De la posture à l’action
Depuis quelques mois, les entreprises se sont mises réellement dans l’action autour des questions environnementales. Si la maturité dépend encore beaucoup du secteur d’activité, toutes font un effort souvent conséquent et pas seulement du fait de la réglementation à venir ou présente, mais aussi pour des raisons business.
Laurence Jumeaux, Vice- President Business Technology chez Capgemini Invent et Sustainable IT, a vu la tendance émerger timidement en 2020 juste après la pandémie. Le premier secteur à se lancer, fut le secteur bancaire, « le secteur qui connaît le plus fort impact sur le SI et qui représente entre 20 et 25 % de l’empreinte globale » . À cette époque, les autres entreprises ne traitaient pas le sujet. Entre 2021 et 2022, les entreprises sont montées en compétences, et une organisation a commencé à se mettre en place avec la nomination d’un responsable en charge de la question. Laurence Jumeaux ajoute : « c’est souvent une personne avec une double casquette » . Ce responsable n’a cependant pas une place très en vue malgré un siège dans le Comex de la DSI. Peu souvent, il est au Comité Exécutif de l’entreprise. Il dépend généralement du DSI ou d’un responsable opérationnel. « La plupart ne connaissaient pas le sujet et se sont formés sur le tas après une nomination interne d’une personne qui avait de l’appétence sur le sujet » . Catherine Brennan, directrice des opérations de Birdeo, voit, elle, une recherche de l’organisation optimale dans les grands comptes et des responsables qui montent dans la hiérarchie avec de plus en plus de cadres au Comex des entreprises, principalement dans le SBF 120. Son rôle est de donner de la vision sur la durabilité et d’animer une équipe de professionnels opérationnels et techniques sur
Laurence Jumeaux, Vice- President Business Technology chez Capgemini Invent et Sustainable IT. « Le responsable RSE, c’est souvent une personne avec une double casquette. »
des sujets vastes : économie circulaire, reporting, cycle de vie des produits, carbone, biodiversité et l’innovation en allant voir ce qui se fait ailleurs.
« Dans les entreprises plus petites, tout dépend du sponsor du projet. C’est parfois le directeur qualité qui s’y colle » , remarque la directrice de Birdeo. C’est surtout une personne avec une connaissance transverse de la question. « Au début, c’est souvent l’incarnation d’une personne dans l’entreprise » , décrit- elle.
Nicolas Divin, Field Development Senior Manager chez Equinix, indique que la maturité « dépend beaucoup du secteur d’activité » . « Désormais, 30 % des demandes ( RFP) ont des questions sur l’environnemental avec des demandes sur la neutralité carbone sur les scopes 1 et 2 et sur l’efficience opérationnelle. Nous le ressentons fortement » . Il ajoute : « la plupart commissionnent des études ( 65 à 70 %) et déclarent des engagements forts, mais il reste de l’incertitude sur la trajectoire à suivre » .
Des recrutements tournés vers la professionnalisation
Selon une étude de 2021 du Cabinet Birdeo, les entreprises diversifient leur recrutement. Les femmes représentent aujourd’hui 67 % des répondants. La fonction se spécialise également : ils ne sont plus que 56 % à considérer exercer un rôle transverse de coordination de la démarche RSE. Aujourd’hui, les professionnels du secteur occupent, pour 44 % d’entre eux, des fonctions d’experts au sein des entreprises. Si la plupart d’entre eux travaillent sur les sujets liés à l’environnement ( 19 %) ou la finance durable ( 10 %), les sujets sociaux et sociétaux restent plus marginaux et représentent seulement 5 % des experts interrogés. La fonction RSE devient également de moins en moins isolée : 36 % des répondants animent aujourd’hui une équipe dédiée. Mais les effectifs sont encore insuffisants :
62 % des managers interrogés déclarent manquer de spécialistes dans des domaines tels que le climat, la biodiversité, le social, etc. Pour y pallier, la moitié des managers interrogés font appel à des experts indépendants : 14 % d’entre eux de manière régulière, 40 % plus ponctuellement.
Catherine Brennan voit d’ailleurs la montée de la recherche de compétences par des cabinets spécialisés. Le profil de diplômé d’école de commerce et d’un cursus sur la question est le profil le plus recherché, même si la tendance à la promotion interne reste forte. Elle constate aussi une demande croissante d’experts et de professionnels de la question afin de comprendre les scopes et la méthodologie, comme la méthode SBTI, pour développer une trajectoire vers les objectifs fixés ou pour aligner les solutions de décarbonation.
Catherine Brennan, directrice des opérations de Birdeo. « Les entreprises sont dans une stratégie pour ramener leur chaîne de valeur et leur fournisseur à prendre en compte ces aspects là. »
Embarquer l’écosystème
Si les grands comptes sont au point sur les scopes 1 et 2, elles commencent à bien avancer sur le scope 3. « Elles sont dans une stratégie pour ramener leur chaîne de valeur et leur fournisseur à prendre en compte ces aspects là » assure Catherine Brennan.
Le business d’abord
Il n’en reste pas moins que la démarche se trouve toujours confrontée au business de l’entreprise. Décarboner oui, mais dans l’intérêt du business de l’entreprise. Si plusieurs personnes interrogées pour ce dossier ont souligné ce point, Marc Barbaret, VP Sales South & Western Europe d’evernex, est le plus virtulent : « le mur de l’argent, c’est une évidence. L’argent est à 99 % la véritable raison de se tourner vers ce que nous proposons en maintenance tierce et de rallongement de la durée de vie des matériels dans les centres de données. On le rhabille de green » .
Laurence Jumeaux est moins directe, mais constate que réduire l’empreinte carbone réduit aussi la facture énergétique. Elle déplore que les effets collatéraux sur la rétention et le recrutement des collaborateurs ainsi que l’intérêt des investisseurs qui ne se contentent plus de simples déclarations, mais demandent de véritables KPI sur la question. Ces derniers exigent d’ailleurs plus que les simples déclarations réglementaires. ☐