Composants
L’informatique photonique retrouve enfin la lumière
C’est la technologie qui devait succéder au Silicium lorsque la loi de Moore ne sera plus d’actualité. Les composants photoniques ne sont toujours pas parvenus à faire oublier l’âge du silicium. Pourtant, le besoin de puissance des Supercalculateurs et des IA les remet sous le feu des projecteurs.
C’ est carrément une image de science- fiction : des ordinateurs qui ne fonctionnent plus à l’électricité, mais à la lumière. La résistance du Silicium empêchant les électrons de se déplacer à la vitesse de la lumière, pourquoi ne pas s’appuyer directement sur les photons et créer une informatique photonique ? C’est désormais une réalité dans le monde des télécoms, et bientôt, des réseaux locaux avec la technologie POL ( Passive Optical LAN), mais créer des processeurs 100 % photoniques et a fortiori des ordinateurs optiques représente encore un sacré challenge scientifique. Ce qui constitue un véritable changement de paradigme pour l’informatique est encore loin d’être une réalité en dépit d’atouts potentiels considérables en termes de rapidité et de consommation énergétique. L’explosion des besoins en puissance de calcul pour la simulation haute performance et surtout L’IA pourrait bien pousser cette nouvelle approche hors des laboratoires. Enfin !
La technologie Silicon- Photonic ( Siph) tient la corde
Depuis 2022, HPE a noué un partenariat avec Ayar Labs. La startup californienne a mis au point un chiplet optique, le TERAPHY, qui offre une bande passante de 4 Tbit/ s en
bidirectionnel, pour une consommation de 10 w seulement. Son composant s’appuie sur l’approche Siph dont l’atout est de coupler une technologie CMOS « classique » à des circuits photoniques à haute vitesse pour fournir une puce peu coûteuse et dans un format très compact. Bien évidemment, la performance de cette hybridation va dépendre de la place prise par le photonique. Pour simplifier, s’il s’agit simplement de placer des transceivers optiques en périphérie du composant électronique, la performance de l’ensemble va être dictée par ce dernier. Pour les composants où la partie optique va jusqu’au coeur de la puce électronique, les performances sont très nettement supérieures.
Autre startup à suivre, Lightelligence. Cette émanation du MIT travaille depuis 2021 sur le PACE ( Photonic Arithmetic Computing Engine), un coprocesseur de calcul optique dont la promesse était d’être 800 fois plus rapide que les GPU du moment. Son architecture baptisée OMAC est, elle aussi, de type Siph. Flairant l’explosion de la demande de composants pour entraîner les IA, Lightelligence a livré en 2023 une carte intégrant un processeur ONOC, acronyme d’optical Networkon- Chip ( ONOC). L’idée est d’implanter un réseau de 64 noeuds optiques à très haute vitesse et à faible latence pour
accélérer les inférences D’IA. Dévoilée lors de l’été 2023, la carte devait être disponible pour le troisième trimestre avec un SDK permettant à des modèles de Machine Learning d’exploiter sa puissance optique. Avec 64 transmetteurs et 512 récepteurs optiques, cette carte peut être configurée selon plusieurs topologies de réseau optique. Ce sera bien évidemment insuffisant pour déstabiliser Nvidia sur le marché des accélérateurs pour L’IA et ses A100 et V100, mais les labos de recherche vont pouvoir commencer à tester cette nouvelle approche. Toutes ces start- up vont clairement devoir relever le défi de faire monter leur technologie à l’échelle et accroître très rapidement la densité et le nombre de noeuds de leurs cartes.
Des innovations de rupture comme s’il en pleuvait
À l’image de la roadmap de ces start- up, la vague d’applications liées à L’IA est bien évidemment ce cas d’usage qui est en train d’insuffler un nouveau souffle d’innovation sur ce domaine. L’empreinte environnementale de l’apprentissage des LLM pose question, ce qui ouvre la voie à des approches alternatives et des innovations de rupture. Or, pour l’instant, les promesses de ces accélérateurs optiques n’ont pas été tenues.
On se souvient QU’HPE avait justement dévoilé un composant 100 % optique en 2017. Financée par la DARPA, cette puce comptait 1052 composants optique et le futur semblait écrit : on allait peu à peu augmenter ce nombre de composants pour en faire un processeur optique surpuissant… un peu comme les processeurs quantiques d’aujourd’hui dont on annonce un nombre de Qubits de plus en plus fantastique. 7 ans après l’annonce, on n’en entend plus parler et le chercheur porteur du projet, Dave Kielpinski, a quitté HPE pour se reconvertir dans… le calcul quantique. Autre candidat en lice avec une approche totalement étonnante, celle du français Lighton, aujourd’hui reconverti dans les LLM. Son idée était de proposer un OPU ( Optical Processing Unit) dont le fonctionnement est pour le moins innovant : Par diffraction multiple de la lumière, le dispositif devait être capable de réaliser des calculs matriciels… à la vitesse de la lumière. L’approche semblait particulièrement adaptée pour implémenter des réseaux de neurones. L’expérience a tourné court et la start- up a pivoté pour exploiter ses connaissances en IA pour proposer des LLM.
Quand L’IA en voit de toutes les couleurs
Il y a quelques semaines, d’autres approches particulièrement brillantes ont émergé dans les publications scientifiques. Ainsi, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie proposent une nouvelle approche dans la réalisation de composants Siph. Publiée par Nature Photonics, leur recherche vise à exploiter des méta- structures photoniques en silicium de conception inverse afin de réaliser des calculs analogiques avec des ondes électromagnétiques. Les opérations à réaliser sur des matrices de données sont réalisées au niveau des ondes lumineuses directement sur une structure en silicium. Leur recherche montre que l’approche a démontré la pertinence de cette approche sur des matrices 10 x 10.
Une équipe de chercheurs internationaux menés par le Prof. Mario Chemnitz and Dr. Bennet Fischer de L’IPHT de Leibniz à Iéna en Allemagne propose d’utiliser une fibre optique pour simuler les réseaux neuronaux. Les données sont codées sous forme d’impulsions lumineuses ultracourtes de différentes couleurs. Dans la fibre, ces impulsions subissent alors diverses combinaisons, amplifications ou atténuations. Les nouvelles combinaisons de couleurs à la sortie de la fibre permettent de prédire les types de données ou les contextes. Ainsi, un algorithme purement optique est capable de classer les chiffres extraits d’un texte manuscrit : chaque chiffre dispose d’un spectre de couleurs unique, ce qui permet de faire cette reconnaissance à la vitesse de la lumière. L’approche a aussi été appliquée pour la détection des patients atteints de Covid à partir d’un enregistrement audio de leur voix.
Les chercheurs estiment que cette approche est capable d’effectuer diverses tâches couramment entreprises par les réseaux neuronaux artificiels à une fraction seulement de leur complexité d’apprentissage et de leur consommation d’énergie par inférence.
L’électronique sera- elle un jour supplantée par la photonique dans le cerveau futur des robots ? C’est possible, mais les enjeux en termes de recherche et surtout de scalabilité de ces approches en rupture sont encore entiers.