Dans « Perfidia », vous revenez sur une époque noire de l’histoire américaine : la situation des Japonais américains dans les années 1940.
Oui. J’aime ces bons Américains dans leurs belles voitures, avec leurs belles maisons, qui regardent ces Japonais avec haine à cause de Pearl Harbor : c’est une situation de conflit idéale pour un roman.
Vous avez une vision très noire du monde… Non, non. Je regarde le monde avec humour, beaucoup d’humour. Et il y a toujours la possibilité de l’amour. Quand même, la corruption règne, il y a des meurtres, les salauds sont partout… C’est très pessimiste. Ouais, mais au fond je suis optimiste quant à l’humanité en général. La guerre fait ressortir toute la merde, c’est tout. Vous pensez que les années 1940 étaient meilleures que l’époque actuelle ? Je ne sais pas. Je réinvente le passé. Je ne sais plus ce qui est réel ou pas. Je ne m’occupe que des faits historiques dont j’ai besoin pour écrire mes livres. Je me sens plus à l’aise dans mon imagination que dans le présent.
Pourquoi revenir sans cesse vers le passé ? C’est ma vie. Je regarde en arrière, vers cette décennie qui a précédé ma naissance, et il m’arrive de souhaiter avoir vécu dans cette période. Les enjeux étaient plus nets.
C’est-à-dire ? Il y avait des psychopathes génocidaires, dont certains ont bombardé le monde libre. Par chance, l’Amérique s’en est mêlée. Il y a eu de bons anges – les interventionnistes –, de moins bons – les isolationnistes –, et on est allé casser la gueule aux ordures.
Comment vous situez-vous ? Au fond, j’ai toujours eu le sentiment d’être un homme des années 1940 ou 1950 et je n’ai jamais mis cette appartenance en doute. Il m’a fallu six livres, jusqu’au « Dahlia noir », en 1987, pour maîtriser le langage, et c’est là que j’ai su que je pouvais parler de cette époque des fifties. J’avais l’énergie et le talent nécessaires pour évoquer ce passé. L’Amérique que vous dépeignez n’est pas terrible : gangstérisme, délinquance, maccarthysme… O.K., mais on a gagné la guerre froide, je vous signale.