La Matmut, un cas exemplaire
Dans le long voyage du RSE, la Matmut a bien entamé le chemin et peut se poser comme quasiment un exemple de ce qu’il est possible de réaliser actuellement. Point sur ce voyage avec David Quantin, directeur du numérique et de l’innovation dans la mutuelle.
Pour la mutuelle, la démarche est emblématique. Il y a deux ans, celle- ci fêtait ses 60 ans d'engagement auprès de ses sociétaires. Pour David Quantin, la démarche RSE est « notre raison d’être. Nous avons décliné la démarche ESG dans un plan stratégique et nous parlons de durabilité au sens large dans toutes ses dimensions, car nous sommes d’abord un assureur, ce qui veut dire que nous sommes là pour la protection de nos sociétaires en termes de santé, d’inclusion, de protection dans le temps et d’autres dimensions, ce qui a des impacts sur le modèle assuranciel et sur le long terme » .
Être en ligne avec le métier
« Dans notre métier, nous n’avons pas d’actionnaires, mais des sociétaires. Nous ne sommes pas sous la pression du trimestre. La pression, nous nous la mettons sur le long terme, car notre métier c’est assurer des risques. Avec le CSRD nous devons fournir un reporting sur les données extra financières et sur les différents scopes de la chaîne de valeur. Nous devons veiller à comment ces informations ont été obtenues, qu’elles soient fiables pour remplir des objectifs dans le temps. Nous souscrivons aux accords de Paris et nous sommes engagés à abaisser nos gaz à effet de serre. Nous devons devenir un acteur de la transformation de la société en entraînant, avec de nouveaux critères, notre chaîne de valeur et de sous- traitance. Après, il s’agit de voir comment nous mettons cela en action » .
Une place au Comex
Vu l'importance du sujet pour l'entreprise, il allait de soi qu'il soit du ressort du Comex avec la création d'une direction dédiée communication et RSE portant l'ensemble de l'animation de la trajectoire et dans les différentes directions de l'entreprise. « On s’empare de sujets qui sont les nôtres de manière Top/ Down. Un peu en arrière, nous avons un équivalent temps plein dédié au RSE dans ma direction du numérique. On a pris le parti d’un numérique responsable avec des référents RSE » .
Des actions en différentes étapes
La mutuelle a d'abord réalisé une analyse sur ce qui était sa part dans l'impact, même si David Quantin admet que celle- ci date un peu. Sur le matériel, cette analyse comprend l'ensemble de tout ce qui est utilisé dans l'entreprise, soit 36 000 équipements hors centre de données. « David Quantin indique que cela pèse près de 10 000 tonnes équivalent CO ² . 72 % proviennent de la construction des matériels, le reste de l’usage. L’entreprise a aussi travaillé sur l’allongement de la durée de vie des matériels. « Un bon laptop, cela dure 5 ans, voire plus » continue le directeur du numérique de la mutuelle. La politique n'est pas de céder à toutes les demandes et les victimes de la mode n'auront pas forcément le dernier modèle d'iphone s'ils demandent un changement. Pour les deux centres de données de l'entreprise, il a été effectué la meilleure
recherche d'équilibre pour un PUE abaissé, ou au moins plus correct qu'auparavant.
La mutuelle s'est ensuite attachée à aller sur d'autres points comme la deuxième partie de vie des matériels. Cela a été concrétisé par différentes opérations de remise en économie circulaire des matériels sur différents réseaux. 3 500 PC ont été ainsi reconditionnés et adressés au département pour qu'ils soient distribués à des collégiens défavorisés. L'entreprise travaille aussi avec des associations comme Terra- Num sur Rouen qui lutte contre la fracture numérique avec le don de 100 écrans. La mutuelle travaille aussi avec Emmaüs Connect qui allie les possibilités de distribution des matériels pour leur donner une seconde vie avec la réinsertion professionnelle des personnes dans cette association. De plus, cette opération inscrit la mutuelle dans son tissu local avec l'apport d'un bénéfice à des tiers qui vont avoir accès au numérique. « C’est vertueux de bout en bout et correspond à nos valeurs et raisons d’être » , ajoute David Quantin. Il continue : « nous communiquons sur ces petites victoires » .
Du côté SI, on est aussi revenu sur la manière de concevoir et de développer les applications avec une vision de sobriété dans les ressources utilisées, car elles ne sont pas infinies. Les quelque 700 personnes de la direction numérique et les personnels des services IT sont d'ailleurs engagés et ont une grande appétence pour ce qui est en train de se mettre en place.
Le plan stratégique comprend aussi des choses très concrètes, et comme beaucoup d'entreprise, la recherche du zéro papier ! Cela semble peu, mais les résultats sont là. La rationalisation des impressions a permis de diminuer le nombre d'imprimantes qui ont été remplacées par des multifonctions. Cela a supprimé 90 % de l'empreinte carbone des déchets de poches vides des toners d'encre en plastique. Un résultat bien concret de l'opération. De plus, pour imprimer, il est nécessaire de présenter un badge qui permet de contrôler ce qui est imprimé. Le résultat est concret, avec 6 % de papier imprimé évité au bout de 6 mois.
D'autres mesures ont été mises en place comme le tri des déchets à la cantine, entre plastique, biodéchets et papiers. Les salariés présents en ont désormais pris l'habitude. Autre opération, le Digital Cleanup Day. Il a été demandé aux salariés de supprimer les emails inutiles. Des millions de mails ont été supprimés.
Une sensibilisation des salariés
Si David Quantin constate que « le corps répond » , l'entreprise a aussi mené une politique de sensibilisation globale avec un « mantra » : tout ce qui est fait doit être utile, utilisable et utilisé. Cela crée une chaîne de coresponsabilité entre L'IT et les directions métiers de l'entreprise. Les demandes des métiers doivent se conformer à ce mantra et se demander d'abord si cela est utile !
Les prochaines étapes
David Quantin tient à le rappeler, l'entreprise est en cours sur sa trajectoire. Elle a d'abord choisi de mesurer. Dans les prochaines étapes, la Matmut va se projeter sur ses scopes et travaille actuellement sur l'identification des données pour le faire avec celles déjà présentes dans le SI et celles qui nécessitent une industrialisation. Le travail se réalise aussi sur la trajectoire constitutive du reporting en parallèle d'appels d'offres sur un outillage avec une vision sur les besoins avant les outils. Le Directeur du numérique de la mutuelle constate aussi qu'un gros travail doit être effectué sur la qualité des données et l'industrialisation de leur utilisation.
Un ruissellement vers les autres entreprises
David Quantin a la conviction que malgré l'avalanche réglementaire, des grands donneurs d'ordre comme la Matmut vont permettre par un effet de ruissellement d'engager des entreprises plus petites présentes dans leur écosystème et les faire monter en compétences. Il ajoute : « cela est, de plus, très valorisant pour les personnes qui travaillent sur le sujet, et montre que l’on peut encore agir et que L’IT fait partie de la solution » .