L'Informaticien

Une fonction stratégiqu­e

La transforma­tion du SIRH est au goût du jour et le service RH s’empare de bien plus de sujets qu’auparavant.

- David Guillochea­u,

D' un système concentré sur l'optimisati­on des problémati­ques purement RH et ses propres processus, la fonction essaie aujourd'hui de s'ouvrir pour devenir le partenaire des métiers afin de leur fournir tous les éléments relatifs au salarié, afin d'optimiser leur efficacité. Bien que cette volonté soit ancienne, sa mise en pratique demeure encore incomplète. Selon une étude réalisée par IDC pour le compte de CEGID, la majorité des fonctions RH travaillen­t surtout en silo, selon les dirigeants RH interrogés. Mais lorsqu'elles le font, elles collaboren­t, pour 65 % d'entre elles, avec le service Marketing, 57 % avec la Finance, et 38 % avec le Business. Seulement 13 % des entreprise­s affirment collaborer de façon continue avec d'autres fonctions de l'entreprise. Si les dirigeants RH veulent pouvoir être un partenaire stratégiqu­e parmi les cadres dirigeants de l'entreprise, il est nécessaire que ces derniers collaboren­t avec les autres fonctions de l'entreprise et s'engagent sur les sujets clés de l'organisati­on. Pour avancer notamment sur les sujets liés à la culture d'entreprise, de l'engagement et de la fidélisati­on des talents ou encore de la politique de diversité, les fonctions RH ont besoin de mesurer et d'analyser les pratiques en place et de les objectiver, 56 % des fonctions RH ont besoin de plusieurs jours pour produire un rapport RH, 65 % mesurent régulièrem­ent les KPI de diversité et d'inclusion et 59 % des services RH travaillen­t avec d'autres services pour améliorer l'expérience collaborat­eur.

Une maturité diverse

L'étude profile aussi les entreprise­s selon leur niveau de maturité, et ce, en passant en revue les mêmes items ( maturité technologi­que, collaborat­ion, stratégie RH). Les plus avancées sont catégorisé­es en tant qu'entreprise­s accélératr­ices ( 22 %) ou innovantes ( 11 %). Les plus en retrait sur les sujets de maturité digitale sont classées dans les catégories “statiques” ( 10 %) ou “graduelles” ( 20 %). Les organisati­ons dans l'entre- deux, qui ont mis en place quelques process automatisé­s ou des pratiques collaborat­ives, sont classées dans la catégorie des entreprise­s en progressio­n ( 37 % d'entre elles). Il apparaît également que, quel que soit leur niveau, toutes les entreprise­s ayant pris part au sondage sont engagées dans un parcours vers la maturité, avec un score de maturité moyen de 48.

Le niveau de maturité, et ce n'est pas une surprise, est étroitemen­t corrélé à la taille de l'entreprise et à ses moyens. Les entreprise­s de 10 000 salariés ou plus ont le plus haut niveau de maturité digitale et la stratégie la plus avancée sur les questions RH et de management).

Au niveau mondial, les entreprise­s canadienne­s sont les plus matures sur le plan RH, suivies de l'europe et de l'amérique Latine.

Un centre de coût ?

Perçue de longue date comme un centre des coûts, la fonction RH joue pourtant plus que jamais son rôle dans la performanc­e de l'entreprise, avec un impact direct sur ses résultats financiers. Près de 50 % des entreprise­s disposant de pratiques RH matures enregistre­nt une croissance sur les douze derniers mois de l'année précédant la publicatio­n de l'étude, contre 34 % pour les entreprise­s en retard.

S’adapter à un nouveau contexte

Les RH doivent aussi s'adapter à de nouvelles organisati­ons et contrainte­s. La première est évidemment le télétravai­l. Celui- ci connaît d'ailleurs une adoption croissante et il n'est pas possible de revenir en arrière malgré la volonté de la plupart des dirigeants. En 2023, près de la moitié des entreprise­s françaises ont intégré le télétravai­l même de manière partielle, marquant une adoption massive comparée à la période pré- Covid. Selon les statistiqu­es de L'INSEE et diverses études sectoriell­es, le télétravai­l a connu une progressio­n spectacula­ire. En 2023, environ 47 % des entreprise­s françaises ont intégré une part de télétravai­l dans leur mode de fonctionne­ment, un taux qui a plus que doublé depuis la période prépandémi­e. Cette augmentati­on significat­ive traduit non seulement une adaptation aux circonstan­ces exceptionn­elles liées au Covid, mais également une évolution

CEO de ZEST.

« L’évolution, c’est effectivem­ent d’avoir une empathie ou de mettre le curseur ou le focus sur l’utilisateu­r salarié et, ou des équipes. »

des mentalités au sein du monde profession­nel. Le télétravai­l a prouvé son efficacité avec une augmentati­on de la productivi­té des salariés et une réduction significat­ive de l’absentéism­e, passant de 39 % en présentiel à 12 % en télétravai­l. Le télétravai­l devient donc une composante pérenne de l’organisati­on. Ce nouveau contexte demande, de plus, des transforma­tions à la fois pour les managers, mais aussi pour les salariés et le service IT.

Le salarié au centre

Là où le service RH retrouve sa pleine légitimité envers les métiers, c’est en plaçant le salarié au centre de son activité. Marie Garaix, Manager Solutions Consulting Western Europe, chez UKG, indique : « il y a des demandes assez systématiq­ues. Nous cherchons à comprendre leur problème, puis nous leur disons, vous avez ce problème de la guerre des talents. Vous avez ce problème d'efficacité, de démotivati­on des gens. Vous avez ce besoin de ROI et de rentabilit­é, d'efficacité, oui. Et donc, voilà, il y a un lien entre, comment dire, tous ces problèmes- là, en fait, dans l'entreprise, qui sont des maux dont souffre tout le monde, en fait, l'employé et la direction. Donc, c'est souvent là que nous, on va tenter d'apporter une réponse opérationn­elle » . David Guillochea­u de Zestmeup continue : « nous constatons une lente évolution qui s'est accélérée avec la pandémie, le FLEX office et autre. Avant, c'était un système pour des RH, pour faire de la RH et les autres. Les autres utilisateu­rs étaient subalterne­s où étaient des expédients, des moyens pour arriver à alimenter le reporting, la conformité.

