DSK pour les nuls
Tout ça pour ça ? Présenté à Cannes, hors festival, comme un événement mondial, le film américain sur l’affaire du Sofitel est simplement médiocre
Welcome to New York, par Abel Ferrara. En VOD.
Une bombe, disaient-ils. « Welcome toNewYork » allait embraser le Festival de Cannes. Ses parrains, le réalisateurAbelFerrara, leproducteur Vincent Maraval et le grand Gérard Depardieu n’ont cessé d’invoquer leurs difficultés, les pressions des Strauss-Kahn qui les ont privés de sélectionofficielleetobligésàcontourner les circuits de distribution traditionnels. Pour un peu les bad boys se vivaient en résistants. Sortie mondiale, donc, samedi 17 mai, enVODsur internet, avec projection à Cannes en marge du festival, suivie d’une soirée auNikki Beach de Saint-Tropez, avec distribution de peignoirs et reconstitutiondelafameusesuite2806. « Fuck you », jubilait Ferrara. « Gégé », lui, se montrait soudaingrandprince, louant « l’intelligence politique » deDSK, tandis que sa partenaire, Jacqueline Bisset, confiait « adorer » Anne Sinclair. Des déclarations tardives qui ont décuplélacolèredesex-épouxStraussKahn. Elle a dit son « dégoût » . Lui, réfugié àMarrakech pour ne pas voir ce « carnage » , a décidé d’attaquer en diffamation.
Tantdepublicitésuffira-t-ilàsauver un filmsimédiocre ? Car on s’ennuie fermedès lespremièresminutes, longues scènespseudo-érotiques àdeux, à trois, avec champagne, cigares et chantilly sur les strings. DepardieuDSK, aliasGeorgesDevereaux, tapote mollement lespostérieursdesublimes expertes, les honore éventuellement, en mugissant. « Vive la France » , trinque-t-il. Mais « Gégé » al’oeilmorne et lalibidopoussive. Comment imaginer sous les traits de cet homme au corps si lourd, à l’anglais si mauvais, l’ex-patron du FMI ? Tout porte à décrocher, le scénario, trop connu, filmé comme un documentaire, le rythmelent, lesdialogues souventgrotesques, comme quand Devereaux explique, hilare, que « la bouillabaisse, c’est un peu comme une partouze de poissons ! ». Quelquesminutesauparavant, il violait la femme de chambre, dans une scène conforme – du peignoir au fameux « you know who I am ? » – à la version de Nafissatou Diallo. « J’ai juste éjaculé dans sa bouche » , faitdireFerrara à sondistingué héros. Loin de donner une libre interprétationduréelcommeil l’asouvent répété, le réalisateur a poussé le sens du détail jusqu’à tourner avec les vraispoliciersdans lecommissariatde Harlem et la prison de Rikers Island. Et tenu à insérer, sous forme de flashback, lesvieuxdossiersdel’ancienleader socialiste : Devereauxcourtiseune ravissante métisse de Sarcelles, qui rappelleMarie-Victorine, l’ancienneet malheureusemaîtressedévoiléepar la presse après l’affaire du Sofitel ; il poursuit aussi une journaliste venue l’interroger sur l’affaireMéry, comme
au côté de Jacqueline Bisset
Tristane Banon qui a porté plainte contre DSK. Interprétée par la compagne de Ferrara, elle se débat quand Georges déchire son col roulé.
Un violeur, c’est ainsi qu’apparaît DSK. La riposte judiciaire était donc inévitable. Les avocats de la production le savaient, mais ils ont eu beau demander de couper les scènes délictueuses, Ferrara s’est acharné. Il accablesonpersonnage, lui trouveune seule circonstance atténuante : sa femme, Simone, jouée avec talent par Jacqueline Bisset. Elle apparaît, souveraine, alors que ses amis lui portent un toast : « Comment exprimer notre gratitude à Simone pour sa dévotion à l’Etat d’Israël ? » Les sous-entendus nauséabonds n’en finissent pas. L’argentdel’épouseobsèdeFerrara, quiva jusqu’à insinuer que la fortune de ses parents aurait une origine douteuse. « Je ne pensais pas avoir à défendre aujourd’hui leur mémoire, devant des attaques aussi clairement antisémites » , s’attriste Anne Sinclair sur le Huffington Post. Elle est la cible du film, la clé de la descente aux enfers. Sans cette femme arachnéenne, sa puissance, ses rêvesd’Elysée, lehéros n’aurait pas chuté. C’était le sexe jusqu’à plus soif, ou la mort. « Au fil des ans, morceau par morceau, tu as réussi à ce que je ne me supporte plus moi-même » , souffle le mari à terre. Dans lehuis closdeTribeca, oùlefilm enfin décolle un peu, les masques tombent. Elle hurle. Compte lesmillions dépensés, l’ampleur du « désastre » . Il la prend dans ses bras : « Pardonne-moi. » Puis se rebelle : « Tu savais tout » , peste contre ce psy qu’elle lui a imposé. « Je n’ai pas de sentiment, je ne me sens pas coupable, marmonne Devereaux. Je me fous de ce que les gens disent de moi. » Sans doute cequepenseDSK, lasde se voir dans la vie comme aucinéma abonné aux simauvais films.