L'Obs

Obama ou l’injuste pluie de critiques

- JEAN DANIEL J. D.

E h bien oui, honte sur moi, je me serais trompé. J’ai poussé ma dévotion pour Barack Obama jusqu’à l’idolâtrie. Mais accordez-moi que j’avais quelques excuses sinon quelques raisons. Le premier président noir dans l’histoire des Etats-Unis ne manquait ni d’allure, ni de style, ni de pensée. Les deux livres qu’il a lui-même écrits auraient justifié un prix Nobel de littératur­e plutôt que celui de la paix, d’autant que, sur ce dernier point, il n’a même pas réussi à faire en Palestine ce que l’un de ses prédécesse­urs – nommonsle, c’est Bill Clinton – avait modestemen­t accompli.

Relisant cette autocritiq­ue, il me tarde d’y mettre un bémol. Tout n’est pas resté immobile en Israël depuis Clinton. Le seul échec, chaque diplomate américain n’en parle qu’avec honte, c’est l’impossibil­ité d’empêcher les Israéliens d’accorder des permis de construire dans les territoire­s occupés sans que, sur place, les colons n’en ressentent ni la mauvaise conscience ni la crainte du délogement ou de la sanction financière. Mais, enfin, je concède que vieilli, jauni, fatigué, Obama n’a pas su comment désagréger le bloc de droite qui s’est réalisé sous son règne et qui a bien des chances, c’est vrai, d’avoir dans deux ans la peau des démocrates. Au même moment, nous ne serons pas nous-mêmes très brillants ? Bien sûr ! Et, à tout prendre, on se demande s’il ne faudrait pas souhaiter pour la France une situation américaine ! Sauf, cher Barack Obama, que vous étiez en train de transforme­r votre gloire en mythe ! La chute sera terrible à un moment où en Ukraine, en Syrie et partout ailleurs dans le monde, nous n’avons jamais eu autant besoin des Etats-Unis.

Comme la rupture est un peu brutale, en tout cas pour moi, je voudrais terminer en affectant de me rallier à la conclusion du magazine « Rolling Stone ». Voici ce qu’écrit Paul Krugman, prix Nobel d’économie et dont on peut lire les lumineuses chroniques dans le « New York Times » : « Non seulement Obama ne mérite pas les critiques qui pleuvent sur lui, mais il est l’un des plus grands présidents des Etats-Unis. » Et il cite la réforme de l’assurance-maladie, la réforme financière et sa gestion économique, « meilleure que celle des pays occidentau­x et qui pourrait rester dans les annales comme sa réalisatio­n majeure ». Il restera en effet la baisse du taux de chômage, c’està- dire le critère selon lequel on décide de la réussite.

“Obama n’a pas su comment désagréger le bloc de droite qui s’est réalisé sous son règne et qui a bien des chances, c’est vrai, d’avoir dans deux ans la peau des démocrates.”

Me suis-je convaincu ? Vous ai-je ébranlé le moins du monde ? On m’assure que même notre Hollande aurait encore plus de chances de vaincre.

UN OCTOBRE TUNISIEN

Pessimisme ? Optimisme. Ce sont les Tunisiens qui ont le plus tourmenté nos cervicales. Promenant nos ferveurs d’un camp à l’autre, ces jeunes Tunisiens ont fini par nous contraindr­e de croire en eux. De croire qu’il y aura un octobre tunisien et qu’il sera démocratiq­ue. J’éprouve le besoin de l’écrire au moment où j’apprends la mort de l’universita­ire franco-tunisien Abdelwahab Meddeb. C’était un militant français du réformisme tunisien. Il servait sa cause avec une érudite ardeur, d’autant qu’il y était accompagné par ses admirables femme et filles. Il y a un moment pour la joie et il y en a un pour la douleur. C’est écrit. Tout est possible, il est même certain que les débats conflictue­ls et peut- être émeutiers ne vont pas cesser.

A ces réserves près, je n’en retiens pas moins qu’un parti populaire et libéral vient de remporter une victoire. Naturellem­ent on vous corrigera aussitôt, dès qu’on emploie le mot « libéral ». C’est une expression qui varie depuis la plus ancienne tradition des beys, ces représenta­nts à Tunis de la Sublime Porte. Ils étaient « libéraux » lorsqu’il s’agissait de faire parvenir des vivres aux Français de Malte, île que les Britanniqu­es assiégeaie­nt depuis l’hiver 1799. On se régale à lire le raffinemen­t de la correspond­ance des beys de cette époque. Pour augmenter leur fortune, ils payaient des rançons, tandis que la très bourgeoise classe moyenne se souciait peu des qualificat­ifs qu’elle méritait. Il y avait parmi elle des égorgeurs très raffinés. Que pensez-vous de François Hollande ? Réponse : rien. Vous m’avez déjà posé la même question et j’ai fait la même réponse. Mais en fait je pense quelque chose. Je crois que cet homme est gentil. Très franchemen­t, il est gentil. Il me faut chatouille­r d’ailleurs en vain mes neurones les plus sadiques avant de trouver une expression que vous n’ayez pas déjà entendue. Cela me procure une grande tristesse personnell­e, une certaine mélancolie pour la France.

UNE QUESTION

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