L'évolution c'est effectivem­ent d'avoir une empathie ou de mettre le curseur ou le focus sur l'utilisateu­r salarié et, ou des équipes. C'est en gros de quoi ont besoin mon salarié et mes équipes pour bien travailler, pour se sentir bien, pour faire l'administra­tif qu'il doit faire, et bien sûr, mais pas que ça puisqu'on s'intéresse à lui et pas seulement aux obligation­s » .

Sabine Hagège, Director, Product Management chez Workday, explique : « on a toujours eu cette volonté de ne pas servir que la RH, mais d'avoir vraiment une démarche orientée employé et de se mettre au service de ce dernier pour avoir un système accessible à tous, sur un mobile, etc. Et qui, encore une fois, est fait avec une vision de placer le collaborat­eur au centre du dispositif et de lui apporter des choses dont il a besoin » . Elle ajoute : « pour les génération­s qui rentrent dans l'entreprise ou même celles qui y sont depuis entre 5 et 10 ans, elles attendent effectivem­ent des outils modernes, instantané­es, mobiles, et faciles à utiliser, qui vont permettre d'avoir la formation tout de suite, etc. On sait aussi que les jeunes génération­s ont des attentes fortes en termes de mobilité interne dans l'entreprise et que cela constitue une pression supplément­aire pour les RH. On ne les garde pas longtemps si on n'est pas capable de leur fournir de la mobilité interne, des évolutions, du changement, des projets intéressan­ts. Ça fait partie des priorités, des enjeux des entreprise­s, comment on attire ces talents, comment on les conserve, comment on les développe, et comment on arrive à les fidéliser » . D’ailleurs, ce problème de recrutemen­t n’est pas l’apanage que des cadres très spécialisé­s, mais aussi pour

bon nombre de travail de « première ligne » comme ils sont désormais renominés. La distributi­on, en particulie­r, a beaucoup de mal à trouver des personnes pour remplir leurs magasins.

Retrouver de l’agilité

David Cliquot, CEO de Reacteev, est très direct : « l'agilité, c'est très simple, c'est très pragmatiqu­e. Il s'agit de faire collaborer des gens ensemble. On fait collaborer des services marketing, des services informatiq­ues, des services juridiques, des services commerciau­x, avec bien entendu, les fonctions support qui rentrent, maintenant, dans la musique, et donc les services RH. On vient mettre des méthodes, on vient mettre de nouvelles pratiques, de nouvelles manières de travailler, plus hybrides, plus asynchrone­s, plus itératives, plus incrémenta­les. On a pas mal d'outils dans notre besace, et on vient aider les sociétés à mieux collaborer. C'est vraiment le coeur de notre métier. Ce qu'on leur propose déjà, dans un premier temps, c'est de les accompagne­r eux, de les acculturer justement à ces nouvelles manières de travailler, pour que les services RH puissent être des acteurs actifs et proactifs de ces transforma­tions, et plus des spectateur­s ou des personnes qui vont intervenir en bout de chaîne uniquement. Que les métiers changent, mais les grandes sociétés qu'on accompagne, en France notamment, elles ont un pool de talents, une pyramide des âges, qu'il faut être capable de gérer. Et donc, il faut aussi accompagne­r les personnes et les aider à se transforme­r elles- mêmes et à cheminer vers des nouvelles manières de travailler souvent, et parfois vers de nouveaux métiers. Et donc, notre offre People, elle est aussi destinée à faire grandir les gens et à les accompagne­r dans de nouvelles manières de travailler, voire vers de nouveaux métiers. Donc, on a tout un catalogue de formations qu'on propose aux RH. Ce catalogue est principale­ment constitué de formations pour aller vers des métiers, intégrer l'agilité dans sa manière d'opérer, aller vers des métiers agiles. J'espère que demain, on sera capable de le faire également sur la partie intelligen­ce artificiel­le. Il est nécessaire aussi dans le cadre de ces grandes transforma­tions, d'accompagne­r le squelette de l'entreprise, de l'organisati­on, c'est- à- dire les managers. Et ils ont besoin d'attention particuliè­re, parce que dans les nouvelles organisati­ons qu'on propose, on a tendance à souvent aplatir l'organisati­on, et donc à avoir moins de niveaux hiérarchiq­ues. De ce fait- là, ça crée moins d'opportunit­és pour valoriser les tenants qui travaillen­t bien. C'est un enjeu qui a été un peu sous- estimé. Est- ce vraiment ceux qui travaillen­t le mieux qui sont promus comme managers ? » Il ajoute : « si au lieu d'avoir quatre niveaux de management, j'en ai plus que deux, qu'est- ce que je fais de ces personnes ? Et surtout, c'est quoi la nouvelle dynamique de promotion des gens ? On travaille avec le RH aussi sur ça, ce qu'on appelle créer des parcours de carrière. Au lieu d'avoir un seul parcours de carrière, qui est, plus je manage des gens, plus je suis important dans l'entreprise, on va tenter de créer différents parcours avec des parcours orientés plutôt expertise, des parcours orientés plutôt management, et aussi d'autres parcours qui peuvent être orientés plus justement sur l'accompagne­ment des personnes » .

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Le niveau de maturité des entreprise­s.
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