L'Obs

François Pérol

L’ancien conseiller économique de Nicolas Sarkozy, bombardé à la tête de BPCE, comparaît pour « prise illégale d’intérêts ». Un mélange des genres ?

- ODILE BENYAHIAKO­UIDER

PROCÈS Président du directoire de BPCE, François Pérol, 51 ans, doit comparaîtr­e devant le tribunal correction­nel de Paris, du 22 au 24 juin. Il lui est reproché d’avoir accepté, en février 2009, de prendre la tête du groupe issu du mariage entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne alors qu’il suivait de près ce dossier de fusion (d’autres parleront de sauvetage) lorsqu’il était le conseiller économique du président Nicolas Sarkozy.

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DÉONTOLOGI­E Théoriquem­ent, un fonctionna­ire n’a pas le droit, dans un délai de trois ans, de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée. Il aurait pu, à l’instar de Stéphane Richard, PDG d’Orange et ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde, demander l’avis de la Commission de Déontologi­e. Profitant du vide du fait que les conseiller­s du président ne sont pas assimilés aux membres de cabinets ministérie­ls, François Pérol a choisi de s’a ranchir de cette procédure.

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PASSÉ En réponse aux visiteurs qui s’enquièrent de son état d’esprit avant le procès, François Pérol sort un volumineux document relié : tous les articles écrits par Laurent Mauduit sur Mediapart depuis 2006. Inutile de demander à l’ancien numéro deux de l’Elysée s’il n’aurait pas mieux fait de passer par la commission ad hoc : il refuse de parler du passé. Le patron de BPCE se dit « concentré ». Il risque une peine maximale de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.

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BILAN En six ans, il a hissé le groupe BPCE à la 9e place des banques européenne­s (15e en 2009) et l’a redressé. Natixis, la filiale qui plombait les comptes du groupe, vaut 20 milliards d’euros, soit cinq fois plus qu’à la terrible époque des subprimes. Il a aussi féminisé la banque. A son arrivée, il n’y avait qu’une seule femme directrice de banque pour trente-six hommes. Maintenant elles sont six.

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INTÉRIM « Ces journalist­es ne connaissen­t décidément rien à la gouvernanc­e bancaire ! » Il n’a jamais été question de le mettre en intérim pour assurer une meilleure gouvernanc­e de la banque… D’abord le procès ne dure que trois jours et a lieu à deux pas de son bureau. Et, par ailleurs, la réglementa­tion oblige les banques à avoir au moins deux dirigeants e ectifs. BPCE en a cinq. Quand il est à l’étranger ou en vacances, il n’y a pas non plus d’intérim.

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SARKOZY

« Perolito » avoue avoir eu le « coup de foudre » pour « Nico ». C’était en 2004 lorsque le ministre de l’Economie et des Finances, alors star montante de l’UMP, a choisi de le garder comme directeur de cabinet adjoint. Malgré sa situation judiciaire, le banquier apprécie toujours autant Sarko. Ce dernier a été cité dans son procès, tout comme Claude Guéant, ex-numéro deux de l’Elysée, pour expliquer la décision de nommer Pérol à la tête de BPCE.

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TÉFLON En 2010, l’un de ses meilleurs ennemis prédisait que si les socialiste­s arrivaient au pouvoir, « Pérol serait pendu en place de Grève ». Mais ce dur à cuir, surnommé « Téflon », a tenu cinq hivers sans dommage. Quand on évoque des noms de remplaçant­s, classés à gauche, tels Philippe Wahl (président de La Poste) ou François Villeroy de Galhau (ex-directeur général de BNP Paribas), Pérol esquisse un petit sourire en coin. Qui vivra verra.

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INNOVATION Ne s’avouant pas vaincu, le banquier continue à lancer de grands projets pour l’avenir de BPCE. Après le code des cartes bancaires qui tourne avec une pile, il veut être le premier à généralise­r la signature électroniq­ue dans les agences pour les ouvertures de compte ou les crédits à la consommati­on. Un énorme gain de temps et d’argent.

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POP MUSIC Passionné d’opéra, il aime aussi les hits de supermarch­é. A l’Elysée il écoutait en boucle « Relax, Take it Easy » de Mika. A quelques jours de son procès, il pousse à fond « Moves Like Jagger » de Maroon 5 sur la grosse chaîne hi-fi que Charles Milhaud, son prédécesse­ur, lui a léguée. Pérol a en revanche supprimé de son spacieux bureau des bords de Seine les fauteuils en cuir blanc et l’écran géant.

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LITTÉRATUR­E Grand lecteur de romans, il est devenu l’agent littéraire « à titre bénévole » de Chimamanda Ngozi Adichie, la talentueus­e écrivaine nigériane dont il o re tous les romans à son entourage. Après avoir lu « Americanah », il a fait son petit Luchini en lisant, lors d’un séminaire de cadres de BPCE, des extraits de « Nous sommes tous des féministes » (Folio). Agent littéraire… Peut-être une nouvelle vie en

perspectiv­e, qui sait ?

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