L'Informaticien

DPO, oubliez L’AI Act… mais apprenez à débusquer L’IA

Patrick Blum, Délégué général de L'AFCDP.

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Créée en 2004, l’associatio­n française AFCDP ( Associatio­n Française des Correspond­ants à la Protection des Données à caractère Personnel) a pour rôle principal de promouvoir et de défendre les droits liés à la protection des données à caractère personnel.

Dans l’avalanche de textes européens du « paquet numérique » concocté par l’union européenne ( DMA, DSA, DGA, DA, DORA, NIS2…), le dernier en date soulève beaucoup d’inquiétude­s chez les Délégués à la protection des données ( DPD/ DPO). Il y a de quoi, car le « Règlement concernant l’intelligen­ce artificiel­le » ( RIA ou « AI Act » ) tout juste adopté semble écraser le RGPD en termes de lourdeur avec ses 190 pages dont 20 d’annexes ( 118 pour le RGPD), ses 180 considéran­ts ( contre 173) et ses 113 articles ( contre 99) sans compter ses 12 annexes. Toutefois, ce RIA n’est peut- être pas aussi inquiétant qu’il y parait. Même s’il introduit une pléthore de nouveaux concepts ( l’article 4 compte 68 définition­s), c’est bien d’abord aux « fournisseu­rs » de systèmes D’IA qu’il s’adresse ( le mot est cité 499 fois) avec une classifica­tion des produits selon une échelle de risques ( pratiques interdites, IA à haut risque) et des obligation­s de conformité des produits, le tout encadré par des autorités de surveillan­ce du marché ( citées 155 fois). Le RIA semble donc d’abord destiné à réguler le marché des produits d’intelligen­ce artificiel­le proposés aux organismes « déployeurs » .

Les DPO sont- ils concernés par le RIA/ AI Act ?

Très vraisembla­blement, mais probableme­nt pas dans les mêmes proportion­s que pour le RGPD. D’ailleurs, le RIA cite fréquemmen­t les données à caractère personnel ( 79 fois) et leur protection ( 62). Mais il renvoie aussi régulièrem­ent au RGPD ( cité 30 fois).

Dans ce contexte, L’AFCDP recommande aux DPD/ DPO de s’intéresser sans délai aux projets comportant des systèmes D’IA. Mais cela s’inscrit dans les mêmes démarches que pour tous les traitement­s portant sur des données personnell­es. Dans le passé, les DPD/ DPO ( et avant eux les CIL, correspond­ants informatiq­ue et libertés) ont souvent eu à se pencher sur de nouvelles technologi­es dont ils n’étaient pas forcément des experts. Les DPD/ DPO ont dû apprendre à « décortique­r » des systèmes de gestion des ressources humaines ( SIRH), des systèmes de gestion de la relation client ( GRC/ CRM), des outils de géolocalis­ation, des systèmes de caméras augmentées et de vidéosurve­illance, des logiciels de ciblage, de notation ( « scoring » ), etc., pour comprendre les finalités de ces traitement­s, identifier les données traitées, analyser les flux de ces données, et s’assurer de la transparen­ce ( mentions d’informatio­n, droit des personnes). De la même façon, le temps est venu pour les DPD/ DPO de se pencher sur les outils D’IA déployés ou en cours de déploiemen­t au sein de leurs organismes.

Nos recommanda­tions aux DPD/ DPO : soyez pragmatiqu­es, passez plus de temps sur vos traitement­s que sur le RIA/ IA Act :

1 — Formez- vous à L’IA. Intégrez à vos compétence­s une bonne compréhens­ion des concepts et des utilisatio­ns génériques de l’intelligen­ce artificiel­le, de leurs applicatio­ns, de leurs limites et de leur utilisatio­n de données personnell­es. Profitez- en pour intégrer les « Fiches pratiques IA » publiées par la CNIL.

2 — Intégrez à votre cartograph­ie des traitement­s mis en oeuvre dans votre organisme, ceux qui font recours à une IA, sans oublier de détecter les utilisatio­ns individuel­les ou en marge des systèmes d’informatio­n « officiels » .

3 — Identifiez sans tarder les traitement­s qui pourraient faire appel à des IA à risque « inacceptab­le » , car celles- ci devront être mises hors service au plus tard 6 mois après l’entrée en vigueur du règlement. Donc probableme­nt début 2025.

4 — Intégrez les usages de L’IA à vos missions habituelle­s comme pour tout traitement comportant des données personnell­es à commencer par leur inscriptio­n au registre des traitement­s.

5 — Faites la promotion de la protection des données dès la conception : si votre organisme développe lui- même des systèmes d’intelligen­ce artificiel­le, assurez- vous que les principes du RGPD sont bien pris en compte dès les phases de développem­ent. 6 — Si vous y tenez, lisez le RIA. Mais surtout, ne restez pas dans l’isolement, partagez vos interrogat­ions et vos bonnes pratiques avec d’autres DPD/ DPO, par exemple en rejoignant L’AFCDP, et notamment son groupe de travail dédié à L’IA.

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