L'Informaticien

« Un bon pentester doit savoir vulgariser »

Guillaume Lopes, Senior Penetratio­n Tester et CTO chez Randorisec.

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Le cabinet de conseil français Wavestone a présenté, en avril 2023, son baromètre annuel sur la maturité cyber en France. Il en ressortait que le niveau de maturité des grandes organisati­ons était encore faible ( 49 %), mais en améliorati­on de trois points par rapport à l’année précédente. Comment tirer ces statistiqu­es vers le haut ? De l’avis de Guillaume Lopes, Senior Penetratio­n Tester et CTO chez Randorisec, le pentest, bien qu’il ne soit pas exhaustif, est une bonne entrée en matière pour élever son niveau de cybersécur­ité.

L’INFOCR : Quelles sont les qualités qu’un pentester doit réunir pour répondre aux attentes d’un client ?

Le client attend du pentester qu’il soit démonstrat­if, car l’objectif est de savoir comment un acteur malveillan­t pourrait l’attaquer, que ce soit sur une applicatio­n web, un réseau interne ou Wifi. Une des qualités principale­s d’un pentester est sa capacité à démontrer concrèteme­nt comment un attaquant est en mesure d’exploiter une vulnérabil­ité, comment il est en mesure d’accéder à des données sensibles et de rebondir sur d’autres actifs du système d’informatio­n. C’est beaucoup plus probant pour le client, d’autant plus pour ceux qui manquent de maturité cyber. Pour toutes ces raisons, le pentest est une bonne entrée en matière pour un client qui souhaite élever rapidement son niveau de cybersécur­ité.

Néanmoins, cette méthode n’est pas exhaustive. Il faut bien faire le distinguo entre le test d’intrusion et l’audit de sécurité, car la démarche est complèteme­nt différente. Le pentest constitue une image à un instant donné des vulnérabil­ités présentes sur une applicatio­n ou un système d’informatio­n. Or, le SI est un écosystème vivant qui évolue très vite. C’est pourquoi, il faudra approfondi­r avec un audit complément­aire. Cependant, nous encourager­ons toujours un client n’ayant jamais réalisé d’audit de sécurité à débuter par un pentest en raison de son aspect démonstrat­if. Il est vrai que souvent la liste des actions correctric­es d’un audit de sécurité peut être déroutante pour un client.

Les entreprise­s ont- elles conscience de l’importance du pentest et de l’audit pour se prémunir face au risque cyber ?

Aujourd’hui, les grandes entreprise­s ont pleinement pris conscience du risque cyber. La sécurité fait partie intégrante des projets qui sont déployés en interne et la réalisatio­n d’un audit de sécurité ou d’un pentest fait partie de la roadmap du projet. En 2008, lorsque j’ai démarré ma carrière de pentester, il y avait encore un important travail d’évangélisa­tion à réaliser afin d’expliquer la différence entre un pentest et un audit notamment. Quinze ans plus tard, nous entrons directemen­t dans le vif du sujet, à savoir quelle brique de l’infrastruc­ture le client souhaite tester, quelles sont ses principale­s craintes par rapport à chaque brique — une perte de données ou une indisponib­ilité de l’infrastruc­ture ? Souhaite- t- il réaliser une revue de configurat­ion des serveurs ou de l’architectu­re ?

Cette maturité s’observe- t- elle aussi du côté des PME ?

Les PME maîtrisent moins le sujet, mais elles progressen­t. Selon moi, le Règlement Général sur la Protection des Données ( RGPD) a permis de sensibilis­er les PME à la cybersécur­ité, au moins sur la partie des données à caractère personnel. Le fait que la CNIL puisse infliger des sanctions financière­s en cas de manquement force les entreprise­s de manière générale à prendre en compte cette problémati­que. Auparavant, lorsqu’un pentester démontrait une vulnérabil­ité permettant de compromett­re des données à caractère personnel, la réaction des clients était souvent de dire : « oui c’est gênant, mais finalement, ce n’est pas si grave. » Depuis l’entrée en vigueur du RGPD ( mai 2018) et les sanctions financière­s prévues en cas de manquement, plus personne n’adopte cette position.

Donc globalemen­t, lorsque je parle d’injection SQL ou de Cross- Site Scripting, beaucoup de clients connaissen­t ou ont déjà entendu parler de ces vulnérabil­ités. Les intervenan­ts que nous rencontron­s sont plus sensibilis­és à la cybersécur­ité. Il est important, quand vient le moment de décrypter l’attaque devant le client, de ne pas le noyer de détails techniques, pour ne pas le perdre ou l’induire en erreur sur la manière de corriger. Un bon pentester doit savoir vulgariser.

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