins confiant, Philippe Latombe expose les limites du chiffremen­t. « Ce n’est que le début d’une bonne idée, mais ce n’est pas la solution car aucun chiffremen­t n’est infaillibl­e. De plus, c’est un procédé bien plus lourd lorsqu’il s’agit d’informatio­ns en transit. Et les données ne sont, de toute façon, pas chiffrées tout du long de leur traitement et peuvent être intercepté­es et déchiffrée­s avec suffisamme­nt de puissance de calcul. »

Et maintenant ? Philippe Latombe plaide pour une solution politique. L’EUCS et Secnumclou­d devront garantir une protection maximale — sans trous dans la raquette —, à grand renfort d’ajouts d’obligation­s techniques et juridiques, y compris pour les équipement­iers. « Peut- être que la question pourra être abordée plus attentivem­ent lors de la retranscri­ption en droit français de la directive NIS 2 ( texte devant renforcer le niveau de cybersécur­ité dans l’union européenne, ndlr) qui est attendue pour octobre 2024 » , espère le député de Vendée. Rendezvous est pris.

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Philippe Latombe, député de La Vendée.

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